Alliance Renault-Nissan : une trajectoire à deux vitesses

Renault a annoncé aujourd'hui une hausse de ses ventes au premier trimestre de 2,6% par rapport au premier trimestre 2023 et confirme ses objectifs financiers pour l'année. Des résultats qui contrastent avec ceux de son allié, Nissan, qui a revu à la baisse la semaine dernière ses prévisions de bénéfices et de ventes pour 2024. Explications.
Ce dernier mois, le titre de Renault a grimpé de 5,5% quand celui de Nissan a perdu 12,5%.
Ce dernier mois, le titre de Renault a grimpé de 5,5% quand celui de Nissan a perdu 12,5%. (Crédits : Christian Hartmann)

En fin de semaine dernière, à la surprise générale, Nissan annonçait une révision à la baisse de ses prévisions de bénéfices et de ventes pour son exercice 2023/24 dont les résultats définitifs sont attendus début mai. Le groupe japonais prévoit désormais un bénéfice net annuel de 370 milliards de yens (environ 2,25 milliards d'euros au cours actuel) sur l'exercice clôturé au 31 mars, contre 390 milliards de yens prévu précédemment. Les ventes du groupe sur les trois premiers trimestres ont atteint 3,44 millions de véhicules, soit moins que son dernier objectif en la matière (3,55 millions d'unités), qu'il avait pourtant déjà abaissé début février.

Ces résultats contrastent avec ceux de son allié, Renault, publiés ce matin. Le groupe voit son chiffre d'affaires augmenter de 1,8% au premier trimestre 2024, en hausse par rapport aux prévisions de 18 analystes qui anticipaient une légère baisse du chiffre d'affaires (-0,1%) à 11,486 milliards, selon la médiane de leurs estimations. Les ventes ont continué de progresser (+2,6%) ces trois premiers mois, alors que Renault attend le lancement de ses grandes nouveautés dès le deuxième trimestre 2024, comme les R5 et Scenic électriques, la Dacia Spring et une petite Alpine électrique, pour décoller. Surtout, Renault confirme ses objectifs financiers d'atteindre une marge opérationnelle égale ou supérieure à 7,5% et de dégager un free cash flow d'au-moins 2,5 milliards d'euros.

Preuve de cette trajectoire à deux vitesses, Renault a vu son titre grimper en Bourse de 43,4% sur un an, contre 13,5% pour Nissan. Ce dernier mois, le décrochage du constructeur japonais est même plus marqué : +4,1% chez Renault, -12,4% chez Nissan.

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Le fantôme de Carlos Ghosn

Une dynamique qui contraste avec le passif entre les deux constructeurs. « Pendant longtemps, Nissan a été la bouée de sauvetage de Renault. La capitalisation boursière  du constructeur français était même inférieure à sa participation dans Nissan », explique Philippe Houchois, analyste chez Jefferies. Une participation qui a été modifiée depuis, puisque Renault et Nissan ont décidé de réorganiser leur Alliance en janvier 2023 et lançaient officiellement leur premier projet commun en Inde il y a moins d'un mois.

Renault, qui détenait 40% du capital de Nissan, est finalement tombé à 15%, au même niveau que le groupe nippon. Une bonne nouvelle pour les financiers, qui voyaient là un apaisement des tensions qui bloquaient les deux constructeurs depuis des années. Car si l'Alliance a atteint des niveaux de ventes historiques en 2017, dépassant Toyota, Volkswagen ou encore General Motors, elle a connu une rupture lors de l'arrestation de son patron Carlos Ghosn en 2018.

Le dirigeant a pris des décisions dont Nissan doit se défaire aujourd'hui. Une tâche difficile, au vu des multiples rebondissements dans la gouvernance. En juin dernier, le numéro deux du groupe japonais, Ashwani Gupta, se faisait évincer, car trop réfractaire à l'idée d'une refonte de l'Alliance avec Renault. A l'origine, le responsable faisait partie d'un triumvirat formé par un nouveau directeur général japonais, Makoto Uchida, et Jun Seki, directeur opérationnel adjoint. Un attelage compliqué qui avait volé en éclats quelques semaines plus tard avec le départ de Jun Seki, mécontent de sa fonction subalterne. Un tandem Uchida-Gupta s'était ainsi imposé. Désormais, Makoto Uchida dirige seul une entreprise qui n'avait pas d'objectifs très clairs.

