Financement de la planification écologique : les grandes villes veulent la plus grosse part du gâteau

Dans le sillage de la Première ministre Elisabeth Borne qui a déjà dévoilé les contours d'une enveloppe de 10 milliards d'euros, le président Macron va présenter lundi sa feuille de route en matière de planification écologique. Réunis en congrès à Angers, les élus de France urbaine ont mis en garde le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires quant à la part prévue pour les collectivités locales. « Oui, il faut de l'argent », leur a répondu Christophe Béchu. L'examen de la loi de finances 2024, qui est sur le point d'être présenté en Conseil des ministres, promet d'être animé... Décryptage.
César Armand
La maire de Nantes et présidente (PS) de France urbaine, Johanna Rolland, ici le 7 septembre 2023 à l'Elysée pour la troisième session plénière du Conseil national de la refondation (CNR). (Photo d'illustration)
La maire de Nantes et présidente (PS) de France urbaine, Johanna Rolland, ici le 7 septembre 2023 à l'Elysée pour la troisième session plénière du Conseil national de la refondation (CNR). (Photo d'illustration) (Crédits : Reuters)

C'est une affaire de quelques jours. Au lendemain des élections sénatoriales, le président de la République va présenter, le 25 septembre, sa feuille de route en matière de planification écologique. Dès le 19 septembre, sa Première ministre Elisabeth Borne a dévoilé les contours d'une enveloppe de 10 milliards d'euros : 7 milliards sont déjà inscrits dans la prochaine loi de Finances et 3 milliards sont sanctuarisés d'ici à 2027. Dans le détail, 2,1 milliards d'euros sont fléchés vers la préservation des ressources naturelles, 2,1 milliards vers la rénovation des bâtiments, 1,8 milliard pour l'accélération de la transition énergétique, 1,8 milliard pour le développement de l'industrie verte, 1,6 milliard pour la décarbonation des transports et 800 millions en soutien aux collectivités. Autant de verticales sur lesquelles les élus locaux souhaitent avoir la main.

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La mise en garde de France urbaine

Aussi, lors des journées nationales de France urbaine ces 21 et 22 septembre à Angers, sa présidente (PS) Johanna Rolland a mis en garde le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu :

« Il faut des décisions et des moyens. La planification écologique suppose une territorialisation qui ne soit pas un recyclage plus ou moins habile des crédits existants », a lancé la Nantaise Johanna Rolland, à la tête d'une association d'élus qui rassemble les maires des grandes villes et les présidents de métropole.

Reprenant les conclusions des économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, selon lesquels il faut dénicher, chaque année jusqu'en 2030, 68 milliards d'euros d'argent public et privé pour atteindre la neutralité carbone, la présidente de France urbaine a martelé qu'il en faudrait 12 milliards d'euros annuels, rien que pour les collectivités territoriales.

« Nos 2.000 communes émettent deux tiers des gaz à effet de serre. Nous proposons donc que deux tiers des moyens nous soient attribués. Nous avons le pied sur l'accélérateur mais cela suppose une territorialisation des moyens », a insisté Johanna Rolland.

« Oui, il faut de l'argent », a répondu Christophe Béchu

Sur la scène du centre des congrès angevin, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, quoique tenu par un devoir de réserve dû aux élections sénatoriales en Maine-et-Loire ce 24 septembre, est d'abord allé dans le sens de l'élue locale.

« Oui, il faut de l'argent », a déclaré Christophe Béchu. « Vous avez déjà 7 milliards d'euros d'argent immédiat - le projet de loi de finances 2024 en sera la déclinaison budgétaire - et près de 10 milliards d'autorisations d'engagements d'ici à 2027 », a rappelé le ministre.

En réponse, Johanna Rolland s'est dite, au nom des élus urbains qui l'ont portée à leur tête en septembre 2020, « prête à expérimenter la délégation des crédits à la rénovation ».

