Course à la 5G : les déboires de Huawei changent la donne

En bloquant l’accès de Huawei aux technologies américaines, les États-Unis ont porté un coup très dur au champion chinois des équipements télécoms et des smartphones. Cette décision pourrait rebattre les cartes dans la course à la 5G que se livrent le pays de l’Oncle Sam, l’Empire du Milieu et l’Europe.
Pierre Manière
Ren Zhengfei, le chef de file et fondateur de Huawei.
Ren Zhengfei, le chef de file et fondateur de Huawei. (Crédits : Reuters)

Le timing de cette décision interpelle. La semaine dernière, les États-Unis ont décidé de bloquer l'accès de Huawei aux technologies américaines. Ce très rude coup porté au géant chinois des équipements télécoms et des smartphones est intervenu à un moment clé. Malgré un très fort lobbying de Washington pour forcer l'Europe à chasser, comme lui, Huawei des réseaux 5G, plusieurs pays - dont la France, l'Allemagne, et surtout le Royaume-Uni, allié traditionnel du pays de l'Oncle Sam - ont décidé de ne pas s'aligner sur les États-Unis. Leurs opérateurs télécoms devraient donc, sous certaines conditions, pouvoir recourir aux équipements de Huawei pour déployer la prochaine génération de communication mobile.

Mais, dans le contexte actuel, vont-ils toquer à la porte du groupe chinois ? Même si Huawei est un incontestable leader dans la 5G, les opérateurs peuvent craindre que ses déboires avec les États-Unis mettent en péril son activité. Dans ce cas, les opérateurs européens pourraient massivement privilégier ses concurrents, en particulier Ericsson et Nokia. Cette perspective, bien sombre pour le groupe chinois, n'est pas à écarter. Selon plusieurs experts, c'est la survie même de Huawei qui est désormais en jeu. Le cabinet Eurasia Group juge qu'« en cas de coupure totale de l'accès à la technologie américaine », le dragon chinois « ne survivrait probablement pas sous sa forme actuelle ».

Huawei honorera-t-il ses contrats ?

Outre ses problèmes dans les smartphones (Google a coupé les ponts avec Huawei en le privant d'Android, son système d'exploitation, ce qui pourrait plomber ses ventes de terminaux à l'international), le groupe chinois est aussi en danger dans les équipements télécoms. Les fabricants américains de semi-conducteurs, comme Qualcomm, ont annoncé l'arrêt des livraisons au géant de l'Empire du Milieu. Un problème pour Huawei, qui va devoir trouver de nouvelles sources d'approvisionnement. L'année dernière, ZTE, un autre équipementier télécoms chinois, a lui aussi été confronté à une interdiction d'acheter des composants électroniques américains. Il en avait payé le prix fort : il a été contraint d'interrompre un temps ses activités, et a aussi perdu des clients. En décembre dernier, ZTE a vu son plus important contrat en Allemagne, avec Telefonica Deutschland, s'envoler.

Pour éviter un même effet domino dévastateur, Huawei a indiqué qu'il avait pris des mesures pour ne pas manquer de semi-conducteurs. Le groupe affirme disposer d'un an de stock. Conscient que certains opérateurs s'interrogent sur sa capacité à faire face à leurs commandes, le groupe s'est voulu rassurant. Ce mardi, Abraham Liu, le représentant de l'équipementier à l'Union européenne, a joué les pompiers. A l'en croire, Huawei dispose « de toutes les capacités nécessaires pour honorer ses contrats en cours, tout comme ceux à venir ». « Il n'y aura aucun retard sur la 5G », a-t-il renchéri. Avant de bomber le torse : « Nous sommes à pleine charge. »

L'Europe redoute un retard dans la 5G

Reste que si les opérateurs européens devaient massivement tourner le dos à Huawei pour des raisons économiques ou de sécurité nationale, ce n'est pas seulement ce dernier qui en pâtirait. Mais aussi, plus globalement, le Vieux Continent, qui pourrait prendre du retard dans la 5G. Dans une note confidentielle citée il y a quelques mois par l'agence américaine Bloomberg, Deutsche Telekom, l'opérateur historique allemand et numéro un européen des télécoms, a tiré la sonnette d'alarme. Selon ses dirigeants, sans Huawei, l'Europe pourrait perdre un à deux ans dans le déploiement de la 5G.

