Faillite de FTX : ce que proposent les plateformes de cryptos pour rassurer leurs clients

Le nouveau patron de FTX reconnaît la gestion désastreuse de la plateforme de cryptos. Cette faillite pose à nouveau le problème de la réglementation de ce secteur, qui fait appel public à l'épargne. Les plateformes avancent des solutions, les régulateurs américains sont vent debout mais les acteurs seront-ils prêts à accepter les mêmes contraintes que celles imposées à la finance traditionnelle?
Maxime Heuze
Changpeng Zhao, le PDG de Binance, a appelé à plus de régulation au niveau mondial sur les plateformes d'échange de crypto. (Photo de CZ au sommet du G20 à Bali)
Changpeng Zhao, le PDG de Binance, a appelé à plus de régulation au niveau mondial sur les plateformes d'échange de crypto. (Photo de CZ au sommet du G20 à Bali) (Crédits : Reuters)

« Jamais dans ma carrière je n'ai vu un échec aussi complet des mécanismes de contrôle d'une entreprise et une absence aussi flagrante d'informations financières fiables » : le nouveau patron de FTX, John Ray III, n'a pas de mots assez durs, ce jeudi 17 novembre, pour qualifier la gestion de Sam Bankman-Fried, fondateur de la plateforme d'échange de cryptomonnaies, placée sous le régime de faillite depuis le 11 novembre.

C'est peu dire que les pratiques révélées peu à peu au sein de la galaxie de FTX laissent peu de place au doute sur les manquements les plus élémentaires de protection des déposants, sans exclure à ce stade une véritable fraude. Cette faillite retentissante, qui secoue l'ensemble du monde la cryptomonnaies, remet une fois de plus sur le tapis la question de la régulation de ce secteur émergent.

Aux Etats-Unis, le puissant patron de la SEC, le gendarme de la Bourse de New York, Gary Gensler a clairement appelé à davantage de régulation, aussitôt suivi par Janet Yellen, ex-présidente de la Fed et actuelle secrétaire au Trésor américain. Même Changpeng Zhao, le PDG star de la plateforme Binance, traditionnellement hostile à la réglementation, a concédé, en marge du G20 à Bali, avoir « besoin de certaines réglementations, nous avons besoin de faire cela correctement, nous avons besoin de le faire d'une manière stable. »

Épée de Damoclès

Il était temps car le pays d'origine de la crypto est totalement dépourvue ou presque de réglementation dans ce domaine. « Il n'existe pas d'équivalent à un agrément aux Etats-Unis. Juste une épée de Damoclès au-dessus des plateformes qui peuvent avoir peur de se faire rattraper par les régulateurs américains. Du coup, les plateformes font comme elles peuvent. Par exemple, Coinbase est entrée en bourse notamment pour jouer la carte de la transparence et la plateforme Kraken a obtenu la licence bancaire. FTX et bien d'autres ont choisi l'offshore », observe Alexandre Stachtchenko, co-fondateur de Blockchain Partner et directeur Blockchain et crypto chez KPMG.

« FTX est parti des Etats-Unis pour se domicilier aux Bahamas justement parce que Sam Bankman-Fried trouvait que le cadre américain était trop flou », rappelle, non sans ironie,  Claire Balva, consultante indépendante spécialiste des cryptos.

Paradoxalement, l'Europe semble avoir une longueur d'avance. Le projet de directive Market in Crypto Assets (MiCa), qui doit entrer en vigueur en 2024, prévoit l'obtention d'un agrément Virtual Assets Crypto Providers (Vasp), avec à la clé davantage de transparence sur les dépôts des clients. En France, la loi Pacte de 2019 a prévu un statut de Prestataire de service en actifs numériques (PSAN). Pour l'heure, il ne s'agit que d'un simple enregistrement pour veiller au risque de blanchiment d'argent, l'Autorité des marchés financiers (AMF), le régulateur compétent en France, tardant, semble-t-il, à mettre en place un agrément plus complet. Le statut actuel, dont dispose une cinquantaine de plateformes en France, ne dit donc rien sur les dépôts des clients.

Crise de confiance

En attendant, le monde de la crypto tente de juguler la crise de confiance qui pourrait être dévastatrice pour l'ensemble de l'écosystème. Nombre de plateformes ont décidé de publier des preuves de réserves... en cryptomonnaies. « Mais ces preuves ne sont pas suffisantes, elles ne montrent pas vraiment ce que font les plateformes des dépôts. Il faudrait mettre en face de ses preuves de réserve un document montrant les fonds déposés pour voir si ça colle vraiment », regrette Stanislas Barthelemi, consultant chez KPMG.

D'autres solutions pourraient aussi être envisagées. En tête de proue des acteurs qui proposent des solutions se trouve... Binance, décidément sur tous les fronts. Il avait mis en place, dès 2018, une sorte de police d'assurance sur les fonds de ses clients, le Secure Asset Fund for Users (SAFU). Ce fonds a d'ailleurs été renfloué de 215 millions de dollars le 9 novembre dernier pour atteindre 1 milliard de dollars, également en cryptomonnaies, 30 % en bitcoin et 70% en BNB, le jeton émis par Binance qui s'apparente donc beaucoup au FTT de FTX et qui a causé sa perte. C'est toute la question de la valeur des actifs mis en réserve dans le monde de la crypto.

Un fonds de sauvetage en cas de nouvelle faillite d'une plateforme

Le patron de Binance propose même la création d'un fonds de sauvetage pour l'industrie,  «afin d'aider les projets qui sont solides, mais qui se retrouvent dans une crise de liquidité ». Un mécanisme qui  n'est pas sans rappeler les systèmes de garantie des dépôts dans le système bancaire (garantie de 100.000 euros par client en cas de faillite d'une banque en zone euro).

L'idée de ce fonds reste cependant très vague, concentré sur un seul tweet. « C'est une solution à court terme pour aider les épargnants mais Changpeng Zhao se positionne comme un banquier central sans avoir la légitimité qui y incombe. Cela recentralise l'écosystème autour de Binance ce qui n'est pas forcément sain sur le long terme car cela accentue sa situation de monopole. Un monopole qui n'est jamais en faveur des consommateurs, et pourrait créer une crise systémique si Binance chutait », alerte Alexandre Stachtchenko.

Le principe le plus simple pourrait être de s'inspirer de la réglementation bancaire et financière. Mais il n'est pas certain que les acteurs de la cryptomonnaies soient réellement prêts à cette concession... majeure.

«Il ne faudrait pas non plus écraser l'innovation en mettant les mêmes contraintes aux petites plateformes et aux très grosses et anciennes qui pourraient davantage supporter une réglementation forte », prévient Nathalie Janson, économiste, spécialiste de la régulation bancaire. « Les plateformes pourraient s'exiler dans des paradis fiscaux pour ne pas avoir à suivre des règles qui seraient trop contraignantes », ajoute Alexandre Stachtchenko.

Maxime Heuze

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