L'entreprise stratégique Aubert & Duval mise en vente par Eramet, Safran intéressé

Selon des sources concordantes, Aubert & Duval, un des leaders mondiaux des aciers à haute performance et des superalliages, est mis en vente par le groupe minier et métallurgique mondial, Eramet. Safran se montre intéressé par cette entreprise stratégique pour l'aéronautique, la défense et l'énergie.
Michel Cabirol
Aubert & Duval se positionne comme un métallurgiste spécialiste des matériaux métalliques les plus exigeants - aciers à hautes performances, superalliages, titane et aluminium - destinés à des applications industrielles de pointe, notamment dans les secteurs de l'aéronautique et du spatial, de l'énergie et de la défense.
Aubert & Duval se positionne comme un métallurgiste spécialiste des matériaux métalliques les plus exigeants - aciers à hautes performances, superalliages, titane et aluminium - destinés à des applications industrielles de pointe, notamment dans les secteurs de l'aéronautique et du spatial, de l'énergie et de la défense. (Crédits : Aubert & Duval)

Article modifié le 22 juin à 13h10 (rajout du communiqué d'Eramet)

Après Photonis et CNIM, un nouveau dossier stratégique va beaucoup occuper les ministères de l'Économie et des Armées dans les semaines qui viennent. Selon des sources concordantes, Aubert & Duval, un des leaders mondiaux des aciers à haute performance, des superalliages et du titane, actuellement en grande difficulté, est mis en vente par le groupe minier et métallurgique mondial, Eramet. Lui même traverse une période difficile. La banque Rothschild a été mandatée par le groupe minier pour mener le process de vente, qui se fera sous la surveillance de l'État français, et plus particulièrement de la Direction générale de l'entreprise (Bercy). Contacté par La Tribune, Eramet ne commente pas l'information.

"Une revue stratégique détaillée a été initiée par le groupe relative à sa filiale A&D (Aubert & Duval, ndlr), dans laquelle toutes les options sont envisagées, a expliqué Eramet dans un communiqué publié lundi matin à la suite des informations de La Tribune. Le groupe communiquera en temps utiles dans le respect de la règlementation applicable".

"La question des aciers spéciaux est stratégique pour la France. Et ils ne le sont pas seulement pour la filière aéronautique", explique-t-on à La Tribune. Aubert & Duval se positionne comme un métallurgiste spécialiste des matériaux métalliques les plus exigeants - aciers à hautes performances, superalliages, titane et aluminium - destinés à des applications industrielles de pointe, notamment dans les secteurs de l'aéronautique et du spatial, de l'énergie et de la défense. Parmi ses innovations les plus récentes, la filiale d'Eramet a développé, en collaboration avec Safran Aircraft Engines, une nouvelle nuance d'alliage, le ML340™ destiné aux arbres de moteurs d'avions.

Safran intéressé

Dans ce contexte, Safran se montre intéressé par le dossier Aubert & Duval, qui a réalisé 642 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019 (contre 796 millions en 2018) et employait 4.141 salariés fin 2019 sur 14 sites, dont 12 basés en France. Preuve de son intérêt, l'équipementier, qui reste prudent, a de son côté mandaté Jérôme Calvet, qui dirige la filiale française de la holding financière japonaise Nomura. "Safran a plutôt envie d'être l'entreprise qui consolide" cette filière stratégique, précise-t-on à La Tribune. D'autant que les moteurs (civils et militaires) de Safran sont fabriqués avec les aciers d'Aubert & Duval, qui réalise 75% de son chiffre d'affaires dans l'aéronautique et 11% dans l'énergie et la défense. Pour autant, la banque Rothschild a également contacté d'autres acheteurs éventuels, notamment des fonds, pour faire monter les enchères.

Pour Safran, acquérir Aubert & Duval, "c'est garder sa capacité à produire des réacteurs de façon indépendante", fait-on observer. En outre, le groupe dirigé par Philippe Petitcolin continuerait à vendre à l'ensemble de l'industrie aéronautique, qui se fournit chez Aubert & Duval. En tant qu'industriel de confiance, l'équipementier serait donc l'acquéreur idéal pour l'État français.

Dans la défense, le producteur d'aciers spéciaux (filiale à 100% d'Eramet) fabrique pour le compte de Naval Group des pièces de grand volume pour les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), et pour l'armement terrestre des ébauches de tubes de canon. En outre, les réacteurs du futur avion de combat européen (SCAF) seront équipés des aciers à hautes performances d'Aubert & Duval, qui sont donc éminemment stratégiques pour la défense. Dès lors, difficile de voir le métallurgiste tricolore passer sous contrôle étranger... Récemment, l'entreprise a d'ailleurs développé un nouvel acier de haute performance ARMAD® dédié au marché de la défense.