En outre, un Huawei en grande difficulté ne ferait pas, c'est peu dire, les affaires de la Chine. Si son champion des équipements télécoms était trop affaibli, le pays pourrait lui-aussi prendre du retard dans la 5G. Ce serait un véritable camouflet pour la Chine, engagée dans une féroce bataille avec les États-Unis pour être le premier pays à disposer de la prochaine génération de communication mobile. Laquelle est perçue comme un catalyseur économique essentiel dans les années à venir.

Pierre Manière

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Commentaires 28
à écrit le 24/05/2019 à 11:37
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En Europe,on a NOKIA pour l’infrastructure en 5 G,pourquoi ne défend on pas nos champions européens ?

à écrit le 23/05/2019 à 19:01
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C'est avéré dans beaucoup de domaines, l'espionnage industriel est un véritable fléau pour les entreprises au top niveau, notamment tout ce qui concerne l' électronique, les puces...etc. Les chinois ne sont pas en reste car ce sont les champions de ...

à écrit le 23/05/2019 à 12:30
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ça va peut être calmer la fièvre progressiste sur le fantasme du tout techno et tout "données" le monde a vécu depuis des millions d années sans ça...... sans parler du fait que hors les données sont un marché de dupe entre les élites dirigeantes, ...

le 23/05/2019 à 17:15
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Exactement ! Et paradoxe les gens meurent d'inactivité physique grace au confort moderne mais aussi aux métiers de bureau quels qu'ils soient y compris de chercheur qui trouve ou pas qui consistent à n'être plus qu'un cerveau sur chaise à longueur de...

à écrit le 23/05/2019 à 10:17
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Bonjour, Quels éléments factuels vous permettent de dire que Huawei est un incontestable leader de la 5G, pouvez vous étayer en donnant le nombre de réseau actuellement opérationnels avec les différents constructeurs? Je pense que la vérité est tou...

à écrit le 23/05/2019 à 10:02
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"Dans ce cas, les opérateurs européens pourraient massivement privilégier ses concurrents, en particulier Ericsson et Nokia." A quoi sert l'Europe si on ne défend pas nos entreprises. "Ils DEVRAIENT massivement privilégier" serait plus correct.

à écrit le 23/05/2019 à 10:02
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Pourtant les chinois avaient été régulièrement prévenus de leurs abus de subvention étatiques, chaque année depuis au moins 10 ans... Ils n'ont pas écouté et on construit artificiellement des géants technologiques qui logiquement reculent car enf...

à écrit le 23/05/2019 à 9:37
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Pas de souci pour eux ils sont encore bien en avance, Orange (le huawei français soi disant passant en espionnage de ses clients) lance tout juste ses tests alors que la 5G est déjà commercialisée en Corée

le 23/05/2019 à 10:20
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Pas avec Huawei. En Europe les fréquences ne sont pas encore attribuées, ce n'est pas un problème de constructeurs. Aux Etats Unis il y a déjà la 5G!

le 23/05/2019 à 10:20
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Pas avec Huawei. En Europe les fréquences ne sont pas encore attribuées, ce n'est pas un problème de constructeurs. Aux Etats Unis il y a déjà la 5G!

à écrit le 23/05/2019 à 9:28
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Ca fait des années qu'on connait Huawei et ses pratiques d'espionnage. Il était temps d'en finir avec cette complaisance.

à écrit le 23/05/2019 à 9:21
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Tout comme dans le cas des sociétés européennes qui ont continué à avoir des activités avec des pays placés sous embargo par les USA, passer des accords commerciaux avec des sociétés bannies par les USA, même pour des déploiements strictement europée...

