Les salariés d'Accenture en France vont faire grève pour leurs salaires pour la première fois de leur histoire

Deux des quatre syndicats d'une des branches françaises d'Accenture, le plus grand cabinet de conseil spécialisé dans la tech, appellent à une grève jeudi 5 octobre. Ils protestent contre le refus de la direction d'accorder des augmentations salariales collectives en 2024, malgré le poids de l'inflation et des comptes dans le vert.
Sylvain Rolland
Les salariés d'Accenture protestent contre le refus de la direction d'accorder des augmentations salariales collectives en 2024.
Les salariés d'Accenture protestent contre le refus de la direction d'accorder des augmentations salariales collectives en 2024. (Crédits : DADO RUVIC)

C'est historique : pour la première fois de son histoire, Accenture Technology Solutions (ATS), l'une des deux branches françaises du géant américain du conseil en transformation numérique, va vivre un mouvement de grève jeudi 5 octobre, révèle La Tribune.

A l'invitation de deux des quatre syndicats de l'entreprise -les deux premiers, CFE-CGC et la CGT-, ses quelque 2.000 salariés, sur les environ 10.000 que compte le groupe en France, sont invités à rejoindre les piquets de grève durant une heure, de 11h à 12h, devant le Centre de services technologiques de Nantes, qui concentre l'essentiel des petites mains de l'entreprise, c'est-à-dire les développeurs ou les testeurs qui réalisent les projets de transformation numérique vendus par les consultants. Les salariés en télétravail et basés à Paris, Angers, Brest ou Toulouse sont invités à se déclarer et débrayer à distance. « Une heure ça peut paraître peu, mais symboliquement c'est très important pour nous, car c'est une première et il n'y a pas vraiment la culture de la grève chez Accenture », souligne Younes Zoerkani, délégué syndical central de la CGT.

L'objet de leur courroux : la politique salariale jugée « indigne et irrespectueuse » du groupe, d'après le représentant du personnel. Avant même la fin des négociations annuelles obligatoires, prévue le 3 octobre, la direction a adressé une fin de non-recevoir aux syndicats.

« Malgré l'inflation prévue à 5% cette année et 6% l'an dernier, la direction ferme la porte à toute augmentation générale des salaires pour 2024. Nous n'avons aucune marge de manœuvre pour négocier quoique ce que soit », dénonce Younes Zoerkani, délégué syndical central de la CGT.

Lire aussiGrève chez Capgemini pour une hausse des salaires, sur fond de grande démission

Plan social malgré des résultats financiers au beau fixe

La direction s'est justifiée auprès des représentants du personnel par un manque de visibilité macroéconomique pour l'année 2024. Pourtant, les résultats 2023 marqueront un nouveau record pour l'entreprise aux 733.000 employés répartis dans 120 pays. Lors du troisième trimestre 2023 -correspondant au quatrième trimestre de son année fiscale-, l'entreprise a généré un chiffre d'affaires mondial de 16 milliards de dollars (15,15 milliards d'euros), soit une progression de 4% sur un an. L'Europe pèse le tiers de ces revenus, avec une croissance de 10% sur un an.

Des résultats remarquables de continuité : le chiffre d'affaires de l'année fiscale 2023 s'élève à 64,1 milliards de dollars (60,7 milliards d'euros), en progression de 4% sur un an, et de plus de 20% par rapport à l'année fiscale 2021. Seule ombre au tableau, la marge opérationnelle est passée de 15,2% à 13,7% en 2023, mais elle reste largement positive. Lors de la présentation des résultats annuels, fin septembre, Julie Sweet, la PDG monde d'Accenture, s'est dite « extrêmement fière » d'une « nouvelle solide année de performance financière ». L'entreprise revendique plus de 9.000 clients dans le monde, notamment « 106 clients pesant plus de 100 millions de dollars de commandes, et un record de 300 clients Diamant en 2023, nos plus grandes relations », a précisé Julie Sweet.

