« Pas de hausse significative » des taux nécessaire, estime le nouveau patron de la Banque du Japon

Tokyo devrait maintenir une politique monétaire accommodante, malgré l'inflation record qui frappe le pays depuis plusieurs mois. En effet, le nouveau gouverneur de la Banque du Japon (BoJ) a estimé lundi que la situation ne justifiait pas de hausse significative des taux d'intérêt. A priori, celui-ci n'entend donc pas rompre pas avec la vision d'assouplissement de son prédécesseur, à rebours des autres banques centrales.
(Crédits : FLORENCE LO)

Alors qu'au Japon, l'inflation dépasse les 2% depuis avril dernier et a même atteint en janvier un nouveau record depuis 1981 (4,2% hors produits frais), la Banque du Japon (BoJ) est sur le qui-vive. Mais si l'on en croit les dernières déclaration de son nouveau gouverneur, Kazuo Ueda, il ne devrait pas y avoir pour autant de retournement de politique monétaire dans le pays.

En effet, celui-ci a estimé lundi que l'économie nippone ne se trouvait pas « dans une situation nécessitant une hausse significative des taux » d'intérêt, après dix ans de politique monétaire ultra-accommodante menée par son prédécesseur.

Haruhiko Kuroda, à qui il succède, a poursuivi sans relâche depuis 2013 l'assouplissement monétaire pour tenter de lutter contre la déflation dans le pays et d'atteindre son objectif d'une inflation stable à 2%.

« Si nous devions normaliser [cette politique], nous devrions le faire au moment opportun en évaluant si la situation est réellement stable et durable pour atteindre 2% », a noté Kazuo Ueda, 71 ans, lors de sa première prise de parole depuis son accession à la tête de la BoJ dimanche.

Et « s'il est difficile de le faire, nous explorerons alors un cadre plus durable pour l'assouplissement monétaire, tout en tenant compte des effets secondaires », a ajouté celui qui doit présider sa première réunion de politique monétaire les 27 et 28 avril prochains.

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Politique basée sur des taux bas

Certains analystes jugent que le contrôle de la courbe des rendements obligataires (« yield curve control » ou YCC), l'outil non conventionnel le plus controversé de la BoJ, est menacé à court terme. Mais « compte tenu de la situation économique, financière et des prix actuelle, nous pensons qu'il est approprié de poursuivre le YCC » pour le moment, a souligné M. Ueda.

Avant de quitter son poste à l'issue de deux mandats, son prédécesseur avait regretté vendredi de n'avoir pas pu atteindre son but d'une inflation de 2% « de manière durable et stable », tout en défendant son bilan. « Pendant 15 années, entre 1998 et 2002, le Japon a été confronté à la déflation », a-t-il rappelé, estimant que les « politiques d'assouplissement monétaire et qualificatif » qu'il avait mises en place se sont « avérées très efficaces pour soutenir l'économie et les prix ».

Chute du yen par rapport au dollar

Cette poussée étant venue notamment de la flambée des prix de l'énergie dans le sillage de la guerre en Ukraine, comme en Europe, la BoJ s'attend à un vif ralentissement de l'inflation dès cette année.

La résistance acharnée de Haruhiko Kuroda à la tendance mondiale des hausses de taux d'intérêt avait aussi eu pour effet de faire chuter le yen par rapport au dollar depuis un an, affaiblissant le pouvoir d'achat des ménages et renchérissant les importations.

Fin décembre, la Banque du Japon avait néanmoins assoupli son contrôle des obligations publiques japonaises, passant d'un taux des dettes de l'Etat japonais plafonné à 0,25% à une fluctuation entre -0,5% et +0,5%. Une décision qui avait propulsé le Yen de plus de 3%, signifiant que les marchés prenaient cette décision de la BoJ pour un début de resserrement de sa politique monétaire. Mais d'après l'institution japonaise, ce desserrement des taux obligataires (qui constituait le premier ajustement de la politique de la BoJ depuis mars 2021) visait simplement à améliorer le fonctionnement du marché et faciliter la « transmission » de sa politique monétaire accommodante et à mieux l'inscrire dans la durée.

Une politique monétaire à rebours des autres banques centrales

Il faut dire que la Banque du Japon fait figure d'exception dans le paysage des grandes banques centrales. Il s'agit, en effet, de la « seule banque centrale majeure à avoir maintenu en 2022 ses taux directeurs à un niveau négatif », selon Guillaume Dejean, analyste chez Western Union.

L'institution monétaire a poursuivi une politique accommodante claire depuis la reprise post pandémie de Covid-19 : un taux négatif de 0,1% sur les dépôts que les banques font auprès d'elle (pour les inciter à prêter davantage) et des achats illimités d'obligations publiques japonaises pour plafonner leurs rendements à dix ans à 0,25%.

Ses consœurs ont, quant à elles, significativement durci leurs politiques monétaires tout au long de l'année pour combattre l'inflation provoquée à la fois par la reprise économique post Covid et l'explosion des prix de l'énergie avec la guerre en Ukraine. La Banque centrale européenne a relevé les taux directeurs de 250 points de base depuis juillet pour lutter contre une inflation qui a atteint 10% sur un an, en novembre, et la Réserve fédérale américaine a passé ses taux de 0% à 4,25 et 4,5% en quelques mois, dans la même optique de combattre la hausse des prix qui a atteint 7,5% en novembre.

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