
« Filet de sécurité », « fonds vert » ou encore « hausse de dotation globale de fonctionnement ». Pour le commun des mortels, ces expressions technocratiques ne veulent rien dire. Pour les élus locaux, elles renvoient aux mesures prises par le gouvernement et le Parlement en réponse à la crise énergétique. D'abord une enveloppe de 600 millions d'euros dans le budget 2022 rectificatif adopté cet été pour faire face à l'inflation, puis le déblocage de 1,5 milliard d'euros pour accélérer dans la transition écologique et enfin une rallonge de 110 millions d'euros supplémentaires en vue de la loi de finances 2023 en cours d'examen au Parlement. Des espèces sonnantes et trébuchantes censées combler des dépenses de fonctionnement qui explosent et relancer des investissements en dent de scie.
Après 2,3 milliards d'euros de prêts verts...
C'est dans ce contexte que la Banque postale et le groupe SFIL s'apprêtent à proposer un nouveau produit financier aux communes, aux intercommunalités, aux départements et aux régions. Selon nos informations, les deux leaders bancaires du secteur public local, qui revendiquent d'être le « premier prêteur » des collectivités avec 25% de parts de marché, vont commercialiser des prêts sociaux d'un montant minimum 300.000 euros, avec des dérogations à 150.000 euros.
Après avoir financé 650 projets pour un montant de 2,3 milliards d'euros dans la mobilité douce et les transports propres, la gestion de l'eau et de l'assainissement, la gestion et valorisation des déchets, la rénovation énergétique des bâtiments publics ou encore la production et le développement des énergies renouvelables, la Banque postale et le groupe SFIL veulent cette fois aider les édiles à financer l'action sanitaire, sociale et familiale, l'enseignement, la formation professionnelle, le sport, la culture, la vie associative, la cohésion des territoires ou encore les pompiers.
« La transition énergétique ne peut pas se faire sans la transition sociale », souligne à La Tribune le directeur général adjoint de la banque de financement et d'investissement de la Banque postale, Serge Bayard.
« Ce sont les deux jambes d'un même besoin : la volonté des collectivités d'investir de façon plus responsable », ajoute-t-il.
... « au moins un milliard d'euros de plus dans quelques années »
Banque publique de développement hybride entre société de droit privé et filiale à 99,9% de la Caisse des Dépôts, le groupe SFIL, créé en 2013, mobilise, lui, l'épargne internationale pour refinancer ces prêts à long terme.
« Sous l'effet double des prêts verts et des prêts sociaux, nous en serons à au moins un milliard d'euros de plus dans quelques années », calcule son directeur général, Philippe Mills.
Dans les deux cas, les prêts sont fléchés vers des projets précis, à la différence des emprunts traditionnels.
« Les prêts verts ont été un peu compliqués à se mettre en œuvre, car cela changeait l'état d'esprit des élus et surtout celui des services techniques qui devaient s'engager sur de critères et en rendre compte », se souvient Serge Bayard de la Banque postale.
« L'impact social sera évalué ex ante et a posteriori par des contrôleurs externes et indépendants, ne serait-ce que pour pouvoir rendre compte à nos investisseurs », précise Philippe Mills du groupe SFIL.
Un effet de levier dépendant de l'autofinancement et... des subventions
S'agissant de l'effet de levier, il variera selon les ressources de la collectivité territoriale concernée et les moyens co-investis par les autres parties prenantes.
« Il dépend de la partie d'autofinancement et de la partie subventions. Nous travaillons de manière très corrélée avec l'Etat, les régions, les départements pour nous assurer de la cohérence de l'ensemble », affirme Serge Bayard.
« L'effet de levier sera au niveau macroéconomique. Il devrait augmenter le volume des investissements à caractère social », appuie Philippe Mills.
Trop tôt pour parler de l'évolution des taux d'intérêt
Il est de même trop tôt pour parler de l'évolution des taux d'intérêt et de cette variable sur les choix locaux.
« Les taux d'intérêt ne déterminent pas la décision d'investir, c'est la volonté politique qui prime », assure Serge Bayard de la Banque postale.
« Les taux d'intérêt dépendront des conditions de marché à l'instant T », abonde Philippe Mills du groupe SFIL.
Ce dernier en sait quelque chose. Depuis près de dix ans, il finance déjà des hôpitaux publics : 25 millions d'euros pour le centre hospitalier universitaire (CHU) de Montpellier, 10 millions sur 52,5 pour le centre hospitalier de soins de longue durée du territoire de Belfort, 25 millions pour le centre hospitalier isarien (de l'Oise, Ndlr) ESPM et 110 millions pour le CHU de Rennes. Des opérations portées par la Banque postale et... la Banque des territoires, autre entité de la Caisse des Dépôts.
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