Pourquoi l'identité numérique cristallise les craintes en France

Surveillance de masse, fuite de données, désintérêt... Autant de freins à la création d'une identité numérique en France, alors que 23 États membres de l'Union européenne l'ont déjà adoptée.
Anaïs Cherif
98% des Estoniens ont adopté la carte d’identité numérique. Résultat : un gain de temps considérable et moins de paperasserie.
98% des Estoniens ont adopté la carte d’identité numérique. Résultat : un gain de temps considérable et moins de paperasserie. (Crédits : iStock)

Mot de passe oublié, identifiant incorrect... Réaliser des démarches administratives en ligne peut vite s'avérer fastidieux. Selon l'Observatoire de la qualité des services numériques publié fin juin, 67 % des démarches phares de l'État sont déjà réalisables sur Internet. Le gouvernement vise une dématérialisation complète des services publics à horizon 2022, ce qui ouvre le débat sur la création d'une identité numérique pour chaque citoyen.

L'identité numérique vise à instaurer une plus grande confiance dans les échanges en ligne pour simplifier les démarches des citoyens. Comment ? En les dotant d'un identifiant et d'un mot de passe uniques, pouvant être complété par divers facteurs d'authentification contenus sur une clé UBS, un smartphone ou une carte d'identité électronique. L'identité numérique s'accompagne généralement d'une procédure unique d'identification pour accéder aux services publics et privés en lignes : réaliser des démarches administratives, se connecter à son compte bancaire, acheter un billet de train...

L'E-Estonie, un modèle qui a fait ses preuves

En France, la création d'une identité numérique est un vieux serpent de mer depuis les années 1970. Cinq tentatives ont échoué, sous divers gouvernements, alors que 23 États membres de l'Union européenne l'ont déjà adopté, selon le think tank Renaissance numérique. En Estonie, pays devenu une référence mondiale en matière de numérique, la carte d'identité électronique est adoptée par 98 % de la population.

À l'exception des mariages, des divorces et des achats immobiliers, tout peut-être réalisé en ligne : voter, accéder aux transports en commun, régler ses impôts, consulter ses ordonnances médicales, suivre les résultats de leurs enfants à l'école, ou encore effectuer une demande de subvention agricole... Cela signifie moins de paperasserie et de bureaucratie, avec in fine un important gain de temps. Le gouvernement estonien dit économiser l'équivalent d'environ 2 % du PIB par an.

Soupçon de surveillance

« Le modèle estonien, super-centralisateur, n'est pas exportable en France. Le numérique a représenté un vent de liberté suite à l'indépendance du pays en 1991, et la technologie n'a pas été questionnée », explique Philippe Regnard, codirecteur de la rédaction de la note Identité numérique : passer à une logique citoyenne du think tank Renaissance numérique. En France, le regroupement de précieuses données personnelles fait craindre de potentielles fuites de données et laisse planer un soupçon de surveillance massive par l'État.

D'autant plus que le projet est porté par le ministère de l'Intérieur. « Si le projet est porté sous l'angle sécuritaire, naturellement, cela peut crisper. Le gouvernement doit parvenir à expliquer : qui instaure une identité numérique, et pour quoi faire ? », estime Philippe Regnard. « En France, nous n'avons pas encore atteint la maturité technologique nécessaire. Sans confiance, il n'y a pas d'usages. C'est pourquoi il faut communiquer sur les usages et ses bienfaits pour rendre l'identité numérique désirable », comme le fait de gagner du temps ou répondre à des problématiques d'inclusion pour les personnes à mobilité réduite, par exemple.

Anaïs Cherif

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Commentaires 3
à écrit le 29/07/2019 à 16:31
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Pourquoi nous pose t on la question?

à écrit le 29/07/2019 à 14:02
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Il est évident qu'à part pour la surveillance de masse cette identité numérique n'a aucun intérêt, pire à la merci de n'importe quelle mafia, oligarchie ou Etat que l'on arrive plus à distinguer d'ailleurs. Bienvenu en UERSS, empire prévu pour du...

à écrit le 29/07/2019 à 11:43
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Bonjour, Apres de nombreuses années de débat : je viens de comprendre une chose sur la technologie numérique. Les instances du numérique ne créent pas « une technologie » qui ne peuvent ni contrôler et ni maîtriser. En tant qu’utilisateur créer un...

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