Les banques organisent la riposte face aux fintech, dans les transferts d’argent

La coopérative belge Swift, qui regroupe quelque 7.000 banques dans le monde, expérimente des innovations dans les paiements internationaux, un marché très convoité par les fintech. Les résultats de ce pilote seront dévoilés à l’automne prochain.
Christine Lejoux
Le segment B2B (business to business) représente 80% à 85% des revenus que les banques tirent du marché des paiements internationaux.

« C'est maintenant qu'il faut agir. » Tel est, en substance, le message que les banques membres de Swift (Society for worldwide interbank financial telecommunication) avaient adressé à ce réseau mondial d'échange de données financières, en 2015, lors du salon Sibos organisé par ce dernier. L'objet de cette urgence ? La modernisation des infrastructures de paiements internationaux de Swift. Il faut dire que la création de cette coopérative belge - qui compte quelque 10.000 adhérents dans 200 pays environ, dont 7.000 banques - remonte aux années 1970. Certes, Swift - qui permet aux banques d'échanger des informations financières automatisées et standardisées, donc à moindre coût - représente toujours « une grande partie des paiements internationaux interbancaires, entre pays nécessitant une conversion de devises, qu'il s'agisse de paiements au bénéfice d'entreprises ou de particuliers », a souligné Thierry Chilosi, l'un des responsables de Swift pour la zone Europe, Moyen-Orient, Afrique, lors d'une conférence de presse, le 11 mars.

Mais cette position devient plus difficile à tenir, depuis quelques années. D'abord parce que les nouvelles technologies ont considérablement modifié les attentes des utilisateurs finaux de Swift. Désormais habitués à voir nombre de leurs demandes satisfaites quasi-instantanément, d'un simple glissement du pouce sur l'écran de leur smartphone, ils ne comprennent plus qu'envoyer de l'argent à l'étranger prenne deux à cinq jours, quand ce n'est pas dix jours pour certains pays. Une durée qui n'est qu'agaçante pour la clientèle des particuliers, mais qui devient carrément problématique dans le domaine du commerce international. En 2016, il n'est en effet pas simple pour un fournisseur d'admettre que son paiement par le donneur d'ordre mette plus de temps à franchir les mers que les navires chargés d'acheminer sa cargaison.

 L'émergence de nouveaux acteurs

Si, encore, il n'y avait que le problème du délai des transferts d'argent internationaux. Mais non. Particuliers comme entreprises, les utilisateurs finaux de Swift réclament également un service meilleur marché, davantage de transparence sur les tarifs afin de savoir exactement quelle somme le bénéficiaire recevra, ainsi qu'une plus grande traçabilité des transactions, entre leur déclenchement et le moment où le compte du bénéficiaire est crédité, un peu à la manière de que proposent DHL et UPS dans le transport de colis. Ces nouvelles exigences, Swift doit les prendre en considération d'autant plus rapidement que de nouveaux entrants s'ingénient d'ores et déjà les satisfaire. C'est le cas de PayPal et, beaucoup plus récemment, de fintech [startups spécialisées dans les technologies financières ; Ndlr] comme TransferWise. Ces nouveaux concurrents, dont l'émergence est favorisée par la directive européenne sur les services de paiement (DSP2), notamment, opèrent principalement sur le marché des transferts d'argent internationaux entre particuliers.

Mais Thierry Chilosi, chez Swift, ne se fait aucune illusion : « Ces nouveaux acteurs vont venir sur le segment B2B (business to business), car il représente 80% à 85% des revenus que les banques tirent du marché des paiements internationaux. »

De fait, il n'y a pas de commune mesure entre les quelques milliers d'euros adressés par une personne émigrée à sa famille restée au pays, et les dizaines ou centaines de millions d'euros que s'échangent des multinationales. Un potentiel auquel Western Union, acteur traditionnel des transferts d'argent entre particuliers, s'intéresse également.

La blockchain, complémentaire de Swift

Face à cette menace, Swift a lancé en décembre 2015 un projet d'innovation visant à améliorer les éléments pointés du doigt par ses utilisateurs, projet qui a été adopté par 45 banques dans le monde, parmi lesquelles figurent trois établissements français, à savoir BNP Paribas, la Société générale et Natixis (groupe BPCE). L'un des objectifs étant par exemple de ramener à une journée le délai de réception des fonds. Un pilote, porté par 21 banques, dont une Française (BNP Paribas), vient d'être mis en place. Il portera dans un premier temps sur le marché B2B des paiements internationaux, avant d'être sans doute étendu au transfert d'argent entre particuliers. Swift dévoilera les résultats de cette expérimentation à l'automne prochain, au cours de l'édition 2016 de son salon Sibos, qui se tiendra à Genève.

Des résultats qui, comme la coopérative l'espère, pourraient convaincre bien d'autres banques de rallier ce projet de modernisation des paiements internationaux. Et ce, d'autant plus qu'il « ne nécessitera pas d'investissements technologiques de la part des banques, mais (seulement) une amélioration de leurs processus internes, de leur back-office », assure Stanley Wachs, directeur international de l'innovation des paiements chez Swift. Parallèlement, cette dernière lancera à partir du mois de juin des ateliers de réflexion sur la façon dont les technologies de rupture telles que la blockchain pourraient aider à réinventer les paiements interbancaires internationaux, dans les cinq prochaines années. La blockchain, cette technologie ouverte et libre, qui permet la circulation de monnaies cryptées comme le Bitcoin, est « complémentaire de Swift », estime Stanley Wachs. Complémentaire et non pas concurrente, « la blockchain n'apportant pas du tout le même niveau de sécurité que Swift, puisqu'elle ne possède pas, par exemple, les capacités de lutte contre le blanchiment dont les banques disposent », insiste Stanley Wachs.

Christine Lejoux

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Commentaires 2
à écrit le 14/03/2016 à 18:54
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Si les banques étaient aussi sécurisées qu'une blockchain, elles n'auraient pas besoin de services de lutte contre la fraude ou le blanchiment. Ce qui gène les banques c'est juste de ne pas pouvoir toucher leur dîme sur une blockchain comme elles le ...

à écrit le 14/03/2016 à 13:23
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Normalement dans une coopérative, tout le monde, du directeur aux employés est payé à peu près pareil, dans cette coopérative bancaire également ? Aucune chance, encore un détournement sémantique du langage...

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