
Passer à la caisse pour financer les réseaux télécoms ? Pas question ! Voici la réponse de Meta, maison-mère de Facebook, et de Netflix à la perspective, envisagée par Bruxelles, de demander aux géants américains du Net de mettre la main au portefeuille pour le déploiement de la fibre et de la 5G sur le Vieux Continent. Ces deux mastodontes des services en ligne figurent, avec Google, Amazon, Apple et Microsoft, dans le viseur de la Commission européenne. Celle-ci a récemment lancé une consultation sur « l'avenir numérique » de l'Union européenne. Elle songe, sous la pression des opérateurs télécoms, à demander aux Gafa de financer une partie des réseaux.
Dans un long billet publié le 23 mars dernier, Kevin Salvadori, le vice-président des réseaux de Meta, et Bruno Cendon Martin, responsable des technologies sans fil du groupe, clament leur opposition à sortir le chéquier. S'ils se disent « conscients des défis auxquels les opérateurs télécoms européens sont confrontés après des décennies de bons résultats », taxer les fournisseurs d'applications n'est, selon eux, « pas la solution ». Les deux dirigeants affirment qu'ils soutiennent déjà l'économie des télécoms avec leurs services.
« Chaque année, Meta investit des dizaines de milliards d'euros dans ses applications et plateformes - telles que Facebook, Instagram et Quest - pour faciliter l'hébergement des contenus, rappellent Kevin Salvadori et Bruno Cendon Martin. Des milliards de personnes se connectent chaque jour pour accéder à ces services, créant ainsi la demande qui permet aux opérateurs télécoms de facturer l'accès à Internet. Nos investissements dans les contenus déterminent littéralement les revenus et le modèle économique des opérateurs télécoms. »
« Cette taxe aurait un effet négatif »
A entendre ces dirigeants, au lieu de chercher à taxer les Gafa, la Commission européenne et les opérateurs devraient plutôt les remercier ! Greg Peters, le co-PDG de Netflix, ne dit pas autre chose. « Cette taxe aurait un effet négatif », a-t-il lâché, fin février, au Mobile World Congress de Barcelone. A l'en croire, elle aurait pour effet de réduire les investissements dans les contenus, ce qui nuirait, in fine, à « l'attractivité des abonnements et des forfaits télécoms les plus chers ». Greg Peters rappelle que Netflix a noué des partenariats commerciaux avec « plus de 160 opérateurs télécoms dans le monde ». Beaucoup d'entre eux « intègrent Netflix directement dans leurs offres grand public », souligne-t-il, jugeant que « les consommateurs adorent ces offres conjointes ».
Meta trouve cette idée d'une contribution aux réseaux télécoms d'autant plus injuste qu'il dépense, lui-même, beaucoup d'argent « dans la construction et l'amélioration d'infrastructures complémentaires ». Le groupe de Mark Zuckerberg affirme avoir investi « plus de 100 milliards de dollars » depuis 2017 « dans l'infrastructure numérique mondiale », dont « des milliards d'euros » en Europe. Meta a notamment, il est vrai, accéléré ses investissements dans les câbles sous-marins, et en particulier sur l'axe transatlantique, aujourd'hui vital pour le Vieux Continent, puisque l'essentiel des données des Européens sont stockées aux Etats-Unis.
« Grâce à nos investissements dans des câbles sous-marins tels que Marea, Havfrue, Havhingsten et Amitie, la capacité transatlantique a été multipliée par quatre depuis 2016, précisent Kevin Salvadori et Bruno Cendon Martin. Ces investissements, combinés à d'autres innovations techniques menées par Meta, ont alimenté une croissance significative de la demande de services de données pour les opérateurs télécoms. »
Tandis que les opérateurs télécoms accusent les Gafa de développer des services toujours plus gourmands en bande passante comme le métavers, les obligeant à déployer des tuyaux toujours plus gros, Meta balaye cet argumentaire d'un revers de main. « Cela n'a aucun sens, affirment Kevin Salvadori et Bruno Cendon Martin. Le développement du métavers n'obligera pas les opérateurs de télécommunications à augmenter leurs dépenses en capital pour investir davantage dans les réseaux. »
D'après eux, « l'adoption du métavers continuera à se faire principalement par le biais de la réalité virtuelle », dont les contenus sont consommés via le Wi-Fi sur des réseaux Internet fixe. Or « la capacité du réseau Internet fixe européen est plus que suffisante pour répondre à la demande du métavers et d'autres services Internet pour les décennies à venir », arguent Kevin Salvadori et Bruno Cendon Martin. Du côté de Netflix, Greg Peters estime que « les coûts des réseaux télécoms ne sont pas sensibles au trafic Internet », et qu'ils sont tout à fait maîtrisables grâce à « des gains d'efficacité ».
Ces arguments ne convaincront certainement pas les opérateurs télécoms européens. En mai dernier, l'European Telecommunications Network Operators' Association (ETNO), le lobby du secteur, affirmait que les Google, Facebook, Netflix, Apple, Amazon et Microsoft représentaient 55% du trafic Internet global sur les réseaux. Une situation jugée inacceptable par les Orange, Deutsche Telekom, Telecom Italia, Telefonica ou Vodafone. Tous estiment que dans ce contexte, un financement des géants du Net, qui ne seraient rien sans leurs infrastructures, relève du bon sens.
Sujets les + commentés