Cloud : la domination d'Amazon, de Microsoft et de Google s'accentue en France

Les trois géants américains captent à eux seuls 71% du marché des infrastructures (IaaS) et des applications de développement à la demande (PaaS) en France en 2021, dont 46% pour le seul Amazon Web Services. Surtout, ces mastodontes ont concentré pas moins de 80% de la croissance annuelle du secteur, ce qui fige leur domination au détriment des solutions alternatives comme celles des Français OVHCloud, Scaleway ou Clever Cloud.
Sylvain Rolland
Le marché actuel de l'IaaS et du PaaS est évalué à 16 milliards d'euros en 2021, et devrait atteindre 25 milliards d'euros en 2025. Si les Gafam continuent d'avaler 80% de la croissance du secteur, 7,2 milliards d'euros sur les 9 milliards d'euros supplémentaires prévus d'ici à 2025 iront dans leur poche.
Le marché actuel de l'IaaS et du PaaS est évalué à 16 milliards d'euros en 2021, et devrait atteindre 25 milliards d'euros en 2025. Si les Gafam continuent d'avaler 80% de la croissance du secteur, 7,2 milliards d'euros sur les 9 milliards d'euros supplémentaires prévus d'ici à 2025 iront dans leur poche. (Crédits : Ivan Alvarado)

"Rarement un marché du numérique n'a été si concentré". Le dernier rapport du cabinet Markess by Exaegis, spécialisé dans l'analyse des marchés du numérique dont le cloud, donne rapidement la couleur : la domination des trois géants américains Amazon Web Services (AWS), Microsoft Azure et Google Cloud n'a jamais été aussi forte en France, et rien n'indique que cette concentration pourrait diminuer.

En 2021, les trois hyperscalers -fournisseurs leaders dans le cloud- ont gagné sur tous les tableaux : non seulement leur parts de marché reste au plus haut à 71%, mais en plus ils sont ceux qui profitent le plus de sa croissance, car ils en ont capté pas moins de 80% à eux trois, soit près de 400 millions d'euros de nouveaux contrats en une seule année ! Le tout, bien sûr, au détriment des solutions alternatives, qui tentent d'exister sur des niches de marché mais ne semblent pas encore capables de changer l'ordre établi.

AWS, Microsoft Azure et Google Cloud raflent -quasiment- tout

Dans le détail, l'étude porte sur le marché des infrastructures cloud (IaaS) et celui des applications de développement à la demande (PaaS). Même si sa croissance est moins forte que celle de ses concurrents Microsoft Azure et Google Cloud, Amazon Web Services continue de dominer de la tête et des épaules, avec une part de marché énorme estimée à 46%, et une croissance de 23% en 2021. "Avec une offre innovante et pléthorique, AWS est désormais présent dans toutes les strates de l'économie française, de la PME aux très grands comptes en passant par les éditeurs et les startups", note l'étude.

Avec 17% de parts de marché, le numéro deux Microsoft Azure reste très loin du leader. Mais l'éditeur de Redmond a connu la meilleure croissance de tous : +53% en 2021. "Microsoft tire profit de ses investissements massifs sur Azure et des synergies avec ses offres logicielles (Office 365, CRM, ERP, Analytics, etc)", explique la note. Enfin, troisième hyperscaler du podium avec 8% de parts de marché, Google Cloud affiche un net retard sur les deux premiers en termes d'adoption, mais il commence à les rattraper avec 48% de croissance en 2021.

Quid des autres fournisseurs ? Si 71% du marché se concentre entre les mains de trois acteurs, tous les autres se partagent les 29% restants. Autrement dit, les français OVHCloud, Scaleway, Clever Cloud, Orange Business Services et 3D Oustcale, ou encore les américains Kyndred -nouveau nom d'IBM Global Technology Services- ou Oracle récupèrent les miettes. Pire, leur croissance cumulée est plus faible : 23%, alors que le marché a crû de 35% en 2021. Autrement dit, les alternatives aux trois géants américains tendent à régresser.

"Pour la plupart, ces acteurs ne peuvent rivaliser avec les investissements colossaux des hyperscalers, chiffrés en milliards de dollars annuels, et se concentrent sur des segments spécifiques (cybersécurité, plateformes applicatives, cloud souverain ou encore gestion de cloud hybride et multicloud)".

Les alternatives n'arrivent pas à profiter de la dynamique de croissance

Rien n'indique que ce rapport de forces largement favorable aux Gafam va changer dans les mois et années à venir. Malgré leurs discours sur la nécessité d'une souveraineté numérique dans le cloud, la France comme l'Union européenne semblent se résigner face au rouleau-compresseur américain, qui ont obtenu une place centrale et confortable dans la nouvelle stratégie cloud de la France et dans le projet européen Gaia-X, qui construit les futurs standards du marché avec eux. En France, les trois géants ont donc continué à engendrer d'énormes contrats en 2021, à l'image de la SNCF qui a choisi de basculer l'intégralité de ses serveurs, auparavant gérés en interne, sur le cloud d'AWS.

Pourtant, le marché du cloud est sur une dynamique de très forte croissance, de l'ordre de 37% par an d'après le cabinet. Autrement dit, les champions d'aujourd'hui pourraient ne pas être ceux qui domineront dans dix ou quinze ans si cette croissance profitait surtout à des acteurs alternatifs. Encore faudrait-il pour cela qu'ils soient davantage soutenus par les politiques publiques... Le marché actuel de l'IaaS et du PaaS est évalué à 16 milliards d'euros en 2021, et devrait atteindre 25 milliards d'euros en 2025. Si les Gafam continuent d'avaler 80% de la croissance du secteur, 7,2 milliards d'euros sur les 9 milliards d'euros supplémentaires prévus d'ici à 2025 iront dans leur poche.

Conscients du risque que l'extraordinaire croissance du secteur leur soit défavorable, les Gafam ne lésinent pas sur le lobbying et les investissements pour conserver leurs positions. De fait, la concurrence existe bel et bien dans le cloud, comme le soulignait Margrethe Vestager, mais surtout entre les trois hyperscalers. Les autres acteurs ne pouvant rivaliser avec leur puissance financière et leur capacité à englober leurs services cloud dans un écosystème beaucoup plus large. Ainsi, AWS espère contrer la montée en puissance quelque peu inquiétante pour lui de Microsoft Azure, en investissant 25 milliards de dollars dans ses services d'infrastructure cloud d'ici à mi-2023. La perception de la supériorité des technologies et du catalogue des Gafam reste solidement ancrée en France.

Lire aussi 8 mnConcurrence dans le cloud: les acteurs européens se rebiffent face à la neutralité de Margrethe Vestager

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 18/05/2022 à 18:39
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Le changement passera par la commande publique car aucun DSI d'un groupe n'ira vers une solution alternative aux 3 majors, car trop risqués.

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