Montée en cadence et en compétences : le double défi de Renault pour l’usine de Cléon

Temple du moteur à explosion depuis plus d’un demi-siècle, l’usine Renault de Cléon (Seine-Maritime) doit tripler sa capacité de production de moteurs électriques en l’espace de deux ans avant d’arriver à 100% au début de la prochaine décennie. Encore faudra-t-il d’ici-là avoir formé les 3.200 salariés du site. Un enjeu clé.
L'usine vient d'ouvrir une e-academy pour former ses collaborateurs aux finesses de l'assemblage du moteur électrique
L'usine vient d'ouvrir une e-academy pour former ses collaborateurs aux finesses de l'assemblage du moteur électrique (Crédits : Renault Group)

En langage automobile, on appelle cela « passer la surmultipliée ». La formule popularisée en même temps que la quatrième vitesse de la 2CV sied comme un gant à l'usine Renault de Cléon, sise à une vingtaine de kilomètres de Rouen. Place forte du moteur thermique depuis 1958 (90 millions d'organes en sont sortis depuis cette date), la « meilleure usine mécanique du monde » comme l'appelait Louis Schweitzer, ex PDG de la marque au losange, s'apprête à basculer dans l'ère électrique. Au galop.

Ses lignes de production qui assemblent aujourd'hui quelque 300.000 moteurs électriques et hybrides par an -un tiers de leur capacité totale-, devront avoir franchi le cap du million début 2025 avant de basculer au 100% électrifié en 2030. L'objectif en ligne avec « la Renaulution » prescrite par Luca de Meo est passablement ambitieux sur le plan industriel.

Parmi les challenges qui attendent le site, celui de la formation des équipes (3.200 personnes) n'est pas le moindre. Biberonnés au moteur à explosion, les salariés en poste sur le secteur thermique devront se reconvertir sans tarder à la technologie plus complexe et plus « chatouilleuse » de l'e-motor. « Il nous faut monter sur des cadences importantes à un moment où les gens doivent changer de métier. C'est là que réside le défi », résume, fort justement, Patrick Benammar, directeur de la formation au sein du groupe.

« Des process qui relèvent de l'horlogerie »

Si certains métiers comme la fonderie et l'usinage de carters ou de pignons sont peu concernés, de nouvelles spécialités pointues telles que le bobinage ou l'électronique de puissance doivent être parfaitement maitrisées. Objectif : minimiser le taux de rebut ou « cafutage », cauchemar de l'industrie automobile. « Ces procédés influent beaucoup sur le coût du véhicule », a tenu à rappeler José Vicente de los Mozos, directeur industriel du groupe lors de l'inauguration de la ligne d'assemblage du moteur de la Megane E-Tech, le 5 juillet.

Pour la CGT, majoritaire dans l'usine, la transition ne se fera pas sans douleur malgré les cent embauches annoncées par la direction, courant juin. « Un mécanicien qui a passé 25 ans sur la même machine aura du mal à s'adapter à des process qui relèvent de l'horlogerie », prédit William Audoux, secrétaire du syndicat. À l'entendre, des signaux d'alerte s'allument déjà. « On constate une hémorragie de départs et le secteur électrique est celui d'où remonte le plus de mal-être, y compris parmi l'encadrement », s'inquiète-t-il. L'intersyndicale devrait d'ailleurs lancer à la rentrée une « expertise risques graves sur le secteur GMPE (groupe motopropulseur électrique, ndlr) ».

À l'école de l'électrique

Du côté de l'état-major de Renault, on assure mettre les bouchées doubles sur l'accompagnement des salariés aux nouveaux métiers de l'électrique. À Cléon, le groupe a ainsi dépensé un peu plus d'un million d'euros pour créer une  E-Mobility Academy en partenariat avec le CNAM et la Plateforme de l'Automobile. Usant des méthodes dite du learning by practice (apprendre en pratiquant, ndlr), ce pôle de formation reproduit, en modèle réduit sur des « lignes- école », toutes les étapes de la fabrication du moteur électrique. « L'objectif est d'abord de démystifier les procédés et de rassurer des collaborateurs qui baignent dans l'état d'esprit du moteur thermique depuis des années », explique Maxime Thierry, l'un des formateurs.

L'endroit devrait aussi servir de vitrine, en version compacte, de la bascule du site vers la mobilité décarbonée, souligne Patrick Benammar. « Il n'est pas inutile de donner aux jeunes une autre vision de l'usine que l'image à la Zola qu'ils se font malheureusement encore ». L'enjeu est important pour l'établissement normand où la moyenne d'âge atteint un peu plus de 42 ans et qui devra assurer le renouvellement des générations.

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