Autrement dit, elle propose que les grandes villes et métropoles pilotent les 2,1 milliards de la planification dédiés à la rénovation des bâtiments : 1,6 milliard supplémentaire pour « Ma Prime Rénov' » distribuée aujourd'hui par l'Agence nationale de l'habitat et 500 millions pour la rénovation des écoles au travers du « Fonds vert » lancé par l'Etat en décembre 2022 pour subventionner les communes dans la prise de virage écologique.

Des annonces pour le logement social au congrès de l'USH

Dans ce domaine, Christophe Béchu a admis l'existence d'une « crise réelle du logement » mais n'a pas répondu sur le fond du problème. « Aujourd'hui, nous ne pouvons pas faire en même temps la rénovation du parc social et le soutien à la mise en chantier de logements sociaux », a-t-il enchaîné, promettant des annonces début octobre de son collègue Patrice Vergriete au congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH). Applaudissant les initiatives d'Action Logement et de CDC Habitat visant à racheter 50.000 logements inachevés (VEFA) aux promoteurs, le ministre s'est également félicité que le nombre de places d'hébergement - 203.000 - n'ait pas baissé depuis la crise sanitaire.

La présidente de France urbaine rêve par ailleurs de pouvoir déplafonner le versement mobilité, dont s'acquittent toutes les entreprises de 11 salariés et plus, pour financer les transports publics locaux. Surtout, la Nantaise refuse qu'il y ait un « deux poids deux mesures » avec l'Île-de-France, qui a reçu, en décembre 2022 et in extremis, une rallonge de 200 millions d'euros de l'Etat. Son collègue toulousain Jean-Luc Moudenc, qui a planché sur les zones à faibles émissions, espère, lui, que les aides de l'Etat soient élargies aux habitants vivant en-dehors desdites ZFE.

Sur ces sujets brûlants, Christophe Béchu a rappelé sa décision, du 10 juillet dernier, d'assouplir le calendrier d'entrée en application des zones à faibles émissions, avant de s'emporter contre la France insoumise et le Rassemblement national qui ont demandé le report voire l'annulation de cette politique publique.

« N'allez pas expliquer que la moitié des voitures française ne peuvent plus entrer dans les ZFE. Tout le monde est d'accord pour lutter contre la pollution de l'air. Si la transition était simple, ça se saurait ! », a ainsi lâché le ministre.

Rallumer la flamme de la décentralisation

Quant à Johanna Rolland, elle ne compte pas lâcher la pression sur le gouvernement. « Je suis pour un Etat fort, un Etat stratège, mais il faut rallumer la flamme de la décentralisation. Notre pays ne se résume pas à Paris. Le recyclage des crédits n'a échappé à personne », s'est encore exclamée la présidente de France urbaine.

Maire d'Angers jusqu'à son entrée au gouvernement en mai 2022, Christophe Béchu lui a alors confirmé que la planification écologique serait « territorialisée ». « Il ne s'agit pas de donner des objectifs contraignants, mais d'assumer une démarche d'engagement avec des crédits budgétaires en lien avec une baisse de CO2 », a annoncé le ministre.

Le format est déjà tout trouvé : les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) signés en 2020 entre l'Etat et les intercommunalités, qui vont être requalifiés en contrat de réussite de la transition écologique. L'idée : des financements et pluriannuels de surcroît. Cela tombe bien : quelques instants plus tôt, la Nantaise Johanna Rolland s'était faite l'avocate de cet outil comme levier de la planification « à condition qu'ils soient abondés financièrement avec des fonds fongibles et pluriannuels ».

A l'issue du discours de Christophe Béchu, la présidente de France urbaine faisait en outre savoir à La Tribune que ses amendements pour nourrir en ce sens la loi de finances 2024 étaient déjà prêts...

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César Armand
Commentaire 1
à écrit le 22/09/2023 à 20:31
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Maintenant c'est la curée !!! Une problématique culturelle, car la France ne connaît pas la notion du pragmatisme 🤣🤡

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