Immobilier : malgré la crise annoncée, la métropole du Grand Paris reprend le chemin du concours

A l'occasion du Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim) qui se déroule à Cannes, la métropole du Grand Paris vient de dévoiler les premiers lauréats de son troisième concours d'architecture et d'urbanisme. Malgré l'inflation, les professionnels l'assurent : leurs projets sortiront bien de terre. Et ce, en dépit d'un bilan en demi-teinte des deux premières éditions. Décryptage.
César Armand

Alors que l'inflation plombe le moral des acteurs de l'immobilier, entre remontée des taux d'intérêts et crédits bloqués, la métropole du Grand Paris reprend le chemin des concours d'architecture et d'urbanisme. Après avoir déjà lancé deux appels à projet « Inventons » en 2016 et 2018, et désigné les lauréats en 2017 et 2019, l'intercommunalité aux 131 communes franciliennes a dévoilé, mercredi 15 mars à Cannes, les premiers lauréats de la troisième édition lancée en... mai 2021. Il est cette fois question de la transformation de bureaux en logements, du recyclage de friches et de l'aménagement des gares du Grand Paris Express.

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8 sites sur 27 ont déjà trouvé preneur

Sur les vingt-sept projets proposés aux promoteurs immobiliers il y a vingt-deux mois, seuls huit ont trouvé preneur. Mais les maires présents ont tenu à rendre hommage à l'action de la métropole du Grand Paris. Par exemple, le maire (PS) de Cergy-Pontoise (Val-d'Oise), Jean-Paul Jeandon, dont la commune n'appartient plus au périmètre de l'intercommunalité, a proposé le site « Patinoire-Oréades », car « reconstruire la ville sur une dalle, c'est extrêmement compliqué ».

Même son de cloche pour le maire (LR) de Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne) qui a soumis au jury métropolitain le site « Général-de-Gaulle ». « Comme tous les centres-villes en souffrance, je n'avais pas de solution jusqu'à présent. L'élément déclencheur a été la MGP qui a eu un effet de rosée sur un champ desséché », a déclaré, lyrique, Didier Gonzales.

En face, le président de la métropole du Grand Paris - qui a fêté ses 7 ans le 1er janvier dernier -, n'a pas boudé son plaisir. « De nombreux maires m'ont dit : ''S'il n'y avait pas eu la MGP, aucun aménageur ne serait venu dans notre ville pour s'intéresser à nous''. Autrement dit, si on n'existait pas, il faudrait nous inventer », a déclaré, sourire aux lèvres, Patrick Ollier. « Nous devons survivre face aux bourrasques dans la compétition des égoïsmes et continuer à être au service de la population », a-t-il ajouté, alors que la bataille fiscale fait (encore) rage entre son intercommunalité de 131 communes et les onze établissements publics territoriaux qui la composent.

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Sogeprom promet d'être « vigilant » sur la structuration financière

Reste que l'assurance du président de la métropole du Grand Paris et l'appétit des professionnels de la fabrique de la ville pour ces terrains compliqués peuvent surprendre. Entre la baisse des délivrances de permis de construire, la montée en puissance de la réglementation environnementale des bâtiments neufs « RE2020 » et, à horizon 2050, la zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, 2023 ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices.

Il n'empêche : déjà lauréat du premier « Réinventer Paris » avec Xavier Niel sur l'extension de l'école 42, le patron de Redman est confiant pour la suite. Vainqueur du site de « Méhul » à Pantin (Seine-Saint-Denis), Mathias Navarro l'assure à La Tribune : il réalisera son programme de 60 logements - la moitié en accession à la propriété, l'autre en social - auxquels il ajoutera des « cellules » d'économie sociale et solidaire (ESS) en pied d'immeuble.

« Il est important d'avoir le carbone en tête, mais il ne faut pas oublier l'inclusion sociale », souligne l'auteur d'une lettre ouverte au ministre du Logement, Olivier Klein.

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Même optimisme du côté de Woodeum. Le promoteur vient de remporter le site « Patinoires-Oréades » de Cergy-Pontoise, où il va produire 104 logements en bois, des bureaux et 1.800 m² de jardins.

