Unifrance : pourquoi le grand marché de l’audiovisuel français migre de Biarritz au Havre

Bras armé pour l’export du septième art du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), Unifrance tiendra au Havre, en septembre 2024, ses prochains Rendez-vous audiovisuels. Trentième du nom, cet événement est dédié à la vente des programmes de télévision français. Une belle prise pour la ville d’Edouard Philippe, lui-même scénariste à ses heures perdues. Financièrement, la Normandie déroule le tapis rouge.
Récompensée en mars dernier au Festival Séries Mania de Lille, la série De Grâce réalisée par Maël Cardona avec Olivier Gourmet, Margot Bancilhon et Panayotis Pascot, a été tournée au Havre. Prochainement diffusée en France sur Arte, elle a été lancée en début d'année sur le marché international par Mediawan Rights.
Récompensée en mars dernier au Festival Séries Mania de Lille, la série De Grâce réalisée par Maël Cardona avec Olivier Gourmet, Margot Bancilhon et Panayotis Pascot, a été tournée au Havre. Prochainement diffusée en France sur Arte, elle a été lancée en début d'année sur le marché international par Mediawan Rights. (Crédits : © Alexandra Fleurantin)

Clap de fin pour Biarritz. Après seize ans passés dans la douceur de l'arrière-saison basque, les Rendez-vous audiovisuels d'Unifrance jetteront l'ancre au Havre en septembre 2024. Peu connu du grand public, mais très prisé du microcosme et des acheteurs internationaux, l'événement se veut « le plus grand marché au monde d'œuvres audiovisuelles françaises ». Pendant trois jours, une soixantaine de distributeurs hexagonaux chercheront à vendre leurs fictions, séries, documentaires ou programmes d'animation à quelque 200 acheteurs (diffuseurs et plateformes), venus d'une cinquantaine de pays.

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A la manœuvre, la branche TV (ex-TV France International) d'Unifrance : une structure chargée, par le Centre national du cinéma et de l'image animée et les pouvoirs publics, de promouvoir le cinéma et l'audiovisuel bleu, blanc, rouge hors de nos frontières. Des œuvres qui s'exportent plutôt bien. L'an dernier, les ventes internationales des programmes audiovisuels français avaient atteint un niveau record de près de 215 millions d'euros.

Quand la télévision la joue plus sobre

En dépit de ces bons résultats, les organisateurs ont décidé de changer de décor pour leur trentième édition.

« Unifrance a souhaité donner un nouveau souffle à ces Rendez-vous, tout en conservant une formule particulièrement efficace », justifie la directrice générale d'Unifrance en charge de l'audiovisuel et du numérique auprès de La Tribune.

En octobre, lors du Mipcom, Marché International des Programmes de Communication de Cannes, Sarah Hemar avait notamment invoqué auprès de La Tribune des enjeux de sobriété et de réduction des coûts.

« Pour nos acheteurs arrivant à l'aéroport de Roissy, il fallait affréter un avion spécial pour Biarritz à un tarif extrêmement coûteux. Cette équation n'est plus envisageable », avait-elle justifié. Le choix du Havre, située à deux heures de Paris en train, s'est donc imposé naturellement.

« C'est une candidate idéale : la proximité de la capitale rend le marché plus accessible, que ce soit pour les acheteurs, les vendeurs ou les artistes », fait désormais valoir Sarah Hemar.

Les tarifs des hôtels et restaurants, moins prohibitifs que sur la côte basque, ont également pesé dans la balance, confie Unifrance. Mais pas seulement. En se rapprochant de la tour Eiffel, ses responsables espèrent, au passage, faire remonter les chiffres de participation, en baisse cette année. « Les acheteurs font aussi face à des problématiques économiques ou écologiques » constatent-ils.

La Normandie déroule le tapis rouge

Le déménagement de ces rencontres, ponctuées par des déjeuners et dîners thématisés, dont une soirée de gala, pourrait aussi avoir été motivé par des liens distendus avec la Région Nouvelle-Aquitaine et la Ville de Biarritz.

Déjà terre d'accueil du Festival international du documentaire (Fipadoc), cette dernière semble en effet décidée à capitaliser davantage sur son festival Biarritz Amérique Latine, également programmé en septembre.

À l'inverse, la Normandie et Le Havre ont déroulé le tapis rouge. La Région nous précise s'être engagée à financer « en nature » un dîner de gala pour un montant d'environ 50.000 euros. Quant à la Ville, elle devrait accorder une subvention qui, selon nos informations, devrait atteindre une somme équivalente, sous réserve de son approbation par le conseil municipal.

« Unifrance pourra s'appuyer sur un important soutien des autorités locales, que ce soit au niveau de la ville ou de la région, déjà investies dans l'aide à l'audiovisuel et au cinéma français », se félicite ainsi Sarah Hemar.

Il est vrai qu'Hervé Morin, président de la Région, et Edouard Philippe, maire du Havre devenu lui-même co-auteur de série pour l'adaptation de son thriller politique « Dans l'ombre » produit par France Télévisions, affichent tous deux une appétence pour le septième art.

Bien que les aides à la production accordées par la Normandie (2,3 millions d'euros) aient été en 2022 les deuxièmes moins généreuses des régions métropolitaines*, devant celles de la Bourgogne-Franche-Comté, son président s'enorgueillit d'avoir créé un nouveau fonds de 500.000 euros pour accompagner le tournage de séries. Quant à la ville de l'ancien Premier ministre, elle accueille depuis 2015 Rencontres Nationales sur les Séries du Havre. En outre, elle a lancé, en juin dernier, Les Révélations, un événement qui promeut l'image et le cinéma.

Le Havre, un potentiel ciné-génique

Très cinégénique, la cité océane, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, est aussi connue pour séduire les réalisateurs. Dernier en date, Vincent Maël Cardona. Césarisé en 2022 pour son film Les Magnétiques, l'intéressé y a tourné la série De Grâce qui relate une sombre affaire de trafic de cocaïne sur les docks portuaires, en diffusion début 2024 sur Arte.

Sur le plan audiovisuel, la Normandie semble actuellement sous le feu des projecteurs. Pierre-Antoine Capton, PDG du groupe Mediawan et heureux propriétaire d'une villa à Trouville et du stade Malherbe de Caen, a fait savoir dans Ouest-France qu'il planche sur une nouvelle grande série internationale à Deauville, avec en ligne de mire la saga du groupe Barrière, des casinos et des courses.

Mediawan travaille simultanément sur un autre projet relatif à Guillaume Le Conquérant, dont le millénaire sera célébré à Caen en 2027. Le groupe a indiqué en avoir « discuté à plusieurs reprises avec Hervé Morin ». Autant de sujets qui pourraient revenir sur la table à l'occasion des Rendez-vous d'Unifrance.

*Source : panorama annuel des interventions territoriales réalisé par Ciclic, l'agence régionale du Centre-Val de Loire pour le livre, l'image et la culture numérique

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Commentaire 1
à écrit le 09/11/2023 à 9:50
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Nous bénéficions certainement encore de notre influence linguistique française dans le monde, sinon nos séries restent bien en dessous du niveau général des anglais notamment qui créent peu mais créent bien, des coréens dont la souffrance permet une ...

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