Fusion Suez-Veolia : la majorité des élus se disent "préoccupés"

Selon un sondage commandé par Suez à l'Ifop, les maires de France s'inquiètent du risque d'une augmentation des tarifs et d'une dégradation des services. Des craintes que Veolia juge infondées, mais qui pourraient inciter nombre de villes à passer en régie.
Giulietta Gamberini
La tentation du passage en régie est particulièrement présente dans les collectivités de grande taille ou marquées à gauche.
La tentation du passage en régie est particulièrement présente dans les collectivités de grande taille ou marquées à gauche. (Crédits : Pixabay / CC)

>> VOIR L'enquête La Tribune : « Dans les coulisses de Veolia/Suez : réseaux, jeux de pouvoir et avenir d'Engie »

C'est une nouvelle arme dégainée par Suez dans sa lutte contre le projet de fusion de Veolia, dans l'espoir que "cet élément d'appréciation nouveau pèse dans le débat public". L'entreprise cible, dont 29,9% du capital vient d'être acheté par le principal rival, déterminé à lancer ensuite une OPA, s'est adressée à l'institut de sondages Ifop pour interroger les élus issus des élections municipales du printemps sur leur perception de l'opération. Le résultat semble corroborer ses propres craintes: plus de la moitié des maires de villes françaises dont la gestion des services de l'eau et des déchets est déléguée à des acteurs privés se disent "préoccupés" par l'effet potentiel du rapprochement en cours sur la gestion de ces services.

60% de l'ensemble des 400 élus interrogés (sur 35.000) pensent même que, dans les années à venir, ce rapprochement aura des effets "néfastes". Une inquiétude particulièrement présente chez les maires des grandes villes, ainsi que chez les membres d'un Établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Le pessimisme porte notamment sur le prix des services, qui selon trois quarts des élus risquent d'augmenter. Mais la qualité les préoccupe également, puisqu'un tiers anticipe une détérioration des services.

Un prix de l'eau déterminé par les maires en fonction du contexte

Depuis l'annonce de son projet de fusion, Veolia ne cesse pourtant d'insister sur le caractère infondé de ces craintes. Ce sont toujours les "élus qui définissent et fixent le prix des services de l'eau, en fonction du niveau d'équipement et de service qu'ils ont souhaité", soulignait encore un communiqué de presse diffusé le 20 novembre. Veolia, qui en octobre a pour sa part fait réaliser un sondage au cabinet d'études Elabe auprès des Français, observe également que "les personnes interrogées confirment que la hausse du prix de l'eau est indépendant à tout projet de rapprochement entre Veolia et Suez", et que 63% d'entre elles voient dans l'opération "une occasion de créer le champion mondial de la transformation écologique".

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"La liberté de choix des maires dépend du contexte concurrentiel", réplique toutefois Jean-Marc Boursier, directeur général adjoint en charge de la région France et des opérations du groupe Suez. Si la France bénéficie aujourd'hui de "services à l'environnement très sophistiqués à un prix parmi les plus compétitifs du monde", ce n'est pas grâce à des coûts d'exploitation inférieurs qu'à l'étranger, mais à la compétition entre ses deux leaders du secteur, Suez et Veolia, analyse-t-il. Les maires ont donc raison de croire que leur fusion, dont le Suez survivant en France sortira affaibli, réduira le choix des élus, en générant ainsi une "pression à la hausse sur les prix", estime Jean-Marc Boursier.

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Les maires satisfaits de la situation actuelle

La globalité du sondage montre d'ailleurs que la peur des maires face à une telle fusion puise ses sources dans une vision très positive des services à l'environnement -largement considérés comme "très importants"- dont ils bénéficient actuellement.  La quasi-totalité des élus se disent ainsi satisfaits du service de collecte et de traitement des déchets sur leur territoire, qu'il soit en régie ou en délégation de service public. Quant à l'eau, seul 4% considèrent que la distribution et l'assainissement se sont dégradés dans leur commune au cours des trois dernières années, alors que 71% jugent le prix de l'eau "ni trop faible, ni trop élevé". La quasi-totalité des élus ont notamment été "satisfaits" de la gestion de la crise sanitaire pendant le premier confinement, ce qui leur a permis d'aborder sereinement le deuxième, révèle le sondage.

Si le statu quo semble donc leur convenir, cela n'empêche que la fusion entre Veolia et Suez pourrait venir bouleverser leur attitude. 39% des maires dont la gestion des services à l'environnement est aujourd'hui déléguée à des acteurs privés affirment en effet que ce rapprochement pourrait les inciter à passer en régie, en renforçant ainsi un mouvement qui se développe depuis plusieurs années. Cette tentation est particulièrement présente dans les collectivités de grande taille ou marquées à gauche. Le marché de la délégation de services publics en serait inévitablement réduit.

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Giulietta Gamberini

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