La loi de programmation militaire passe le cap turbulent de l'Assemblée nationale

En première lecture, l'Assemblée nationale a voté mercredi en faveur du projet de loi ce programmation militaire, qui prévoit d'allouer 400 milliards de crédits budgétaires aux armées (+ 13 milliards de recettes extra-budgétaires). Il a été adopté à une large majorité (408 pour sur 495 suffrages exprimés, 87 contre).
Michel Cabirol
Avec l'adoption en première lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi de programmation militaire, c'est une victoire pour Sébastien Lecornu, qui a confirmé tout son sens politique où il excelle
Avec l'adoption en première lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi de programmation militaire, c'est une victoire pour Sébastien Lecornu, qui a confirmé tout son sens politique où il excelle (Crédits : Michele Tantussi)

Un marathon à l'Assemblée nationale couru sur un rythme de sprint. C'était la gageure du ministre des Armées Sébastien Lecornu dont l'objectif est d'obtenir un vote de la loi de programmation militaire (LPM) avant le 14 juillet. L'Assemblée nationale a largement adopté en première lecture le principe d'une enveloppe de 413 milliards d'euros couvrant la période 2024-2030 destinée à financer les armées dans un contexte de crises internationales aiguës. Une enveloppe très érodée par le coût de l'inflation, qui va faire perdre aux armées entre 30 et 35 milliards d'euros. Après un vote confortable - 408 voix contre 87, avec le soutien de LR et du RN - le ministre des Armées a salué sur Twitter les « 90 heures de débats sereins, constructifs et à la hauteur des enjeux ». C'est une victoire pour Sébastien Lecornu, qui a confirmé lors des débats en commission de la défense puis en séance plénière tout son sens politique où il excelle.

Le ministre va devoir jouer une nouvelle partition au Sénat, qui souhaite attaquer le projet de loi sur plusieurs fronts. « Si l'effort est salué, des impasses sont révélées, des arbitrages sont questionnés, des choix sont contestés, ce qui annonce des débats denses », a souligné mardi dans un communiqué la Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat. La commission a terminé mercredi ses travaux préparatoires à l'examen du projet de LPM adopté par l'Assemblée nationale. Deux nouveaux rapports d'information, en droite ligne de la posture de combat du Sénat, seront soumis à la discussion : Olivier Cigolotti et Michelle Gréaume présenteront « Les impensés de la LPM : préparation opérationnelle, disponibilité des équipements et évolutions du soutien » ; Cédric Perrin et Hélène Conway-Mouret présenteront « Une LPM qui laisse de nombreux enjeux capacitaires en suspens ».

La gauche divisée

Pour l'heure, Sébastien Lecornu peut savourer cette première victoire. Il a même réussi à séduire les LFI. C'est dire... mais pas au point d'obtenir un vote favorable pour son projet de LPM. Aurélien Saintoul a tenu lors de l'explication des votes des groupes politiques à remercier le ministre des Armées« dont la façon d'agir contraste si nettement avec la brutalité et l'antiparlementarisme ordinaires du gouvernement. Il a créé les conditions d'un débat digne et argumenté, qui nous permet de prendre acte des convergences comme des désaccords, sans procès d'intention ni remarques infamantes. Ces désaccords sont les biens les plus précieux de la démocratie : ils en sont la fin et le moyen ».

Tout comme LFI, le parti communiste a voté contre. « Nous ne retrouvons pas dans votre modèle d'armée qui découle d'une stratégie militaire toujours au service de l'Otan et de la politique étrangère des Etats-Unis », a lancé Fabien Roussel (PCF), opposé à la construction d'un nouveau porte-avion et aux nouveaux investissements dans la dissuasion. En revanche, socialistes et écologistes se sont abstenus. Pour le PS, Mélanie Thomin a déploré des manques dans la revalorisation des militaires. « Pourquoi cette LPM reporte son effort financier massif après 2027 ? », a-t-elle interrogé. C'est l'un des principaux griefs des oppositions : pour arriver à 69 milliards de budget annuel en 2030, l'exécutif a prévu une progression par marches, qui ne passe pas : +3,1 milliards en 2024, puis 3 milliards supplémentaires par an de 2025 à 2027, et 4,3 milliards de plus par an à partir de 2028, soit après la fin du quinquennat Macron.

Les Républicains vote le texte

Sébastien Lecornu avait un objectif très précis durant ces débats, convaincre Les Républicains de voter son projet. Car certains députés LR étaient tentés de sanctionner un texte jugé trop peu ambitieux. Mais Jean-Louis Thiériot, tout au long des débats, a réussi à maintenir une ligne oscillant entre ambitions déçues et soutenabilité financière de la LPM. Il résume ainsi cette position inconfortable mais raisonnable : « Au début de la discussion générale, j'avais indiqué que cette LPM n'était pas historique, mais qu'elle était raisonnable. Aujourd'hui, elle est plus raisonnable encore. Une loi historique aurait permis de retrouver le niveau de financement de la guerre froide, 3 % du PIB, alors que nous n'atteindrons que 2 %. M. Poutine est certainement aussi dangereux que M. Brejnev ».

« Mais nous savons l'état de nos finances publiques. 413 milliards ce n'est déjà pas si mal », a-t-il concédé.

Pour aider Jean-Louis Thiériot dans ce jeu d'équilibriste, Sébastien Lecornu a accepté de nombreux amendement des LR. « Durant ces débats, nous avons obtenu beaucoup, a confirmé le député de Seine-et-Marne. Monsieur le Ministre, vous nous avez écouté et vous avez donné un avis favorable à une vingtaine de nos amendements, avec un respect qui pourrait servir de modèle à d'autres textes en ces temps de majorité relative ». Pour autant, il a averti le ministre que ce vote en faveur du projet de LPM « n'est pas un chèque en blanc ». Il a notamment regretté que Sébastien Lecornu n'ait « pas accepté de faire évoluer les marches ».

Enfin, le RN, un temps tenté de voter contre, a finalement soutenu le texte de Sébastien Lecornu.  Le groupe de Marine Le Pen a lui aussi remercié le ministre, qui a « su travailler avec l'ensemble des groupes de cette assemblée ». Pour le Rassemblement national, c'était l'heure du choix : « voter cette LPM ou ne pas la voter ? Pour trancher cette question, nous nous sommes demandé si elle était compatible ou non avec le projet de Marine Le Pen pour 2027 ». C'est apparemment le cas...

Michel Cabirol

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Commentaires 5
à écrit le 08/06/2023 à 20:33
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Ils sont complètement perdu ! Ils ne savent plus à qui se fier ! Ils n'ont aucun programme pour l'avenir.. qui voudrait s'engager pour offrir sa vie pour la Nation ? Je l'étais, je ne le suis plus !

à écrit le 08/06/2023 à 19:14
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Bonjour, avant toute chose le principal problème se sont les effectifs... difficultés de recrutement, faible taux de fidèlisation, ect.... Bien sur, ils ne faut pas le dire... Mais passer a une armee professionnels n'est pas vraiment une réussit...

le 09/06/2023 à 19:00
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Bonjour, pour le recrutement, l'ons trouve beaucoup de volontaires pour être officiers, beaucoup moins pour être sous officiers, et pour être soldats ons prends se qui passe... Voila un constat assez realiste du recrutement... ensuite ils est p...

à écrit le 08/06/2023 à 9:23
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Ce matin mon quotidien pointe que ce programme c'est : moins de chars, moins de frégates et moins de rafales.. Il ne parle pas des militaires pour servir ce bazar pourtant élément clé.

le 08/06/2023 à 17:13
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Quel quotidien ? la pravda ?

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