Le Sénat adopte une proposition de loi contre les malfaçons sur les réseaux de fibre

Le texte veut en finir avec les dégradations et coupures sur les réseaux Internet à très haut débit. Il bénéficie du soutien des collectivités, furieuses des raccordements à la fibre ratés et autres débranchements sauvages. Les opérateurs télécoms sont en revanche très remontés contre cette loi, qui menace, selon eux, le déploiement des réseaux. Le gouvernement, lui, se montre réservé concernant plusieurs articles visant à revoir l’organisation des raccordements.
Pierre Manière
Patrick Chaize, le sénateur de l’Ain (LR), et président de l’Avicca, association regroupant les collectivités impliquées dans le numérique, est à l'origine de la proposition de loi.
Patrick Chaize, le sénateur de l’Ain (LR), et président de l’Avicca, association regroupant les collectivités impliquées dans le numérique, est à l'origine de la proposition de loi. (Crédits : DR)

Ce texte est d'abord l'expression d'un ras-le-bol. La proposition de loi sur « la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques », qui a été discutée et votée au Sénat ce mardi après-midi, illustre la colère des collectivités à l'égard du déploiement de la fibre en France. Cette technologie a beau être disponible pour plus de 80% des particuliers et des entreprises, il arrive souvent que les raccordements se déroulent mal, fassent l'objet de malfaçons, et débouchent sur des débranchements ou pannes à répétition. Ces problèmes minent la filière depuis des années, au grand dam des collectivités dont beaucoup ne croient plus aux promesses d'amélioration des opérateurs télécoms.

C'est Patrick Chaize, le sénateur de l'Ain (LR) et président de l'Avicca, une influente association regroupant les collectivités engagées dans le numérique, qui est à l'origine de cette proposition de loi. Pour en finir enfin avec les « désordres persistants sur les réseaux de fibre », a-t-il lancé au Parlement, son texte entend d'abord réviser l'organisation du déploiement de cette technologie. Dans son viseur figure un dispositif, appelé « mode STOC ».

Les opérateurs remontés contre la loi

Celui-ci a la particularité de laisser aux opérateurs commerciaux (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free) le soin de raccorder les abonnés à la fibre, une fois que les opérateurs d'infrastructures ont déployé les réseaux. L'ennui est que, dans ce schéma, les opérateurs commerciaux font appel à des sous-traitants en cascade. Souvent mal rémunérés en bout de chaîne, ceux-ci ne travaillent pas toujours dans les règles de l'art, semant parfois la pagaille dans les infrastructures. La proposition de loi propose donc que les opérateurs d'infrastructures se chargent des raccordements finaux.

Problème : le texte, tel que présenté au Sénat, est loin de faire l'unanimité. Il fait grincer des dents les opérateurs. La semaine dernière, la Fédération française des télécoms (FFT) et InfraNum, les deux principaux lobbies des opérateurs et industriels du secteur, ont tiré la sonnette d'alarme. « La remise en cause du cadre actuel [le mode STOC, Ndlr] provoquerait l'arrêt brutal des raccordements », ont-ils lancé. Ce qui empêcherait, soulignent-ils, le gouvernement d'atteindre son objectif d'apporter la fibre à tous les Français à l'horizon 2025.

« Il y a franchement des choses qui ne vont pas »

Interrogé par La Tribune, Philippe Le Grand, le président d'InfraNum, affirme comprendre l'« énervement » des collectivités et des usagers. « Il y a franchement des choses qui ne vont pas, admet-il. Mais si le texte passe en l'état, il va créer de grosses difficultés opérationnelles pour la filière. Il ne faut pas perturber l'organisation qui s'est créée autour des raccordements. »

La FFT et InfraNum appellent les collectivités à faire preuve de patience, arguant qu'un plan anti-malfaçons portera bientôt ses fruits. « Les choses évoluent dans le bon sens », affirme Liza Bellulo, la présidente de la FFT et secrétaire générale de Bouygues Telecom. En définitive, la FTT et InfraNum veulent privilégier « un engagement » de la filière des télécoms sur la qualité des réseaux « plutôt qu'une loi ».

