Intelligence collective : la Bourgogne-Franche-Comté initie un projet sur la qualité de l’eau baptisé « l’Eau d’Ici »

Alors que le ministre de la Transition écologique annonçait, chez nos confrères du « Parisien », son plan national « anti-sécheresse » pour préserver les ressources en eau, mardi dernier, à Belfort, l’État signait une charte aux côtés des acteurs locaux pour trouver des solutions émanant du terrain.
Les signataires de la charte « L'Eau d'ici ».
Les signataires de la charte « L'Eau d'ici ». (Crédits : AMANDINE IBLED)

La Commission européenne a mis en demeure la France pour non-respect de la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine sur le paramètre des nitrates.

La 2e des régions les plus exposées au risque de pollution de l'eau

Sur les 213 unités de distribution d'eau potable mentionnées dans l'arrêté, 41 sont situées en Bourgogne-Franche-Comté (30 en Côte d'Or et 11 dans l'Yonne). Ce qui place la région en... deuxième position des régions de France les plus exposées au risque de pollution de l'eau, avec 136 captages classés « prioritaires ».

« En 2020, 9% de la population a été alimentée par une eau avec dépassements de la norme pesticide », déclare Patrick Holbein, responsable du service eau potable à la Communauté de commune du Sud Territoire (CCST).

Malgré des premières actions engagées, telle que la diminution des intrants de 32% en 4 ans, au travers du troisième plan régional santé environnement adopté en juillet 2017, le « PRSE 3 » (un programme d'actions pour la période 2017- 2021, en faveur d'un environnement favorable à la santé des habitants de Bourgogne-Franche-Comté), fort est de constater que ces mesures ne sont toujours pas suffisantes pour améliorer la qualité de l'eau.

À la reconquête de la ressource en eau

C'est dans ce cadre que les services de l'État ont proposé aux élus et aux acteurs du territoire d'agir en faveur de la reconquête de la ressource en eau par leur engagement dans l'Action 54 du PRSE 3, renommée « L'Eau d'ici ».

« Jusqu'à présent, les mesures prises par l'État pour améliorer la qualité de l'eau en imposant des normes contraignantes, sans forcément consulter toutes les parties prenantes sont insuffisantes », constate Raphaël Sodini, préfet du Territoire de Belfort.

C'est pourquoi le projet « L'Eau d'Ici » fait sens.

« Nous avons proposé cette idée pionnière d'initier un travail en intelligence collective, cette fois, avec les acteurs locaux, en particulier les agriculteurs, afin que les solutions viennent du terrain directement. Elles ne pourront ensuite que mieux être acceptées », poursuit Christian Rayot, président de la Communauté de communes du Sud Territoire, qui porte le projet depuis le départ.

Cette démarche a été menée auprès d'une quinzaine d'acteurs (agriculteurs, élus, associations...), entre mai et juin 2022, sur la Communauté de communes du Sud Territoire. Une série d'entretiens ainsi que trois ateliers ont été mis en place afin que les participants identifient, à l'échelle de leur territoire, les difficultés rencontrées et les leviers d'actions à mettre en place pour améliorer la qualité de l'eau. Ces derniers ont écrit une feuille de route regroupant l'ensemble des propositions émises et les actions à mettre en place, réparties en 5 axes prioritaires : économique, écologique, suivi et accompagnement, innovation technique, sensibilisation et formation.

Parmi ces actions : la restauration des haies qui contribuent à la préservation de la qualité de l'eau en jouant un rôle tampon vis-à vis des cours d'eaux, ou encore la sensibilisation des agriculteurs aux mécanismes naturels de régénération des sols - réduction de la mécanisation, valorisation des mécanismes de biodiversité, diversification des cultures...

GAEC du Mont à Saint-Dizier-l’Évêque

Les agriculteurs : acteurs majeurs de la démarche

Dans son interview, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, appelait aussi les agriculteurs à la sobriété, sans évoquer de restrictions les concernant :

« Il n'y a pas d'agriculture sans eau et il serait hypocrite de fixer trop de restrictions à l'agriculture française », assure-t-il.

D'où l'intérêt de travailler en intelligence collective avec les agriculteurs qui connaissent leurs terres et, pour certains, innovent déjà en trouvant des solutions à leur échelle. Une quinzaine se sont déjà engagés dans la démarche, comme Hubert Moinat, co-gérant du GAEC du Mont à Saint-Dizier-l'Évêque, sur une exploitation de 370 hectares, en polyculture élevage.

« Ce projet est intéressant car nous avons besoin d'appuis techniques. L'Inrae fait partie des partenaires qui peuvent nous aider à évoluer sur nos méthodes », confie ce dernier.

De nouvelles méthodes qui demandent « beaucoup de technicité et d'investissements »

Toutefois, l'agriculteur reste prudent et avance étape par étape :

« La mise en place de nouvelles méthodes demande beaucoup de technicité et d'investissements. En parallèle, il ne faut pas oublier que nous devons garder un équilibre économique sur l'exploitation pour rembourser nos emprunts. »

Pour commencer, cette année, Hubert Moinat envisage de tester une partie de son exploitation avec la désherbineuse pour s'affranchir du pulvérisateur. C'est un outil capable de combiner désherbage mécanique et protection chimique des cultures.

Pour l'instant, deux collectivités pilotes, la Communauté de communes Sud Territoire et l'Espace Communautaire Lons Agglomération, expérimentent ce dispositif « L'Eau d'ici » avec l'ambition, pour les services de l'État, de servir de modèles à d'autres collectivités, voire de s'étendre aux autres régions de l'hexagone.

Onze actions prioritaires ont été définies et un planning en deux grandes étapes pour les mettre en œuvre : en 2025, puis 2030 pour les actions les plus complexes.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.