E-commerce : l'étau se resserre autour d'Amazon, attaqué pour pratiques anticoncurrentielles envers ses vendeurs

Le géant du e-commerce est accusé de « stratégies anticoncurrentielles et déloyales pour maintenir illégalement son monopole », notamment en faisant monter les prix et en dégradant le service pour les consommateurs et les entreprises qui dépendent de la plateforme pour commercialiser leurs produits. Amazon dénonce une dérive de l'autorité américaine de la concurrence (la FTC).
Sylvain Rolland
La présidente de la FTC américaine, Lina Khan.
La présidente de la FTC américaine, Lina Khan. (Crédits : Pool/Sipa USA via Reuters Connect / Reuters)

Amazon à nouveau menacé par la justice. Le géant et numéro un mondial du commerce en ligne est encore attaqué par des régulateurs, cette fois par une coalition composée de l'autorité américaine de la concurrence (la Federal Trade Commission ou FTC), et de 17 Etats américains. L'objet de leur courroux : les « stratégies anticoncurrentielles et déloyales pour maintenir illégalement son monopole » sur le commerce en ligne, d'après un communiqué de l'agence fédérale. Cette nouvelle procédure s'ajoute à plusieurs enquêtes et plaintes en cours contre la plateforme, sur différents sujets qui vont de la confidentialité des données à ses pratiques commerciales jugées abusives.

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La marketplace, une vache à lait grâce à des méthodes douteuses ?

Concrètement, la FTC attaque ce qu'elle estime être des « méthodes illégales qui visent à exclure les concurrents, à les empêcher de se développer, et à des alternatives d'émerger ». Selon l'autorité américaine, Amazon dissuade les vendeurs sur sa marketplace, qui concentre 60% de son chiffre d'affaires sur le e-commerce au niveau mondial, de proposer des prix inférieurs aux siens sur les produits où le groupe de Seattle est en concurrence avec les détaillants, ce qui constituerait une pratique anticoncurrentielle.

La FTC reproche aussi au géant américain de conditionner l'éligibilité des commerçants au programme Prime -l'abonnement qui permet aux consommateurs de se faire livrer plus rapidement- à l'utilisation des services de logistique « coûteux » d'Amazon. « Ce n'est pas la taille d'Amazon qui est en cause, précise l'institution, mais ses pratiques. Amazon exploite le pouvoir qu'elle tire de son monopole pour s'enrichir, tout en faisant monter les prix et en dégradant le service pour les dizaines de millions de familles américaines qui font leurs achats sur sa plateforme et les centaines de milliers d'entreprises qui dépendent d'Amazon » pour commercialiser leurs produits, assène la présidente de la FTC, Lina Khan, citée dans le communiqué.

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Les régulateurs du monde entier mobilisés

Les pratiques d'Amazon sur sa marketplace font régulièrement l'objet de critiques virulentes qui intéressent les régulateurs du monde entier. Fin 2021, l'Institute for Local Self-Reliance (ILSR), une ONG américaine qui défend les petites et moyennes entreprises, a publié un rapport explosif, détaillant par le menu les pratiques de prédation de l'ogre de Seattle vis-à-vis des commerçants de sa marketplace.

L'ONG démontrait ainsi que « la marketplace est le pivot de la stratégie de monopolisation d'Amazon ». D'après son étude, les vendeurs tiers doivent s'acquitter de frais -commission d'Amazon, publicité pour le référencement, livraison...- qui ne cessent d'augmenter, passant de 19% en moyenne du prix de chaque article en 2014, à 30% en 2018 et 34% en 2021. Ces frais permettent à Amazon d'engranger des profits considérables, établis à 24 milliards de dollars en 2020, alors que parallèlement, son service d'abonnement Prime perdait 15 milliards de dollars la même année. Et de conclure :

« Cet énorme flux de revenus permet à Amazon de s'engager dans deux tactiques anticoncurrentielles qui sont essentielles pour maintenir sa domination dans le e-commerce. Premièrement, il utilise les frais de vente pour absorber les pertes massives de Prime. Ces pertes sont prédatrices car elles sont un moyen crucial pour Amazon de verrouiller les consommateurs. Deuxièmement, Amazon utilise les bénéfices tirés des frais de vente sur sa Marketplace pour subventionner sa propre division de vente au détail, à des prix agressifs »

La position centrale d'Amazon dans le e-commerce mondial -l'entreprise représente 1 achat sur 10 sur Internet dans le monde, alors qu'il existe des millions de sites marchands-, et certaines pratiques jugées délétères pour la concurrence, ont encouragé de nombreux Etats, ONG et régulateurs, à ouvrir des enquêtes et déposer des plaintes ces dernières années. L'Union européenne a même intégré Amazon dans sa liste des « gatekeepers », ces plateformes structurantes du marché numérique qui font l'objet de régulations spécifiques dans l'objectif de contenir leur puissance et d'éviter de futurs abus de position dominante, notamment via le Digital Markets Act (DMA), et le Digital Services Act (DSA). Amazon est la seule entreprise au monde à être concernée, de par l'ampleur de ses activités, par les deux textes, entrés en vigueur en 2023.

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Amazon accuse la FTC de partialité

Dans une rencontre avec la presse, mardi 26 septembre, la direction France de l'entreprise a assumé d' « encourager les commerçants à souscrire aux services additionnels d'Amazon, dont la livraison », mais en insistant sur le caractère optionnel de ces services.

Plus tard, David Zapolsky, l'un des vice-présidents d'Amazon, a défendu les pratiques incriminées par la FTC. « La plainte déposée aujourd'hui montre clairement que la FTC s'est radicalement écartée de sa mission de protection des consommateurs et de la concurrence », a-t-il réagi. D'après lui, les pratiques mises en cause par l'autorité ont au contraire « permis d'offrir un plus grand choix, des prix plus bas et des délais de livraison plus courts aux clients d'Amazon, ainsi que des opportunités plus importantes pour les nombreuses entreprises qui vendent dans le magasin d'Amazon ».

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 27/09/2023 à 13:25
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La photo de propagande "tous masqués" en dit long sur la tribune et le propriétaire ! Pitoyable

à écrit le 27/09/2023 à 12:22
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Leur système leurs règles, quelle économie d'hypocrites. Le moins mauvais des systèmes... LOL.

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