La « réserve » du gouvernement

Cette réaction a suscité l'agacement de Patrick Chaize et de l'Avicca. « Mais de quel engagement parle-t-on ? », fustigent-ils dans un communiqué publié ce mardi. « La FFT et InfraNum n'ont, à ce jour, proposé aucun amendement à la proposition de loi », déplorent-ils. Philippe Le Grand affirme que la filière se mobilisera probablement sur ce front plus tard, lorsque le texte arrivera à l'Assemblée nationale. Mais il faudra que tous les opérateurs accordent leurs violons, sachant qu'au moins deux d'entre eux, Orange et SFR, ne souhaitent pour le moment qu'un retrait pur et simple du texte...

Au Sénat, Jean-Noël Barrot, le ministre délégué en charge du Numérique et des Télécoms, a d'abord salué le « grand mérite » de la proposition de loi de Patrick Chaize. Mais il n'a pas caché sa grande « réserve » concernant les articles remettant en cause le mode STOC. D'après lui, il faut « le corriger au lieu de le supprimer »« Sa suppression impliquerait de réécrire les contrats entre les différents acteurs », a-t-il notamment souligné, ce qui ralentirait le déploiement de la fibre. Il est, ici, totalement aligné avec la position de l'Arcep, le régulateur des télécoms.

Les « avantages » du mode STOC

En outre, le ministre estime que « les avantages du mode STOC dépassent ses inconvénients ». Celui-ci garantit, selon lui, « la concurrence entre les opérateurs commerciaux ». Il permet aussi, affirme Jean-Noël Barrot, de « simplifier » les démarches des usagers. Ceux-ci n'ont qu'un interlocuteur à qui s'adresser, à savoir l'opérateur commercial, pour s'abonner et demander un raccordement à la fibre. Jean-Noël Barrot a, toutefois, salué les dispositions de la proposition de loi visant à accroître les pouvoirs de l'Arcep pour sanctionner les opérateurs commerciaux « qui ne se montrent pas à la hauteur ».

Pierre Manière

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Commentaires 7
à écrit le 03/05/2023 à 8:20
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Dans ma rue et autour plutôt chicos c'est incroyable le nombre d'armoire Elect qui sont dégradées ces coffrets blanchâtres couchés sur le sol, éventrés sans compter les nids de pie en haut des poteaux électriques. Quant à l'installation des réseaux c...

à écrit le 03/05/2023 à 6:47
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on est habitues! la gauche vote deja des lois qui interdisent la mort et la maladie, car c'est pas tres social; on fait aussi des lois pour sauver les ours, et des lois pour obliger ' ceux qui en ont les competences, eux', a trouver de nouveaux medic...

à écrit le 03/05/2023 à 6:38
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Installation de la fibre dans ma petite ville par des travailleurs étrangers européens on verra le résultat, il est quand même dommage que les opérateurs ne choisissent pas des entreprises qui pourraient recruter dans nos demandeurs d’emploi

le 03/05/2023 à 10:19
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Faut pas rêver les opérateurs choisissent le moins cher et ferment les yeux pour le reste ...

à écrit le 03/05/2023 à 2:38
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On aime legiferer en France. Faire des lois qui ne seront pas ou peu mises en application. L'exacte replique du bla, bla, bla national. On cause, on argumente mais on oublie d'agir. Pauvre pays.

à écrit le 02/05/2023 à 21:42
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Il serait plus raisonnable de dire que c'est un système aléatoire, non résilient, qui peut rendre des services quand tout va bien ! ;-)

à écrit le 02/05/2023 à 21:01
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Les opérateurs se sont délestés des installations auprès de sous-traitants qu'ils ont sous-payés délibérément dès le départ et ils ont même enfoncé le e clou en réduisant le forfait raccordement de 100 euros à 55 euros !!!! Conclusions des installati...

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