
Si les télécoms se muent progressivement en « commodité », leur caractère stratégique ne cesse, au fil du temps, de se renforcer. De fait, l'accès à Internet est devenu, pour les particuliers comme pour les entreprises, aussi essentiel que l'eau et l'électricité. Chaque panne de réseau, quelle qu'en soit la cause, le rappelle douloureusement. Il y a deux semaines, les passages successifs des tempêtes Ciaran et Domingos ont privé jusqu'à 1,5 million d'usagers d'Internet sur la façade ouest du pays. Aujourd'hui encore, de nombreux de foyers ne disposent plus de connexion mobile ou Internet fixe. Les vents violents ont occasionné d'importantes coupures d'électricité, éteignant, du même coup, les antennes-relais. Les réseaux de fibre, notamment ceux déployés en aérien - sur des poteaux le long des routes - ont aussi été très endommagés.
Ces derniers nécessiteront, aux dires des opérateurs, parfois des mois pour être remis en état. Autant dire une éternité pour les usagers concernés. A Bercy, la situation est prise très au sérieux. Le 6 novembre dernier, juste après les passages de Ciaran et Domingos, Jean-Noël Barrot, le ministre délégué en charge du Numérique, s'est rendu dans le Finistère, où les tempêtes ont fait de gros dégâts. Le lendemain, lors d'un colloque à Paris, il a fait de la « résilience » des réseaux une de ses grandes priorités.
« Des investissements seront nécessaires »
« Il va nous falloir engager la réflexion incontournable sur la robustesse et la résilience de ces infrastructures, a déclaré le ministre. Lorsque des catastrophes adviendront de nouveau - ce qui est inévitable - notre capacité d'y répondre et de rétablir les connexions mobiles et fixes doit être la plus prompte possible. Nous allons avoir beaucoup de travail, et des investissements seront nécessaires. »
Le gouvernement ne part pas d'une page blanche. Une mission gouvernementale travaille déjà sur ce sujet. Elle a été initiée cet été, dans le sillage de débats épineux sur les « délestages » l'an dernier. A l'époque, les opérateurs redoutaient que les réseaux essuient des « black-out » en cas de coupures volontaires de courant. Les conclusions de cette mission sont attendues dans quelques mois.
Enterrer les réseaux de fibre
Il n'empêche que des solutions sont déjà évoquées pour améliorer la résilience des réseaux. La Banque des Territoires et InfraNum, qui représentent les industriels de la fibre, ont publié, l'été dernier, une étude sur « la géographie des risques » auxquels sont soumis les réseaux de fibre. « L'enjeu est de maintenir un service au regard de l'infrastructure en place, et de penser à des "itinéraires bis", comme le mobile ou le satellite, si l'infrastructure de référence tombe », avait expliqué au mois de juillet Antoine Darodes, le directeur des investissements liés au numérique de la Banque des Territoires, au média Localtis.
L'un des grands projets de cette stratégie repose sur l'enterrement des réseaux de fibre déployés en aérien. C'est particulièrement vrai en Bretagne, qui essuie régulièrement des tempêtes. Problème : « Enterrer de la fibre dans du granit, cela coûte très cher », constate Philippe Le Grand, le président d'InfraNum, à Localtis.
La menace des actes de vandalisme
Pour sécuriser davantage les réseaux mobiles, particulièrement dépendants de leur alimentation en électricité, une solution revient souvent : celle-ci consiste à déployer des groupes électrogènes au pied des antennes-relais. Mais cette solution, jugée extrêmement coûteuse et polluante, est largement critiquée par la Fédération française des télécoms (FFT), le lobby des opérateurs.
Outre les tempêtes et événements climatiques, d'autres problèmes affectent les réseaux. Ils concernent les accidents de la route, qui viennent dégrader des armoires télécoms, ou encore les actes de malveillance, qui demeurent courants. Orange déplore régulièrement des vols de câbles en cuivre, utilisés pour le téléphone et l'ADSL. L'opérateur historique affirme en avoir encore fait les frais en Bretagne, dans la région Pays de la Loire, et en Ile-de-France. A chaque fois, ces actes privent de nombreux abonnés d'Internet et de téléphonie. Les réseaux mobiles ne sont pas, non plus, épargnés. Au moment du lancement de la 5G, plusieurs antennes-relais ont été vandalisées, souvent incendiées. Ce qui a provoqué l'ire de la filière, qui a appelé l'exécutif à durcir les peines à l'encontre des coupables.
Reste la question qui fâche : combien coûterait un grand plan national visant à améliorer la résilience des réseaux ? La Banque des Territoires et InfraNum estiment la facture entre 7 et 17 milliards d'euros sur dix ans. Ce qui n'est pas rien, quand on sait que le déploiement de la fibre, à lui seul, a déjà coûté 36 milliards d'euros, dont 13 milliards d'euros de deniers publics ! Ce sera, in fine, au gouvernement de trancher.
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