à écrit le 23/05/2019 à 8:42
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Pousser les chinois a développer leurs propres composants ne peut etre que bénéfique a la concurrence !

à écrit le 23/05/2019 à 2:16
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Huawei ( prononcer Ruaoueille) traverse une crise. Il est intéressant de décomposer le mot crise en chinois : “ weiji “ qui est composé de “wei “ = danger et de “ji” que l’on peut traduire par “ occasion, opportunité “. Gageons que le géant chinois t...

à écrit le 23/05/2019 à 2:16
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Huawei ( prononcer Ruaoueille) traverse une crise. Il est intéressant de décomposer le mot crise en chinois : “ weiji “ qui est composé de “wei “ = danger et de “ji” que l’on peut traduire par “ occasion, opportunité “. Gageons que le géant chinois t...

à écrit le 23/05/2019 à 1:30
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La 5G est le nouveau gadget marketing pour écouler encore davantage d'appareils électroniques aux happy-few ; mettons d'abord la 1G partout, et laissons à Nokia et Ericsson le temps de s'affirmer techniquement.

à écrit le 22/05/2019 à 23:57
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Et la libre concurrence, où est-elle passée? A court terme, les USA peuvent mettre en dificulté qui ils veulent, mais qui continuer à passer des accords commerciaux ou autres avec un pays qui n'a pas de parole? Trop dangereux!

à écrit le 22/05/2019 à 23:19
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C'est sûr c'est un coup dur pour Huawei. Mais en ce qui concerne cette guerre froide technologique qui vient de démarrer, je ne suis pas sûr que les USA ressortent gagnants. Il y avait une règle du jeu, on utilise les composants et les services des...

à écrit le 22/05/2019 à 22:39
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En matière d'espionnage , ça va tanguer . Quid des cabinets d'audit anglo saxons , des banques , bref de toutes les grosses boites américaines qui détiennent de l'info sur tout le monde ,( suivez mon regard.....) et qui d'ailleurs l'ont revendu à d...

à écrit le 22/05/2019 à 22:11
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L'embargo marche bien au niveau d'un pays comme Cuba mais au niveau de la Chine... Le marché mondial n'est plus principalement occidentale. La croissance et le marché est en asie. Huevai va developper ses propres composants comme la Russie l'a fait. ...

le 23/05/2019 à 10:06
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Vous travaillez pour la Chine depuis longtemps ?

à écrit le 22/05/2019 à 22:04
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Le représentant chinois de Huawai auprès de l'europe "Abraham Liu" Abraham ? Ca ne s'invente pas...

à écrit le 22/05/2019 à 21:45
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Déjà que les Français s'apprêtent à implémenter une 5g au rabais, plus rapide certes que la 4g mais loin derrière la vrai 5g, alors si en plus ils prennent du retard...

à écrit le 22/05/2019 à 21:29
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Les enjeux économiques et les enjeux de sécurité nationale sont considérables. Obtenir un minimum de transparence est indispensable. Il faut donc se battre. La sécurité et la paix demandent des efforts importants qui vont au delà du simple profit à c...

à écrit le 22/05/2019 à 19:52
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Peut-être un mauvais calcul de Google. Les chinois vont développer leur propre système, 7 milliards de consommateurs potentiels. Dans 5 ans , Google va avoir un concurrent susceptible de le détrôner . Peut-être une collaboration serait préférable. A ...

le 22/05/2019 à 20:48
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Aujourd'hui, Google est en position de force, mais cela pourrait changer et les exemples sont nombreux comme Nokia ... Il est à se demander si c'est la bonne stratégie sur le moyen long terme, les USA ne sont pas les seuls au monde.

le 23/05/2019 à 7:46
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Ils ont déjà leur propre système, android, google sont interdit en chine.

à écrit le 22/05/2019 à 18:22
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Dans un 1er temps oui, pour le 2ieme, la réplique est là. Déjà en France et autres pays qwant comme moteur de recherche, iridium pour la navigation, quelque part Donald nous réveille. Google map versus openstreetmap.o...

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