Cette baisse des bénéfices, constante depuis le début de l'année et essentiellement due à des frais de restructuration des activités, a déjà servi de prétexte à un plan social annoncé fin mars 2023. Après avoir recruté plus de 30.000 personnes l'an dernier, Accenture en a laissé partir 19.000 cette année, soit 2% des effectifs. La branche française a été très peu touchée : seuls 5 postes concernés chez Accenture Technology Solutions, et environ 200 pour Accenture SAS -l'autre branche d'Accenture France-, d'après les syndicats.

Lire aussiSalariés remplacés par une IA : Onclusive plonge la France dans le dur de la révolution ChatGPT

L'intelligence artificielle en embuscade

Les syndicats vivent le refus d'une augmentation générale des salaires comme une claque. « La méritocratie affichée n'est pas respectée », déplore Younes Zoerkani, de la CGT, dont le syndicat a quitté la table des négociations le 14 septembre.

Il poursuit : « Le budget des primes individuelles dépasse de beaucoup le budget augmentation et promotion de l'ensemble des salariés d'Accenture Technology Services. Et les primes pour le top management et les salariés qui sont déjà les mieux payés sont conséquentes, alors que l'entreprise refuse de bouger le petit doigt pour ceux qui subissent le plus l'inflation ».

Les syndicats dénoncent des salaires inférieurs au marché chez Accenture Technology Services, notamment chez les développeurs et les testeurs. « Le taux moyen d'augmentation chez la concurrence est de 4,5% et le secteur de l'informatique est très tendu avec beaucoup d'emplois non pourvus. Veulent-ils nous pousser à partir ? »  se demande Alexandre Bugeaud, de CFE-CGC.

Pour l'heure, la direction n'invoque pas l'intelligence artificielle comme une possible menace pour l'emploi, alors que la révolution ChatGPT est amenée à impacter de nombreux métiers, notamment dans le secteur du conseil, qui pèse plus de la moitié de revenus d'Accenture. Certaines entreprises, à l'image de la branche française de l'américain Onclusive, qui évolue dans le domaine du conseil dans la relation médias, ont déjà commencé à remplacer des salariés par l'intelligence artificielle générative -capable de créer des textes, images et vidéos. Mais Accenture se veut rassurant. « Les commandes de nos clients sur l'IA générative s'élèvent à 300 millions de dollars sur les six derniers mois, ce qui nous place au cœur du début de la réinvention alimentée par l'IA », se glorifie la patronne monde, Julie Sweet.

Sylvain Rolland

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 7
à écrit le 03/10/2023 à 10:35
Signaler
Pendant ce temps : Fin août 2020, le site du groupe pharmaceutique Seqens à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine) était au cœur de la stratégie présidentielle en matière de relocalisation. En pleine crise sanitaire, Emmanuel Macron y annonçait le...

à écrit le 02/10/2023 à 18:18
Signaler
Les consultants les mieux payés de l'hexagone.

à écrit le 02/10/2023 à 15:28
Signaler
"A l'invitation de deux des quatre syndicats de l'entreprise -les deux premiers, CFE-CGC et la CGT" Et les deux autre syndicats CFDT et CFTC , ils sont ou ?

à écrit le 02/10/2023 à 13:31
Signaler
C est beau le libéralisme made in us - France … vive la grande demission!! A quand un rse prenant en compte l augmentation des salariés ?…

à écrit le 02/10/2023 à 13:31
Signaler
C est beau le libéralisme made in us - France … vive la grande demission!! A quand un rse prenant en compte l augmentation des salariés ?…

à écrit le 02/10/2023 à 13:29
Signaler
La France comprendra-t-elle un jour que la puissance de ses syndicats a fait bien plus de tord au pays que de bien?J'en doute! Alors que la France de l"'État providence" d'autrefois perçevait (à tord) dans l'image que renvoyait J.-M. Keynes, un écono...

le 02/10/2023 à 22:48
Signaler
Les syndicats sont très faibles en France, le taux de syndicalisation étant un des plus bas de toute l'OCDE... Les syndicats français sont cependant très durs car ils se sont formés dans la clandestinité face à un patronat de quasi droit divin...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.