Honda-Nissan : trois questions sur un rapprochement historique

Nissan et Honda ont annoncé ce vendredi travailler sur un partenariat stratégique sur les voitures électriques. Ce rapprochement de deux concurrents marque le début d'une nouvelle ère dans l'automobile. Tour d'horizon des trois principales conséquences de ce partenariat.
La prochaine Nissan Micra électrique partagera quand même la même architecture que la nouvelle Renault 5 et sera construite dans la même usine, dans le nord de la France.
La prochaine Nissan Micra électrique partagera quand même la même architecture que la nouvelle Renault 5 et sera construite dans la même usine, dans le nord de la France. (Crédits : Nissan)

Coup de tonnerre dans l'automobile. Nissan et Honda, les deux rivaux japonais historiques, ont annoncé envisager un « partenariat stratégique » en particulier dans le domaine des plateformes de logiciels pour l'automobile, des composants clés pour véhicules électriques (comme les batteries par exemple) et d'autres produits complémentaires.

Une annonce qui a fait grimper le cours de Bourse de Nissan et de Honda, respectivement de 3,19% 1,74%, dans un marché en baisse de 0,26%. Les deux entreprises ont signé un accord de principe non contraignant afin de déterminer les secteurs potentiels de collaboration, dans un rapprochement contraint par un marché de l'électrique « plein d'incertitudes » mais où « il faut être présent » ont déclaré les analystes sur place, ajoutant que les deux constructeurs n'ont pas la taille nécessaire individuellement pour dégager des marges importantes.

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  • Une guerre lancée contre les constructeurs chinois

Le partenariat entre ces deux constructeurs confirme les propos tenus il y a peu par le dirigeant de Stellantis, Carlos Tavares : « Si l'industrie automobile ne bouge pas, elle disparaîtra sous l'offensive chinoise », avait-t-il prévenu, incitant les constructeurs automobiles à se regrouper s'ils ne voulaient pas « finir dans le pétrin ». Cette analyse est partagée par les dirigeants de Honda et Nissan, qui ont indiqué qu'ils « ne pouvaient pas gagner cette course en gardant une approche traditionnelle », avec en tête la menace des constructeurs chinois :

« Ces marques émergentes, avec des produits innovants et de nouveaux modèles d'activité, percent sur le marché automobile et cherchent à devenir dominantes en capitalisant sur l'écrasante compétitivité de leurs prix et leur vitesse extraordinaire », a ajouté Makoto Uchida, directeur général de Nissan.

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Et pour cause. Depuis plus de 20 ans, les constructeurs chinois se sont en effet lancés dans une offensive automobile sur l'électrique, BYD devenant même le constructeur ayant vendu le plus de voitures électriques au quatrième semestre 2023, devant Tesla. La montée en production de ces groupes leur permet désormais de viser de nouveaux marchés, en particulier le Japon, les Etats-Unis et surtout l'Europe, où MG et BYD ont tous deux annoncé des usines dans les années à venir. Cette alliance entre deux Japonais rivaux renforce l'idée d'un bloc contre la puissance de la Chine dans l'industrie automobile.

« Nous ne sommes qu'au début des alliances et partenariats stratégiques entre constructeurs, fabricants de batteries et géants de l'électronique qui entrent dans l'automobile », anticipe Sébastien Amichi, associé chez Kearney.

  • Une nouvelle menace sur le segment des petites voitures

Dopées par les subventions massives chinoises, les voitures de l'ex-empire du Milieu sont nettement moins chères que leurs rivales. Dans une étude publiée récemment, le cabinet Jato Dynamics évaluait à 115% l'écart de prix moyen entre une voiture électrique chinoise sur son territoire et une voiture électrique européenne, toutes marques confondues. L'écart est particulièrement marqué dans le secteur des petites voitures, où les groupes chinois proposent déjà des modèles en dessous de 5.000 euros sur leur marché domestique.

C'est justement sur ce secteur des petites voitures, hautement compétitif, que se placerait le partenariat entre Nissan et Honda.

« Cela permettra de partager le savoir-faire technologique de Honda (tiré notamment de son expérience sur les « kei car » japonaises, des petites voitures très prisées au Japon) et l'empreinte internationale de Nissan pour mutualiser les coûts de développement et engager des synergies sur cette première gamme de véhicules. La cible initiale serait plutôt l'entrée de gamme des segments A et B », confirme Sébastien Amichi.

 Une nouvelle menace plane donc sur les constructeurs européens, qui tentent par tous les moyens de baisser leurs prix sur l'électrique afin d'être compétitifs, puisque Nissan et Honda ont annoncé « être disposés à collaborer dans n'importe quelle région, tant au Japon qu'à l'étranger ». Récemment, plusieurs constructeurs européens se sont lancés dans une course à la baisse de prix, Stellantis ayant annoncé sa C3 électrique à 23.300 euros, Renault sa R5 à 25.000 euros et Volkswagen sa ID.2 à 25.000 euros.

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Des rumeurs récentes évoquaient même un partenariat entre Renault et Volkswagen pour le partage d'une plateforme commune à la production d'une voiture électrique en dessous de 20.000 euros. Tesla devrait également rejoindre la bataille en produisant une voiture à 25.000 euros dans sa gigafactory de Berlin sans annoncer de date de mise en vente.

  • Quid de Renault ?

Si ce rapprochement a convaincu les analystes du secteur, les deux constructeurs étant en sous-performance depuis quelques temps, plusieurs questions se posent autour de l'Alliance entre Renault et Nissan. Cette dernière s'est en effet déconsolidée l'année dernière, les deux groupes revenant à 15% du capital chacun alors même que Renault détenait 43% du capital du constructeur japonais.

« Pour Renault, cela peut être positif comme négatif, tout dépendra de la valorisation de l'action Nissan à la suite de cette annonce », confie un analyste du secteur.

Récemment, Renault a vendu 5% des parts de Nissan sur les 28,4% encore détenus, pour 764 millions d'euros, faisant une moins-value d'1 milliard d'euros liée à la baisse de la valeur des actions du groupe nippon. Ce partenariat pourrait ainsi revaloriser les parts de Nissan et inciter Renault à vendre en bloc pour bénéficier rapidement d'une trésorerie importante.

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Côté Renault, on assure que cette décision était connue et que Nissan est libre de faire des partenariats avec d'autres constructeurs, tout comme le groupe français possède un partenariat avec le constructeur chinois Geely sur les moteurs thermiques et avec Volvo sur les fourgons électriques. En revanche, « si le partenariat venait à freiner les projets entre Renault et Nissan, cela poserait un problème », a averti le groupe français. La prochaine Micra électrique de Nissan partagera la même architecture que la nouvelle Renault 5 et sera construite dans la même usine, dans le nord de la France.

Selon Sébastien Amichi, ce partenariat nippon pourrait même être une opportunité stratégique pour Renault, notamment via Ampere, la filiale électrique du groupe dans laquelle Nissan a investi : « pourquoi ne pas envisager que Honda et d'autres constructeurs viennent partager le savoir-faire et la technologie d'Ampère ? Ce serait tout à leur avantage, comme à celui de Nissan et de Renault. »

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