Voilà une semaine qu'Elon Musk a décidé de renommer Twitter en X. Lundi, le processus de transformation en est arrivé à sa fin avec le renommage de l'application pour iOS, quelques jours après le changement sur Android. Pour couronner l'événement, X a présenté un nouveau slogan, « Blaze your glory ! », dont la signification en anglais reste obscure, et dont la traduction française paraît hasardeuse : littéralement, « fait flamber ta gloire ».

Pendant sept jours, la mutation du réseau social a suivi la méthode brutale appliquée par le milliardaire depuis sa prise de pouvoir en novembre 2022. Une suite de changements précipités, de retours immédiats sur ces changements, de problèmes de voisinage ou encore de complotisme. Une semaine folle, qui illustre une fois de plus la direction chaotique prise par le réseau social depuis la prise de pouvoir d'Elon Musk.

Lundi, la police débarque aux bureaux de Twitter

A peine le changement de marque annoncé, le milliardaire exprimait sa volonté de faire ses adieux à l'oiseau bleu qui représente le réseau social depuis 17 ans. Son souhait s'est traduit dans une véritable châsse au logo dans les bureaux de Twitter à San Francisco, dès le lundi. L'entreprise n'a pas tardé à défigurer son propre bâtiment, démontant les logos sans les remplacer, repeignant en noir les murs où l'oiseau bleu était dessiné ou encore arrachant les affiches où il était présent.

Cet épisode a culminé lorsque des ouvriers commandités par Musk se sont attaqués, lettre par lettre, au grand panneau Twitter affiché verticalement sur la devanture du bâtiment. La police locale a débarqué pour arrêter l'entreprise de destruction, sous prétexte de « travail non autorisé ». En cause, selon elle : Twitter n'avait communiqué ni à l'entreprise en charge de la sécurité du bâtiment ni au propriétaire ses intentions. Suite à l'intervention, seules les deux dernières lettres (« er ») et l'oiseau bleu sont restés accrochés, avant que l'entreprise d'Elon Musk soit contrainte de rétablir le mot entier.

Une fois la chasse aux oiseaux terminée, Elon Musk a renommé les salles avec des mots incluant la lettre X comme « eXposure », « eXult », ou encore « s3Xy ». Puis le nouveau logo X a été projeté à plusieurs endroits à l'intérieur des bureaux, ainsi que sur la devanture. Un peu plus tard dans la semaine, l'entreprise a érigé un gigantesque X stroboscopique sur son toit.

Problème : cette illumination à toute heure de la nuit a suscité la grogne du voisinage d'après Reuters, et déclenché une enquête des autorités locales. Après avoir refusé l'accès à son toit -l'installation ne tenait que grâce à des sacs de sables à son pied-, X a démonté son nouveau logo. Pour rappel, l'entreprise avait fait face dès les premiers mois de Musk à des menaces d'éviction suite à des loyers impayés. Le milliardaire refuse toujours de payer à ce jour.

Mardi, des propos complotistes pour le dirigeant de X

Le lendemain des premiers pas de X, Elon Musk s'est illustré par une nouvelle sortie complotiste. L'attention des utilisateurs de la plateforme se portait sur le malaise cardiaque lors d'un entraînement de Bronny James, basketteur destiné au monde professionnel et fils de la superstar LeBron James. En réponse à un compte anti-vaccin qui évoquait le sujet, le propriétaire de X a déclaré : « nous ne pouvons pas tout attribuer au vaccin, mais, sur le même principe, nous ne pouvons pas ne rien lui attribuer. La myocardite est un effet secondaire connu. La seule question est de savoir si c'est rare ou commun. »

Rapidement, ses propos ont été annotés par les Community Notes, la fonctionnalité du réseau social destiné à remettre en contexte les propos douteux. Citant un article du média CBS et un autre de la Yale Medical School, la note précisait que « les études montrent que le risque de myocardite est largement plus grand suite à une infection du covid que suite à un vaccin. » Cette annotation a disparu au bout de quelques heures, sans que l'entreprise ne donne d'explication.

Alors qu'il se définit comme un défenseur de la liberté d'expression absolue et qu'il promeut régulièrement les Community Notes, Elon Musk n'a pas commenté le retrait. Plus généralement, le milliardaire interagit quasi exclusivement avec des comptes de la droite dure américaine, et a multiplié les prises de positions politiques de ce bord.

