La stratégie de Pinterest pour réinventer le marketing en ligne

La fonction "acheter" vient d'être lancée sur Pinterest aux Etats-Unis. La responsable de ce réseau social en France, Stéphanie Tramichek, explique comment les marques peuvent utiliser cet outil. Une méthode parmi d'autres pour tenter de raccourcir le temps entre l'inspiration et l'achat.
Marina Torre
Pinterest propose désormais à ses utilisateurs sur tablettes et mobiles d'acheter directement sur le site via ApplePay et d'autres moyens de paiement (seulement aux Etats-Unis)
Pinterest propose désormais à ses utilisateurs sur tablettes et mobiles d'acheter directement sur le site via ApplePay et d'autres moyens de paiement (seulement aux Etats-Unis) (Crédits : AFP)

Désormais, même Hillary Clinton épingle ses envies sur Pinterest. L'équipe de la candidate démocrate à la Maison-Blanche a même choisi le jour du lancement officiel de la fonction "acheter" sur le réseau social américain pour y créer son compte. Une "marraine" de choc pour le site qui compte officiellement 70 millions de membres dans le monde et cherche désormais à monétiser cette audience en proposant aux annonceurs d'intégrer une fonction achat sur leurs épingles.

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Annoncé début juin, ce bouton actif depuis le 30 juin serait déjà "installé" sur 30 millions d'objets virtuels. Mais il n'est pour l'heure utilisable qu'aux Etats-Unis, et sur le seul système d'exploitation d'Apple pour smartphones et tablettes. Il devrait être étendu au reste du monde et sur d'autres appareils prochainement, mais l'entreprise ne précise pas encore à quel moment.

En France, la filiale de la compagnie californienne dernièrement valorisée 11 milliards de dollars est dirigée par Stéphanie Tramichek, qui officiait auparavant chez Etsy, une autre plateforme web plébiscitée par un public plutôt féminin, relativement aisé ou adepte du "do it your self". Un public particulièrement alléchant pour des marques en quête de nouvelles cibles, et qui espèrent surtout les transformer en clients. D'autres acteurs suivent d'ailleurs un chemin identique.

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Point commun à Pinterest mais aussi Instagram, Twitter,  Facebook et bien sûr Google: c'est souvent sur ces plateformes que débute le "parcours" d'achat. Le but est désormais qu'il s'y termine aussi. Et le plus vite possible. Mais comment et pour quelles raisons passer ainsi de "l'inspiration" à l'achat sur Pinterest? Voici résumées en sept étapes, les explications apportées par sa responsable française.

  • De "l'épinglage" à l'achat

Première observation: la fonctionnalité "achat" correspondrait à une véritable demande de la part du public. Plus de huit utilisateurs sur dix auraient déjà conclu une visite sur le site par un achat selon une étude menée pour Pinterest par le cabinet Millward Brown aux Etats-Unis. Même constat, empirique, en France: "nous avons mené organisé des tests auprès d'un panel en France. L'une des jeunes femmes interviewée a immédiatement demandé pourquoi elle ne pouvait pas directement acheter une paire de basket qui lui plaisait".

Il n'y a pas que l'entreprise qui a constaté ce lien. D'une série d'études de l'université américaine de Dartmouth, entre Facebook, Twitter et Pinterest, c'est ce dernier qui incite le plus à l'achat les personnes nées entre 1980 et 2000.

Même s'il ne s'agit pas d'un site d'e-commerce, par essence, le principe de la plateforme - choisir des liens, des images, des astuces "épingables" (la traduction de "pin") débouche logiquement sur un acte d'achat. "La mission de Pinterest est de trouver et sauvegarder des idées créatives", souligne ainsi Stéphanie Tramichek.

  • Produire de l'inspiration

Les "deux tiers des contenus viennent des marques", signale en outre la responsable. Soit parce que des utilisateurs ont fouillé le web et épinglé une image qui leur plait - ce qui nécessite donc au moins pour les sites d'installer cette fonctionnalité - soit parce que la marque a activement publié des "épingles" sur son propre tableau.

Dans ce dernier cas, certains distributeurs comme La Redoute mais aussi les spécialistes du meuble comme Fly y sont actifs. Cela dit, y créer quelques tableaux ne suffit pas vraiment.

Pour attirer encore plus de clients potentiels, les marques sont incitées à s'intéresser davantage aux centres d'intérêt des utilisateurs, qui consultent le site pour des raisons aussi diverses que connaitre des techniques de réalisation de chignon, les bonnes cuissons de la viande ou s'inspirer avant l'aménagement d'un salon d'été. La solution consiste donc à prendre des chemins détournés pour communiquer. C'est le cas de Voyage-SNCF par exemple qui y produit des "tableaux" sur des destinations, comme ici, sur les villages de France.