La très mauvaise passe d'Aubert & Duval

Aubert & Duval a cumulé en très peu de temps deux crises majeures : des problèmes de non qualité détectés en 2018, puis la crise du Covid-19 avec un arrêt brutal et violent du transport aérien, qui se répercute sur les livraisons et les commandes de la filière aéronautique. Aubert & Duval a également dû subir l'arrêt de production de l'Airbus A380 et les énormes difficultés rencontrées par Boeing sur le 737 MAX. Des déboires qui ont été compensés par l'augmentation des commandes pour les pièces du moteur LEAP (Airbus A320) ainsi que la production du nouveau programme 777X de Boeing.

En 2018, à, la suite d'une revue des processus qualité, la division Alliages Haute Performance d'Eramet a constaté des non conformités dans le système de management de la qualité chez Aubert & Duval. Le groupe minier a informé en décembre 2018 le marché de la découverte de ces pratiques. Le groupe a mis en place un plan d'actions correctives ainsi que des procédures de vérification et d'analyse des produits en étroite collaboration avec les clients concernés. Des actions correctives ont également été prises pour atteindre des niveaux de qualité et de fiabilité en adéquation avec les attentes de ses clients et les exigences des normes de leurs secteurs d'activités.

Dans ce contexte, une provision de 65 millions d'euros a été comptabilisée fin 2018, afin de prendre en compte l'estimation du coût du traitement de cette revue approfondie des processus qualité. Mais elle a été revue à la hausse à 80 millions d'euros à fin 2019, dont 31 millions d'euros décaissés sur la même année. Résultat, le chiffre d'affaires d'Aubert & Duval a plongé de plus de 19 % à 642 millions d'euros, avec un EBITDA à l'équilibre (contre 36 millions d'euros en 2018). Les problèmes de non qualité ont très fortement pénalisé la performance d'Aubert & Duval en 2019 : impact négatif de 49 millions d'euros sur l'EBITDA et de 160 millions d'euros sur le free cash-flow, dont une augmentation de 80 millions d'euros du niveau de stock d'en-cours.

Que fait Aubert & Duval ?

Aubert & Duval, qui élabore depuis plus de 100 ans des solutions métallurgiques, est un leader mondial des aciers à haute performance, des superalliages et du titane mais également un leader mondial des pièces matricées de grande dimension et le deuxième producteur mondial de pièces matricées à forte puissance en titane, acier, superalliages et en aluminium. L'entreprise accompagne les projets des industries les plus exigeantes en leur fournissant des produits longs, des pièces forgées, des pièces matricées, des poudres pour fabrication additive.

S'agissant des pièces matricées, Aubert & Duval produit des pièces à forte puissance pour les structures aéronautiques et spatiales, les trains d'atterrissage, les moteurs d'avions et les turbines terrestres. Il est l'un des seuls producteurs à matricer les quatre types de matériaux : aciers, superalliages, alliages d'aluminium et de titane. Sur les pièces forgées, le métallurgiste, un des leaders européens des produits forgés pour les applications critiques de la défense et de l'énergie nucléaire, produit des aciers spéciaux, en alliage de titane ou en superalliages, qui sont destinés aux applications les plus exigeantes.

Aubert & Duval produit des produits longs comme des barres, des tôles et des fils en acier à haute performance, des alliages ou superalliages base nickel, qui sont destinés à être transformés ou usinés. L'entreprise fournit des applications critiques à toute l'industrie aéronautique, médicale, de défense, nucléaire ainsi qu'aux outillages à chaud et aux sports mécaniques. Elle produit également des poudres compactées sous forme de demi-produits pour matriçage de disques de turbines aéronautiques. En outre, Aubert & Duval fournit des poudres métalliques (superalliages, aciers spéciaux) pour la fabrication additive, notamment pour l'aéronautique.

Michel Cabirol

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Commentaires 6
à écrit le 02/09/2020 à 10:14
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bonjour je voudrais acheter votre revue de lundi comment faire louis

à écrit le 26/06/2020 à 1:37
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ce n'est pas une marque de chauffe-eau ?

à écrit le 23/06/2020 à 19:08
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Et encore un fleuron français qui va se faire racheter par un étranger, probablement chinois ou indien !! Bel effort d'Eramet, qui est devenue l'entreprise qu'elle est grâce aux efforts et impôts des français. Bel exemple aussi de souveraineté nati...

à écrit le 22/06/2020 à 10:58
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C'est stratégique ? On nationalise!

à écrit le 22/06/2020 à 9:51
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Et pk ces entreprices en France sont tjrs en dificultees.Parce que votre systeme sociale est inefective et en consequence de ca vos impots sont lourdes pour les entreprises je suis sur que les chinois ou les americains vont l'acheter.En plus votre ec...

le 23/06/2020 à 16:44
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Mais bien sûr, c'est pour cela que la France est le 6eme pays exportateur mondial devancé seulement par des pays avec une population largement supérieure. La situation des aciéristes est difficile dans toute l'Europe et aussi aux usa à cause de la co...

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