Comment mieux financer la transition écologique ? Cinq choses à retenir du rapport Holroyd

Le député LREM Alexandre Holroyd a remis à Barbara Pompili et Bruno Le Maire son rapport sur la finance verte. Le document regroupe 24 recommandations afin de mieux mobiliser le système financier au service de la lutte contre le changement climatique. Un Livret A ou un LDDS plus vert, un nouveau label "transition", un institut de la finance verte, une base de données extrafinancières accessible et gratuite, un incubateur dédié aux fintech "green"... Voici les cinq points qu'il faut en retenir.
Juliette Raynal
(Crédits : Pixabay)

Alors que le gouvernement promet un plan de relance "vert", avec 30 milliards d'euros consacrés à la transition écologique, Alexandre Holroyd, député des Français établis hors de France, a remis, le 22 juillet dernier, un rapport sur la finance verte à la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, et au ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire. Fruit de six mois de travail et de plus de 150 auditions, ce document liste 24 recommandations pour permettre à la place parisienne, pionnière en la matière, de s'ériger en capitale mondiale de la finance verte, qui désigne les activités financières visant spécifiquement la protection de la planète.

"Au terme de cette mission, ma conviction est que cette crise doit impérativement être un accélérateur du développement de la finance verte, essentiel à la transformation de nos économies. Le secteur financier doit s'adapter aux défis climatiques et se verdir considérablement, en favorisant les activités durables et de transition aux activités 'brunes'", expose le parlementaire.

"Le rapport propose un plan d'actions concret et réaliste, tout à fait cohérent avec la volonté de faire une relance verte", commente Philippe Zaouati, directeur général de Mirova, filiale de Natixis IM spécialisée dans la finance durable. Il ajoute toutefois que "la seule faiblesse du rapport est d'avoir peu mentionné les sujets sociaux et la finance solidaire qui est une part importante de la finance durable en France". "L'analyse ESG et les labels de la finance durable mettent précisément sur le même plan les impacts environnementaux et sociaux", souligne-t-il.

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Long de 144 pages, le document pointe à la fois les lacunes de la place parisienne en matière de finance verte et dessine des pistes d'amélioration autour de trois grands axes : la meilleure mobilisation de l'épargne vers les produits verts et durables, la question cruciale de la notation extra-financière et la structuration de l'écosystème. Voici les cinq points phares à retenir.

1 - Verdir le Livret A et le LDDS

Le document s'attaque aux produits d'épargne préférés des Français : le Livret A et son petit frère le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), dont la collecte nette a considérablement gonflé pendant le confinement, avoisinant ainsi les 16 milliards et demi d'euros sur trois mois. Dans sa proposition 15, le rapport suggère d'amender les missions du Livret A pour mettre la transition écologique au cœur du financement de l'économie et de moderniser le LDDS pour en faire un véritable outil de financement de la transition écologique.

Ici, deux pistes sont envisagées : la première consisterait à fusionner les deux produits. "Une trajectoire pluriannuelle ambitieuse devra être définie au terme de laquelle l'intégralité des utilisations faites des encours devra répondre à un impératif de transition en sus de l'objectif primaire (financement des PME ; financement du logement social etc.)", précise le document. La seconde piste propose, quant à elle, de "scinder les deux livrets pour préserver l'option offerte à l'épargnant de choisir un produit (le LDDS) participant tout particulièrement au financement de la transition". Cette option impliquerait donc de renforcer le fléchage du LDDS vers la transition écologique. Ce dernier devrait alors "être soumis à des conditions d'utilisations de l'épargne exclusivement dédiées à la transition", précise le rapport. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

2 - Créer un nouveau label "transition"

Alexandre Holroyd juge également urgent "de développer et normer de nouveaux outils de 'transition' pour orienter des investissements vers les secteurs ayant la plus grande capacité de réduction de CO2". Cela se traduirait par la création d'un nouveau label "transition", qui viendrait compléter deux autres labels existants : ISR (pour Investissement Socialement Responsable) et GreenFin.

Ce label devra permettre d'identifier les investissements contribuant à transformer notre modèle de production en modèle bas carbone. Il doit se distinguer des labels verts existants, qui eux sont dédiés "au financement de l'économie décarbonée de demain". L'objectif est de mobiliser "des investissements nécessaires pour que nos entreprises existantes, nos infrastructures en usage, notre parc immobilier actuel se décarbonent rapidement", détaille le document.

3 - Développer une base de données extra-financières en open data

Les critères ESG (pour Environnement, social et gouvernance) se trouvent au cœur de la finance verte et durable. Ils permettent d'évaluer la prise en compte du développement durable et des enjeux de long terme dans la stratégie des entreprises. Cela peut être, par exemple, les émissions de CO2 pour le pilier E, la formation des salariés pour le pilier S, ou encore la féminisation des conseils d'administration pour le pilier G.

