La réorganisation d'EADS peine à convaincre

L'action EADS recule aujourd'hui sous le coup de prises de bénéfices, les analystes se focalisant sur les problèmes industriels d'Airbus après le départ du co-président Noël Forgeard et l'annonce d'un prix de vente inférieur aux attentes des parts de BAE dans Airbus. Les deux co-présidents Louis Gallois et Tom Enders proclament que le redressement d'Airbus est leur priorité "absolue et immédiate".

A 22,28 euros à la clôture, l'action EADS cédait 0,8% au lendemain des annonces de changements d'hommes à la tête du groupe et de sa filiale Airbus. On est donc encore loin des 25 euros au-dessus desquels le titre du groupe EADS évoluait avant de s'effondrer de 26% le 14 juin dernier, suite à l'annonce de nouveaux retards de livraison du gros-porteur, l'A380. EADS a annoncé hier la démission de son co-président français Noël Forgeard, remplacé par Louis Gallois pour mettre fin à la crise que le groupe a traversée ces dernières semaines. Le groupe devra également débourser 2,75 milliards d'euros pour racheter la part de 20% du britannique BAE Systems dans Airbus, un prix de vente fortement réduit par rapport aux estimations initiales, qui allaient jusqu'à 6,5 milliards (voir ci-contre).

Dès aujourd'hui, le nouvel état-major d'EADS a voulu montrer qu'il prenait les choses en mains. Les deux co-présidents exécutifs, Louis Gallois et Tom Enders, ont publié un communiqué dans lequel ils affirment que "le retour en force d'Airbus est la priorité absolue et immédiate". Selon le tandem, c'est bien "la réputation du groupe" qui est en jeu. Dès lors, il s'agit de "regagner la confiance de nos clients, de nos investisseurs et, en premier lieu, de notre personnel", et cela en travaillant "d'arrache-pied et main dans la main pour remettre EADS sur le bon cap".

Les deux hommes ont du pain sur la planche. Ils doivent d'une part travailler au rapprochement d'EADS et de sa filiale Airbus, afin de renforcer l'intégration de cette dernière dans le groupe. Une évolution qui va être facilitée par le désengagement de BAE du capital d'Airbus.

D'autre part, et surtout, il leur faut s'attaquer aux problèmes industriels lourds de l'avionneur. C'est toute le question des retards de livraison du très gros porteur A380, dont l'annonce a précipité la crise. Mais c'est aussi celle du programme de l'A350. Destiné à concurrencer le 787 de Boeing, ce nouvel avion a été conçu trop rapidement à partir de l'A330 existant. Avec un résultat peu convaincant, si bien que le programme doit maintenant être rebâti sur de nouvelles bases.

Reste que les communiqués proclamant la détermination des patrons du groupe ne suffiront pas forcément à convaincre. Aujourd'hui, les analystes soulignent ainsi que ces remplacements étaient largement anticipés. Et certains regrettent le maintien d'une direction bicéphale partagée entre français et allemands. Selon le broker Oddo Securities, le remaniement à la tête du groupe européen d'aéronautique et de défense annoncé ce week-end est "un pas nécessaire à la restauration de la crédibilité du groupe". Ainsi, pour Exane BNP Paribas, qui salue par ailleurs la première commande de la filiale Eurocopter aux États-Unis décrochée ce week-end (un contrat de 3 milliards de dollars sur 10 ans pour livrer jusqu'à 352 hélicoptères à l'armée de terre), "EADS a choisi de maintenir une structure duale plutôt que de revoir entièrement sa gouvernance", le seul changement étant une intégration plus poussée d'Airbus au sein du groupe. "C'est conforme à nos attentes mais néanmoins décevant. Si EADS ne revoit pas sa gouvernance après un tel événement, quand le fera-t-il?", déplore la maison de courtage française dans une note à ses clients.

Selon Exane BNP Paribas, la nomination de Louis Gallois est un signe que l'État veut renouer le dialogue avec les co-actionnaires allemands d'EADS, ce qui pourrait s'avérer positif à long terme, mais risque de freiner à court terme l'adoption de réformes: "cette nomination politique pourrait ralentir les prises de décisions concernant la Sogerma et Airbus", estime la maison de courtage. Louis Gallois, qui était administrateur d'EADS, connaît bien le secteur aéronautique pour avoir dirigé la Snecma et l'Aérospatiale avant de prendre la présidence de la SNCF. Mais Airbus sera dirigé par l'industriel Christian Streiff, ancien directeur général délégué de Saint-Gobain, qui n'a jamais travaillé dans le secteur, relève Exane. Pour la maison de courtage, malgré la "solide réputation" dont il jouit, sa nomination risque encore de "ralentir le processus décisionnel chez Airbus".

"Les risques d'exécution des projets persistent chez Airbus", conclut de son côté la Deutsche Bank, soulignant que l'A380 ne sera pas certifié et livré avant la fin de l'année, et que le projet de transport militaire A400M risque lui aussi de rencontrer des écueils.

Un autre analyste du secteur, qui ne souhaite pas être identifié, partage ces préoccupations, jugeant que le remplacement de Noël Forgeard et le prix de vente de la part de BAE ont permis de lever "deux des trois incertitudes" qui pesaient sur le groupe, mais qu'il faut désormais s'attaquer aux problèmes d'Airbus, à commencer par le devenir de son projet A350. "Il reste la question du reshaping (redéfinition) de l'A350/370, qui peut difficilement se passer de communication avant le salon de Farnborough" qui débute le 17 juillet, explique cet analyste. Airbus avait promis face aux critiques des clients de revoir entièrement l'A350, qui pourrait être rebaptisé A370, ce qui risque de doubler à 8 milliards d'euros le coût du programme.

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