Derrière l'affaire Bettencourt se joue l'avenir de L'Oréal

Au-delà de la nature très politique de l'affaire Bettencourt et de ses révélations en cascade, le différend entre l'héritière d'Eugène Schueller et sa fille Françoise Bettencourt-Meyers pose la question de l'avenir de L'Oréal. Béatrice Collin, professeur de stratégie et management international à l'ESCP Europe, a écrit un ouvrage intitulé "Le modèle L'Oréal" paru aux Editions Pearson. Elle répond à nos questions.

Quelles peuvent être, selon-vous, les conséquences pour l'avenir de L'Oréal du grand déballage médiatique auquel on assiste en ce moment ?

Les relations entre L'Oréal et la classe politique ne sont pas nouvelles. Pour les hommes politiques, il s'agit d'un symbole de l'industrie française et ils ne souhaitent pas que ce fleuron passe sous le contrôle d'un groupe étranger. Par ailleurs, André Bettencourt était ministre du général de Gaulle. Et les familles Bettencourt et Pompidou étaient très liées. Mais derrière les dimensions politiques et parfois sordides de l'affaire Bettencourt, la question qui se pose est "qui contrôlera L'Oréal en 2014 ?". Rappelons d'abord qu'en vertu de l'accord signé en 2004, les deux actionnaires de référence de L'Oréal, la famille Bettencourt et Nestlé, se partagent respectivement 27,5% et 26,4% du capital avec un droit mutuel de préemption sur leurs participations qui prend fin en 2014. Or, Liliane Bettencourt n'est que l'usufruitière des titres dont elle légué la nue-propriété à sa fille. Or on ignore aujourd'hui, quelles sont les intentions de cette dernière. Si sa mère est déclarée incapable de gérer seule sa fortune, 2014 ne sera plus la date butoir. Le processus peut s'accélérer.

Et quel est le scénario le plus probable ?

Tout dépend de Françoise Bettencourt-Meyers et son mari qui sont au conseil d'administration de L'Oreal. Ils peuvent tout faire basculer. Voudront-ils vendre leurs actions ? Refuseront-ils de céder L'Oréal à un groupe étranger ? Cela fait des années que l'on pense que Nestlé est en embuscade mais il ne semble pas aujourd'hui intéressé par une prise de contrôle. Ce scénario est peu compatible avec la stratégie de recentrage sur l'agro-alimentaire du groupe suisse. On peut donc imaginer que L'Oréal intéresse un autre géant des cosmétiques.

Vous excluez LVMH ?

Oui. Je penche plutôt pour un américain comme Estée Lauder ou l'allemand Beiersdorf qui en a indéniablement les moyens financiers. L'autre possibilité, c'est que L'Oréal rachète une partie des actions de la famille Bettencourt.

Quel serait, à vos yeux, le scénario le plus souhaitable pour L'Oréal ?

Le scénario qui lui permettrait à la fois d'évoluer tout en conservant son autonomie ce serait vraisemblablement d'entrer dans le giron de Nestlé. Le groupe suisse n'a aucune raison de conserver après 2014 une participation minoritaire. Si Nestlé la vend ou en cède une partie, L'Oréal sera bien moins protégé contre une OPA. Mieux vaut donc que Nestlé en prenne le contrôle et fasse de L'Oréal une division autonome. D'autant que je ne suis pas persuadée de la viabilité à long terme du modèle d'un L'Oréal qui resterait totalement indépendant.

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