WhatsApp par Facebook, Fitbit et Waze par Google... Autant de rachats de startups alors balbutiantes par des géants du Net américains, qui sont passés comme une lettre à la poste auprès des régulateurs, mais dont on mesure aujourd'hui les effets délétères sur la concurrence. Pour éviter que ce genre d'erreurs se reproduisent, la Commission européenne remet à plat son droit de la concurrence : c'est le Digital Markets Act, ou Règlement sur les marchés numériques, annoncé en décembre dernier. Un texte majeur qui part du principe que les rois actuels de l'économie, les fameux Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) ont réussi à devenir indéboulonnables et à abuser de leur position dominante parce que les régulateurs n'avaient pas les armes pour les contraindre.
L'un des chantiers du DMA concerne les fusions-acquisitions. Et part du principe suivant : ce n'est pas parce qu'une petite startup navigue sous les seuils de vigilance que son acquisition par un géant du Net ne revêt pas un caractère stratégique. WhatsApp et Messenger en sont des exemples parfaits : ils étaient seulement des "petits" réseaux sociaux en vogue au moment de leur rachat par Facebook. Mais leur acquisition a tué une potentielle concurrence majeure, car les deux messageries ont explosé sous la tutelle de Facebook, faisant de l'écosystème Facebook la pierre angulaire des interactions sociales.
Renforcer le rôle de la Commission européenne
Le DMA prévoit donc de renforcer les contrôles sur les acquisitions en créant une obligation d'informer la Commission de tout projet d'acquisition de firme en Europe. Mais la France, l'Allemagne et les Pays-Bas trouvent que c'est insuffisant. Dans une initiative conjointe, les trois pays ont annoncé jeudi 27 mai vouloir renforcer et clarifier le texte, pour faciliter l'ouverture d'enquêtes et bloquer certaines opérations, sur des cibles ayant une grande valeur mais un faible chiffre d'affaires, sous les seuils de notification actuels.
"Ce que nous demandons, c'est de notifier formellement les opérations afin qu'il y ait une documentation plus abondante fournie à la Commission, qui pourra servir de base pour une enquête approfondie", a expliqué le secrétaire d'État en charge du Numérique, Cédric O.
L'appel intervient alors que les ministres en charge du numérique des 27 Etats membres se sont réunis à Bruxelles pour de premiers échanges autour du package DMA/DSA, ce dernier désignant le Digital Services Act, qui vise notamment à mieux réguler les contenus diffusés sur les grandes plateformes numériques comme Facebook et Twitter.
Les deux textes doivent encore être approuvés par le Conseil européen, qui représente les Etats membres, et le Parlement européen. Le DMA imposera des contraintes spécifiques aux seuls acteurs dit "systémiques", une dizaine d'entreprises dont la toute-puissance menace le libre-jeu de la concurrence, dont les cinq "Gafam" (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).
La Commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, a cependant souligné que les règles existantes permettent déjà d'examiner rapidement des rachats lorsqu'ils sont notifiés par les autorités nationales, comme pour l'acquisition récente par Facebook du fournisseur de logiciels Kustomer, pourtant sous les seuils fixés par l'UE.
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