Fusion Suez-Veolia : plus de 70 élus appellent à associer les territoires au débat

Dans une tribune publiée par Le Point, des sénateurs, maires et présidents de collectivités s'inquiètent des conséquences de l'opération sur les services publics de l'eau et des déchets. Ils demandent à l'Etat de prendre son temps. L'AMF a aussi tenu à alerter sur certains points de la fusion.
Giulietta Gamberini
Les élus appellent aussi tous leurs homologuent à débattre au sein de leurs différentes instances de ce rapprochement.
Les élus appellent aussi tous leurs homologuent "à débattre au sein de leurs différentes instances de ce rapprochement". (Crédits : Reuters)

Dans la bataille de plus en plus âpre qui depuis le 30 août oppose les deux leaders français de l'eau et des déchets, les élus veulent aussi avoir leur mot à dire. Lundi, dans une tribune publié par Le Point, 72 d'entre eux prennent la plume afin de demander à l'Etat d'associer les collectivités locales à sa réflexion autour de la fusion entre Veolia et Suez, qui en France dominent le marché des délégations de service public.

En tant que "garants de l'accès de tous, à des conditions abordables, à ces services essentiels", ces élus estiment avoir le devoir de d'assurer qu'une telle opération "ne se fasse pas au détriment des usagers et contribuables, des collectivités locales et de l'emploi", expliquent-ils. Et l'Etat, en tant qu'actionnaire principal d'Engie, qui est à son tour l'actionnaire majoritaire de Suez et dont Veolia veut acheter la quasi-totalité des actions, doit au moins donner "aux acteurs le temps de la réflexion et du débat", estiment les élus.

Lire: Veolia/Suez: l'Etat réaffirme vouloir prendre "tout le temps nécessaire"

Ils appellent d'ailleurs également "tous les élus locaux à débattre au sein de leurs différentes instances de ce rapprochement pour évaluer les impacts attendus dans nos territoires".

La pluralité des acteurs déterminante

Initiée par cinq sénateurs et sénatrices d'appartenances politiques différentes (PS, EELV, LR, Générations et UDI), cette tribune compte parmi les premiers signataires de nombreux maires, adjoints aux maires, conseillers municipaux, mais aussi des conseillers régionaux, des présidents d'agglomérations, de communautés de communes, de conseil départementaux, des parlementaires etc., de diverses formations politiques. Ils mettent en avant deux principales inquiétudes face à la perspective d'une fusion entre Suez et Veolia: la concurrence et l'emploi.

Au niveau local, "la pluralité des acteurs en a été un élément déterminant. Le jeu de la saine et loyale concurrence a permis de faire émerger des solutions toujours plus innovantes. Ce sont nos concitoyens qui en ont été les premiers bénéficiaires", soulignent-ils.

Lire aussi: Suez/Veolia: le ton monte lors des auditions devant les députés

Les élus par rassurés par le fonds Meridiam

Dès le jour de l'annonce de son projet de fusion, Veolia a pourtant assuré avoir pris les précautions nécessaires afin d'éviter une situation de monopole en France. Dans les déchets, elle estime que les éventuels actifs à céder pourront être acquis par une pluralité d'acteurs déjà présents sur le marché. Dans l'eau, elle a déjà identifié un potentiel acquéreur des activités de Suez, le fonds Meridiam.

Lire: "On assiste à une inquiétante accélération du démantèlement de Suez par lui-même" (Estelle Brachlianoff, Veolia)

Ces garanties ne rassurent toutefois pas les élus, qui craignent notamment que l'exploitation par un fonds d'investissement d'un opérateur du service public de l'eau ne mette en cause "la pérennité du modèle équilibré trouvé sur le marché sensible de la fourniture de l'eau potable" voire "la notion même de service public". Pour rappel, le principal actionnaire du troisième acteur de l'eau en France, Saur, est déjà depuis 2018 un fonds d'investissement: le fonds suédois EQT Partners.

Lire: "La fusion Veolia/Suez réduirait la concurrence" (Christopher Gasson, Global Water Intelligence)

Encore plus d'incertitudes à cause du Covid-19

Quant à l'emploi, alors que Veolia continue d'affirmer son engagement à éviter tout plan social tant dans les activités éventuellement englobées que dans celles cédées, les élus rappellent les précédents d'autres promesses de cette sorte, notamment celles formulées par General Electric lors de son achat de la branche énergie d'Alstom en 2014. Ils soulignent d'ailleurs que ni les inconnues "en termes d'efficacité" de la fusion, ni celles sur l'emploi ne sont compatibles avec les difficultés économiques dues au Covid-19, d'autant plus "alors que les exécutifs locaux sont tout juste installés et que la relance passera par les territoires".

"L'emploi, l'investissement dans la transition écologique, la pérennité et la qualité de nos services publics locaux, et l'avenir des emplois et investissements de ce secteur, méritent un débat sans précipitation", conclu la tribune.

L'AMF attentive à quelques "points d'extrême vigilance"

Ce n'est pas la première fois que des élus expriment des inquiétudes dans cette affaire. Dès le début de septembre le maire de Nice, Christian Estrosi, s'était publiquement opposé à la fusion, suivi par Renaud Muselier, le président de la région Sud. Au-delà de ces déclarations, empreintes de politique, dans un courrier bien plus sobre et impartial envoyé dès le 16 septembre au Premier ministre Jean Castex, l'Association des maires de France (AMF) a aussi tenu à l'"alerter" sur quelques "points d'extrême vigilance concernant les conséquences opérationnelles de cet éventuel rapprochement": la préservation de la qualité des services aux usagers, des capacités d'investissement, de la maîtrise de la tarification, de la continuité des contrats de concession, ainsi que la concurrence et l'emploi. Or, le temps laissé par Veolia à Engie pour sa décision na pas suffi à ce que les collectivités locales disposent d'assurances sur les modalités concrètes de cette fusion, explique le secrétaire général de l'AMF, Philippe Laurent, à La Tribune.

Bien que "pas très inquiet" car confiante dans le travail de l'Autorité de la concurrence,  Amorce, le réseau des territoires engagés dans la transition écologique, insiste aussi sur la nécessité de "maintenir un niveau de concurrence acceptable", dans l'eau comme le déchets. Et ce non seulement à l'échelle nationale, mais aussi régionale, souligne le délégué général de l'association, Nicolas Garnier. Ses élus sont aussi prêts à se mettre autour de la table des discussions, et notamment à dialoguer avec l'Autorité de la concurrence, assure-t-il.

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