  • Trouver des égéries

Comme pour un magazine de mode ou d'autres réseaux sociaux, ce "cahier de styles" personnalisé en ligne repose aussi sur des personnes influentes, ici surnommées "pinfluenceurs". L'exemple d'Hillary Clinton en témoigne qui rassemble déjà plus de 2000 abonnés en moins de vingt-quatre heures.

"Que ce soit une jeune fille à Limoge suivie par une communauté car elle a développé un goût pour une thématique et aura un oeil pour ce sujet, ou bien des gens plus connus comme [la décoratrice] Sarah Lavoine ou [le chef] Jean-François Piège qui veulent développer une audience", indique la directrice générale du site. Sans aller jusqu'à démarcher des personnalités pour qu'elles créent un compte, ce dernier leur prodigue à ceux qui s'y font remarquer des astuces pour se mettre en avant.

 De la même manière qu'il conseille les marques afin leur audience calculée par le nombre de clics sur les épingles, mais aussi les chances d'être réépinglées. Des indicateurs mesurés chaque semaine.

  • Soigner sa photo...

Première condition, bien sûr, soigner sa photo. Sur le web ou les mobiles, la "désirabilité" passe évidemment par l'image. D'où le rôle crucial des photos. Très gros plan sur un burger, tatouage graphique et "discret"- un grand hit sur Pinterest - décoration de salon épuré style scandinave, couleurs pastels et lumière douce de fin de journée d'été... un coup d'oeil rapide sur les clichés peut donner l'impression qu'ils sortent tous du même appareil ou du même logiciel de traitement d'image leur conférant la même patine.

"Beaucoup de Français aiment ce style, c'est le plus populaire. Il y a toujours un style dominant, en ce moment c'est scandinave et vintage, ensuite, selon les gens que vous suivez et vos choix, ce sera plus personnalisé. Plus vous l'utilisez, plus ce sera à votre image", explique Stéphanie Tramichek.

D'ailleurs, des différences culturelles émergent, les Français seraient ainsi davantage portés sur l'art et plus soucieux de leur vie privée que les Américains par exemple.

  • Et ses textes

 Mais si le choix des photos est donc crucial, la responsable de Pinterest rejette leur rôle central sur la plateforme contestant son assimilation à un "catalogue" de photos :

"Ce sont plus que des photos, mais des inspirations. C'est comme si l'on disait qu'un site d'e-commerce est un site de photos, ce sont plutôt des produits qui y sont présentés. Chez nous, ce ne sont pas des produits, mais des idées."

Idées qui s'expriment également dans les épingles "enrichies", avec des indications de recettes ou bien d'un prix.

  • Les bonnes références

Cette conception suppose un système de référencement reposant sur l'interprétation de l'image en fonction de l'idée qu'elle est censée véhiculée plus que sur une simple liste des éléments qui y sont représentés. Le but: accroître sa "découvrabilité".

"Une photo peut-être interprétée de tant de manières qu'il est impératif de la décrire en fonction de l'information vers laquelle elle renvoie", conseille la directrice générale de Pinterest. Pour les photos plus classiques de produits sur fond blanc, elle suggère même d'indiquer dans les "mots-clés" des produits complémentaires. Donc, par exemple s'il s'agit d'une chemise, le pantalon avec laquelle elle pourrait se marier.

Là les "clients" potentiels font même une partie du travail. Lorsqu'ils épinglent les images sur leur propre page : ils peuvent aussi rajouter des informations, mais pas les modifier.

  •  Observer le marché

Puisqu'il s'agit d'un réseau social "gratuit", ses membres en sont aussi un peu les produits. L'étude de leur comportement sert donc d'outil d'analyse. Aux marques qui le souhaitent, des ateliers pratiques sont proposés pour apprendre à mieux utiliser chaque outil, notamment les analyses de données.

A un niveau global, observer l'activité sur le site permet de déceler des tendances fortes. "Nos datascientists sont capables, en regardant les données, de nous dire quelles sont les parcours et la probabilité que telle ou telle chose se produise", rappelle Stéphanie Tramichek. De quoi déceler dès novembre que la saison de noël a déjà bien commencé chez les consommateurs. "Ce sont des outils internes, que les commerciaux aux Etats-Unis utilisent dans leurs relations avec les marques pour les aider à mieux comprendre des thématiques ou à quel moment un centre d'intérêt devient pertinent et 'chaud' afin d'être là au bon moment", ajoute-t-elle. Nul doute que clichés de cocktails glacés et photos de piscine y font un tabac en cette journée caniculaire.

Marina Torre

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