Depuis quelques années, les sociétés spécialisées dans l'évaluation de ces risques ESG, que l'on appelle les risques extra-financiers, se sont multipliées. Or, "le rachat d'une grande majorité des acteurs européens de notation extra-financière par des groupes internationaux est préoccupant", estime Alexandre Holroyd. "La capacité de collecte, de normalisation, d'analyse de cette donnée est cruciale et pose une question importante de compétitivité et de souveraineté", poursuit le député, qui recommande "la création d'une base de données gratuite et libre d'accès, en open-data, pour garantir la transparence et l'accès public de l'information extra-financière".

Selon le député, "cette base de données doit nécessairement être construite à l'échelle européenne" afin de proposer "une alternative solide à d'autres initiatives pouvant privilégier une vision moins en adéquation avec l'ambition européenne relative à l'extra-financier".

Lire aussi : Notation sociale et environnementale: le marché de toutes les convoitises

4 - Mettre sur pied un institut de la finance verte

A l'instar de ce qui existe à Londres avec le Green Finance Institute, le député suggère la création d'un institut dédié à la finance verte. Présentée comme un outil de pilotage et baptisée ChooseParis, cette structure permettrait "de passer à une nouvelle étape du développement de la finance durable en France", explique le document. L'institut serait coprésidé par le ministère de la Transition écologique et celui de l'Economie et des Finances. Il aurait en charge la gestion des labels ISR, Greenfin et Transition et chapeauterait trois piliers : Finance For Tomorrow (l'initiative de Paris Europlace pour promouvoir la finance verte, qui prendrait alors son indépendance), ThinkParis qui piloterait les travaux de recherche, et enfin InnovParis, une pépinière dédiée aux start-up spécialistes de la finance verte : les green fintech.

5 - Favoriser l'émergence et le développement des green fintech

InnovParis doit justement permettre de surmonter une autre lacune. Le rapport souligne, en effet, le "faible nombre de green fintech sur le marché (entre 5 et 10% des fintech)". Selon le document, cette faiblesse pourrait s'expliquer "par le manque d'un soutien adapté à leurs besoins, notamment en termes de réseaux, de visibilité et de pédagogie autour de leur business model nécessairement interdisciplinaire". Il pointe un enjeu autour de la définition de "green fintech", concept encore flou, qui pénaliserait ces jeunes acteurs, notamment dans le recherche de financement.

Pour structurer cet écosystème, favoriser son développement et lui donner plus de visibilité, InnovParis pourrait prendre plusieurs formes. L'une d'elle consiste à créer une nouvelle entité intégrée à Station F et soutenue par BPI France. Une autre relèverait d'un consortium entre les incubateurs de place et Finance for Tomorrow. Enfin, cela pourrait être un nouveau département au sein du Swave, (incubateur basé à La Défense et entièrement dédié aux fintech), soutenu par des partenariats avec d'autres acteurs tels que BPI France ou Liberty Living Lab.

Lire aussi : Paris espère devenir la référence de la Fintech avec le Swave de La Défense

En parallèle, Alexandre Holroyd suggère la mise en place d'un système d'accréditation, qui "permettrait une meilleure définition et compréhension des nouveaux acteurs 'verts' de la fintech par les utilisateurs et les institutions financières". De quoi faciliter "la recherche de financements des green fintech via un 'effet label'"  et créer "un signal de qualité pour les investisseurs".

Juliette Raynal

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Commentaires 6
à écrit le 28/07/2020 à 13:48
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Ce qui va être financer c'est "le cosmétique" et "la com" mais aucun progrès!

à écrit le 28/07/2020 à 11:30
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Finance verte, diantre, du temps perdu, bcp d'argent jete par les fenetres, pendant ce temps ailleurs on s'active pour des choses serieuses. Pauvre France perdue.

à écrit le 28/07/2020 à 11:22
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Comme si le pouvoir politique avait une quelconque influence sur la finance. Amis journalistes arretez svp de nous raconter des histoires, arrêtez de vous raconter des histoires vous voyez bien qu'elles ne tiennent pas la route une seconde.

à écrit le 28/07/2020 à 9:33
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Pour conserver les terrasses l'hiver, il va falloir que les restaurateurs installent des panneaux solaires, ils sont de plus en plus performants et de moins en moins chers.

à écrit le 28/07/2020 à 8:37
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de retour nos anciens prendait les écolos pour des extraterrestes

à écrit le 28/07/2020 à 2:32
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Je crois que le choix d'une façade végétalisée, est le pire choix qu'on puisse faire pour illustrer la transition écologique. A moins que ça ne soit un choix ironique, de la part du rédacteur de l'article ?

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