À la peine en Chine et aux Etats-Unis

À commencer sa stratégie de vente à l'international, en particulier la Chine. « C'était un pays où le constructeur faisait 15% à 16% de marge », explique Philippe Houchois. Mais la Chine a pris un virage à 180 degrés ces dernières années, renforçant sa dominance sur l'électrique et misant sur ses propres entreprises. Résultat : Nissan a vu ses ventes chuter de 24,1% dans ce pays en 2023 en volume (-16,1% à périmètre constant).

« Il faut faire le deuil du marché chinois et redimensionner à la baisse pour espérer rester dans le pays », conseille Philippe Houchois.

L'autre marché à la peine du constructeur japonais reste les Etats-Unis, où il a raté la vague des véhicules hybrides (sa technologie "e-Power" dans ce domaine n'a pas encore été déployée dans cette zone), ce qui a freiné la croissance de ses ventes dans cette région.

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À l'inverse, Renault a fait le choix depuis quelques années de se recentrer sur l'Europe avec des SUV aux plus fortes marges. Le constructeur français a également affiché une position très claire sur l'électrique avec, à la clé, la création de l'entreprise baptisée Ampere en novembre dernier.

Vers la fin de l'Alliance ?

En réaction à cette baisse des ventes, Makoto Uchida a ainsi dévoilé son plan stratégique pour 2030 nommé « The Arc » fin mars. « D'ici la fin de l'exercice 2026, Nissan vise 1 million de ventes supplémentaires (par rapport à l'exercice 2023) et une marge opérationnelle supérieure à 6 % », indique le communiqué du groupe. Nissan annonce aussi une parité de coût entre véhicules électriques et thermiques à horizon 2030 et le lancement de 16 véhicules électriques sur les 30 prévus pour 2026.

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Pour accélérer dans l'électrique, Nissan a même annoncé en mars dernier un partenariat avec son concurrent de toujours, le constructeur japonais Honda. L'objectif : collaborer sur la production de composants clés pour les véhicules électriques (comme les batteries, par exemple) et les plates-formes logicielles automobiles.

Une décision qui a interrogé, alors même que Renault, par le biais d'Ampere, - dans laquelle Nissan compte investir jusqu'à 600 millions d'euros - compte développer ces mêmes activités. « Pour Renault, cela peut être positif comme négatif, tout dépendra de la valorisation de l'action Nissan à la suite de cette annonce », confie un analyste du secteur. De quoi imaginer la fin de l'Alliance à terme ? « C'est envisageable », estime Philippe Houchois.

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Commentaires 6
à écrit le 23/04/2024 à 19:44
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Renault doit acheter totalement Nissan et Mitzubishi sinon Renault doit les laisser en falité et apres doit les acheter

à écrit le 23/04/2024 à 9:17
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Il faut relancer l'alliance Renault NIssan pour une grand groupe mondial avec Dacia, de très bonnes voitures fiables et robustes. Renault depuis longtemps sait faire des voitures et le retour de la R5 electrique montre que le monde et que la France i...

à écrit le 23/04/2024 à 9:08
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ça fait peut-être 20 ans que les médias français nous rabâchent que la relation Renault-Nissan ne fonctionne pas et va s'arrêter, et elle est toujours là. Dans le genre tropisme ringard, et Dieu sait s'il y en a chez nous les franchouillards nourris...

le 23/04/2024 à 11:21
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Vous n’avez pas tort !!! La franchouillardise qui dénigre tout ce qui est français pour essayer de placer au dessus sa nullité abyssale, m’exaspère !!!

à écrit le 23/04/2024 à 8:45
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Ce que l'on ne sait pas en France, c'est que Nissan traine une sale réputation de manque de fiabilité aux US , marché très important pour eux. En fait le divorce d avec Renault n'est peut être pas si mauvais pour Renault qui gère ses affaires plutot ...

à écrit le 23/04/2024 à 8:24
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Deux visions en effet différentes tandis que les investisseurs européens cherchent à augmenter seulement leurs marges bénéficiaires les constructeurs japonais eux tentent de rester les meilleurs. Je paris sur les japonais ! ^^

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