Mercredi, X récupère enfin le nom @X sur... X

Lors du lancement chaotique de X, l'entreprise avait oublié de récupérer le nom de compte @X sur son propre réseau social. Historiquement, ces noms en une lettre font partie des plus recherchés de la plateforme, et s'échangent ainsi à prix d'or au marché noir. Comme l'a détaillé Mashable, le @X appartenait depuis 16 ans à Gene X. Hwang, dirigeant américain d'une entreprise de photographie et d'événementiel. Plutôt que de prendre contact avec le propriétaire du compte, l'équipe de X a récupéré le nom sans le prévenir en amont, et s'est contenté de lui envoyer un email de notification a posteriori. Le tout, après avoir modifié son nom en @x12345678998765.

Certes, l'entreprise avait le droit d'agir comme elle l'a fait, mais l'absence de compensation paraît en décalage avec ses prises de positions passées. En effet, plus tôt dans l'année, Elon Musk avait suggéré qu'il pourrait créer une place de marché pour enchérir sur les noms de compte rares mais inutilisés... Finalement, Gene Hwang s'est vu offrir une rencontre avec des dirigeants de X et des goodies au nom de l'entreprise, une proposition qu'il comptait refuser.

Jeudi et vendredi, le grand tâtonnement pour l'esthétique du réseau social

Jeudi, Elon Musk a déclaré que X n'aurait bientôt plus qu'un « mode sombre » car il est « meilleur quelque soit la situation. » Ce mode, qui affiche l'écriture en blanc sous fond sombre à l'inverse du mode clair, devient une option de plus en plus demandée pour les applications. Il apporte entre autres un certain confort de lecture dans l'obscurité et évite d'être trop ébloui par l'écran. C'est pourquoi Twitter propose aux utilisateurs de choisir leur mode d'affichage depuis sept ans.

Problème : le mode obscur pose de gros problème d'accessibilité, puisqu'il rend la lecture pénible voire impossible pour certains utilisateurs déficients visuels. Sous le feu des critiques, Elon Musk a fini par déclarer le lendemain de son annonce que le réseau social aurait bien le mode sombre par défaut, mais que le mode clair resterait une option...

En parallèle, l'entreprise a déployé sur sa plateforme une nouvelle version de son logo -annoncé dès le départ comme temporaire-, avec un trait plus épais. Mais dans la même journée, Elon Musk a décidé que la nouvelle itération ne lui plaisait plus, et la plateforme a redéployé son logo initial. Le chantier reste donc en cours, tout comme le changement de nom des « tweets » et des « retweets », que le milliardaire comptait initialement appeler « X » et « re-X », le verbe « X'er » remplaçant « tweeter ».

Quelles limites pour la méthode Musk ?

La transformation en X a fini par aboutir, mais les observateurs du réseau social n'en ont pas fini avec les événements quotidiens aux allures de faits divers. Par exemple, X a  réhabilité ce lundi le compte du rappeur Kanye West, pourtant banni à plusieurs reprises pour ses propos antisémites. Proche d'Elon Musk, l'artiste avait déjà récupéré son compte lors du changement de direction avant de se faire bannir une fois de plus. Par la suite, lors d'une intervention dans l'émission InfoWars, animé par la figure de l'extrême droite américaine Alex Jones, il avait poussé son antisémitisme jusqu'à faire l'apologie d'Hitler. Autrement dit, le réseau social vient de lancer une bombe à retardement sur sa modération.

Cette suite d'événements chaotique reflète une fois de plus la méthode Musk. Esther Crawford, ancienne directrice des équipes produits de Twitter récemment licenciée, décrit en Elon Musk un homme charismatique, mais colérique et imprévisible au point d'effrayer ses employés. Surtout, elle dessine un dirigeant qui navigue à vue : « j'ai rapidement appris que ses décisions étaient quasi toujours le résultat d'un suivi de ses intuitions, et qu'il ne semblait pas chercher ni s'appuyer sur des données ou de l'expertise pour les alimenter », écrit-t-elle dans une longue série de tweets. « Il fait plus confiance aux feedbacks d'une personne aléatoire qu'à celui des personnes qui ont passé leur vie à traiter ce genre de problème à bras le corps. »

Résultat ? Le dirigeant affirme, sans que ses dires puissent être vérifiés, que le réseau social n'a jamais eu autant d'utilisateurs. Mais ses revenus publicitaires s'effondrent, et le nouveau système d'abonnement, X Blue, ne convainc pas. Une question se pose désormais : jusqu'où la méthode Musk peut-elle mener X ?

François Manens

01 Août 2023, 7:33

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