« Nous avons bien sécurisé les investissements et la société d'économie mixte Île-de-France Investissements et territoires s'est portée acquéreur du tiers-lieu, la partie la plus délicate de l'opération », déclare, à La Tribune, son directeur général Julien Pemezec.

Dans la capitale, Laurent Mourey se montre, lui aussi, confiant. Futur développeur du site de Python-Duvernois dans le XXème arrondissement, le directeur général de Linkcity et président de Linkcity Île-de-France certifie que « tous les partenaires sont à [ses] côtés, à commencer par la régie immobilière de la ville de Paris (RIVP) ».

« Nous serons le plus vigilant possible sur la structuration financière du projet. Dans les conditions actuelles d'inflation et de remontée des taux d'intérêt, nous devrons nous assurer que les bilans tournent toujours », affirme, pour sa part, Eric Groven, président de Sogeprom, gagnant du site « Général-de-Gaulle » de Villeneuve-le-Roi.

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Les projets d' « Inventons la métropole » 1 et 2 avancent bon an mal an

« Dès qu'il y a un problème ou un retard, nous intervenons pour débloquer la situation avec les maires et les aménageurs. Des projets [des deux premières éditions d'« Inventons la métropole du Grand Paris] ont été abandonnés car certains n'ont pas joué le jeu », relève, de son côté, le président (LR) de l'intercommunalité Patrick Ollier.

Il ne croit pas si bien dire. Selon le bilan d'« Inventons la métropole du Grand Paris » 1 et 2 dressé par ses propres services, les projets avancent bon an mal an. Sur les 77 sites répartis dans 70 communes, 12 projets sont encore en travaux, 12 ont déposé leur permis de construire, 10 sont « en cours de mise au point », 9 ont signé la promesse de vente, 6 ont vu leur permis accordé et purgé de tout recours et 5 ont signé un protocole d'engagement. Seuls 4 de la première édition seront livrés en 2023, en plus des quelques-uns déjà sortis de terre. Et ce, pour 717.000 m² de bureaux et 17.490 logements.

Dès le 16 février 2023, l'institut d'aménagement et d'urbanisme Paris Région avait publié un « bilan et perspectives » de ces appels à projets urbains innovants (APUI) intitulé « faire la ville par appel à projets ». Passant au crible les trois « Réinventer Paris » portés par la Ville lumière, les deux premiers « Inventons la métropole du Grand Paris » ainsi que les appels à projet « Réinventer la Seine » et « Reinventing Cities », l'ex-IAU juge le bilan « inégal ». Sur 133 sites analysés début 2023, seuls 34 sites sont livrés ou en chantier, tandis que 45 ne seront pas réalisés, car situés dans des projets abandonnés. Pis, 54 sont toujours à l'étude ou au stade du permis de construire.

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 « Le temps long et incertain de la fabrique urbaine semble avoir été oublié »

« Le lancement d'un APUI a pu engager ou débloquer des projets, parfois sur des sites compliqués, mais il n'a pas permis d'en accélérer la réalisation. Au contraire, le fait d'avoir une image précise du projet très en amont a pu faire oublier toutes les étapes nécessaires à la mise au point d'un projet, surtout d'échelle urbaine ou intermédiaire. De façon générale, le temps long et incertain de la fabrique urbaine semble avoir été oublié dans les intentions des premiers APUI », pointe Alienor Heil-Selimanovski, l'autrice de l'étude.

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« La taille des projets n'est pas en soi un facteur de réussite ou d'abandon, mais elle a un impact sur la rapidité de mise en œuvre du projet, et donc sur la compatibilité du projet avec le tempo des APUI », ajoute-t-elle.

L'Institut Paris Région évoque ainsi des sites « sur lesquels aucune étude préalable n'avait été menée, des invariants ou des orientations n'avaient pas été définis » avec « des propositions qui ont pu déclencher l'opposition des riverains et/ou des élus et faire abandonner les projets ».

D'autant que les équipes nouvellement élues en mars ou en juin 2020 ont pu conduire à ce que certains projets soient « réorientés, abandonnés ou plus du tout portés »...

César Armand

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