latribune.fr- Comment accueillez-vous le plan stratégique de Renault ?

Philippe Houchois- Je le considère comme tout à fait positif. Il n'y a pas eu d'effet d'annonce, mais il est crédible. Alors que l'on pouvait s'attendre à des fermetures de sites ou des suppressions d'emplois, Renault a misé sur le redéploiement de la croissance. Carlos Ghosn s'attaque au problème de la taille insuffisante de Renault, éclipsé notamment par l'alliance avec Nissan. Le fait de miser sur la croissance va créer un effet de levier d'autant plus important que les coûts baisseront.

Que pensez-vous de son objectif de produire 800.000 véhicules supplémentaires d'ici 2009 ?

Cet objectif est plutôt ambitieux. J'attendais une annonce de l'ordre de 650 à 700.000 véhicules supplémentaires. Il ne sera pas facile à tenir. Cela dit, la Logan représente la moitié de ces 800.000 véhicules. Sa contribution est importante mais il ne sera pas difficile de prendre des parts de marché dans des pays émergents. Ces marchés sont déjà acquis. La Logan est commercialisée en Europe de l'Est et bientôt en Colombie, au Maroc, en Russie, en Iran et en Inde.

Quel est l'intérêt pour Renault de produire autant de modèles ?

Carlos Ghosn a prévu de sortir 26 modèles d'ici à 2009, cela est très positif. Renault montre qu'il a la capacité de développer des produits aussi rapidement alors qu'en général dans l'industrie, les processus sont plus longs. Renault veut avant tout toucher différents marchés en multipliant les modèles. Le but est aussi de déployer les investissement pour diversifier les risques et éviter des échecs comme celui de la Modus, où Renault avait beaucoup investi. Avec autant de modèles, Renault cherche à s'adapter à des marchés de niche.

Renault cherche-t-il à produire des modèles plus luxueux ?

Pas vraiment. Renault s'oriente plutôt vers une gamme premium. A titre de comparaison, Carlos Ghosn cherche à diriger la gamme Renault vers celle de Volvo par exemple, mais pas vers celle de Mercedes. Le premium traduit une orientation des véhicules vers le haut de gamme sans luxe. L'exemple typique est celui de l'Espace. Renault va miser sur les 4X4 avec Samsung par exemple ou les Cross Over (comparable à l'ancien Scénic 4X4). L'objectif est de jouer la différence avec des produits innovants, légèrement supérieurs en prix, pour des clients plus aisés, afin de dégager plus de marges.

L'objectif de 6% de marge pour 2009 est-il trop prudent ?

Tous les projets ayant des marges de manoeuvre, il est envisageable que Renault puisse afficher des marges allant jusqu'à 7,5%. Mais ce niveau de 6% est une vraie promesse qui sera tenue. Et même en partant du niveau de 2,5% de marge attendu en 2006, cet objectif est loin d'être impossible. Dans l'automobile, les marges sont très volatiles et peuvent donc varier fortement d'une année à l'autre. Ce constat est d'autant plus vrai pour Renault du fait de sa dépendance à la Mégane. C'est pour cela que Carlos Ghosn veut multiplier et diversifier les produits Renault pour diluer cette dépendance des marges.

Quelles sont vos recommandations sur le titre Renault ?

J'applique au titre Renault une méthode de valorisation plutôt conservatrice. Malgré cela, mon objectif de cours reste à 88 euros alors que le titre cotait près de 80 euros vendredi dernier. Les résultats du plan de Carlos Ghosn devraient montrer leurs effets à partir de 2007. Dès lors, ces résultats devraient être anticipés dans les cours dès cette année.