
Les vérités sont successives... Jamais cette expression n'avait pris autant de sens que chez Renault. Le groupe automobile français a revu son plan d'électrification présenté en juillet dernier et vise désormais 100% de ses ventes en voitures électriques en 2030 (contre 90% annoncé précédemment) en Europe. "On s'est mis en tête de préparer les conditions pour que Renault soit une marque 100% électrique à horizon 2030", a déclaré Luca de Meo lors d'un point avec des journalistes au Technocentre de Guyancourt, le quartier général de sa R&D.
"Les tiroirs étaient un peu vides"
Pour le directeur général de Renault, cette annonce témoigne d'une très forte accélération des projets de développement en cours. "Cette année, on a approuvé un projet par mois. On a fait en un an chez Renault ce qu'on aurait fait en quatre ans auparavant. Les tiroirs étaient un peu vides", a-t-il expliqué dans des propos rapportés par l'AFP.
Cet avenant au plan d'électrification doit résoudre plusieurs sujets. D'abord, les marchés s'étaient montrés mitigés après la feuille de route de juillet dernier. Ils s'attendaient à une offensive plus ambitieuse pour le groupe qui se targuait d'être précurseur dans l'électromobilité avec la Zoé, longtemps voiture électrique la plus vendue en Europe. Le titre avait dévissé jusqu'à un plus bas de six mois suite à ce plan.
Bruxelles ne veut plus de voitures thermiques, hybrides compris
L'autre point est le changement de pied de Bruxelles sur l'hybride. Luca de Meo a tenté à plusieurs reprises de défendre cette technologie auprès des autorités et des médias. Renault est effectivement en train de déployer E-Tech, une technologie hybride innovante et sur laquelle il a beaucoup misé. Sauf que Bruxelles a annoncé en juillet dernier sa volonté d'interdire à compter de 2035 tous les moteurs thermiques, hybrides compris. En outre, les marques concurrentes sont de plus en plus nombreuses à programmer leur bascule dans le 100% électrique (Fiat, Opel, Volvo...).
Les analystes reprochent à Renault d'avoir abandonné son leadership dans la voiture électrique en se laissant submerger par une vague de nouveautés autrement plus moderne notamment en provenance d'Allemagne avec Volkswagen et sa gamme ID (déjà quatre modèles au catalogue), mais également de Chine avec des produits extrêmement compétitifs comme la Seres 3, un SUV de la taille d'un 3008, au prix d'une Zoé...
Nouvelle Mégane, un test pour Luca de Meo
La nouvelle Mégane dont le lancement est désormais imminent doit repositionner Renault sur l'électromobilité avec un produit compétitif. Luca de Meo a passé beaucoup de temps à retravailler ce modèle dont le développement était déjà pas mal avancé lorsqu'il a pris les rênes du groupe en juillet 2020. L'ancien patron de Seat voulait que cette compacte soit davantage tournée vers le client: palettes de couleurs, ambiance intérieure... Les équipes de développement se sont mobilisées pour réajuster le cahier des charges. Car la réussite de son lancement sera un test pour Luca de Meo qui y a mis beaucoup d'enjeux. Renault doit absolument revenir sur le segment C qui est trois fois plus profitable, selon lui, que le segment B où la marque au losange n'a jamais perdu son leadership avec sa Clio et son Captur. Son offensive produit se poursuivra fin 2023 ou début 2024 avec l'arrivée de la nouvelle R5. Cette petite voiture électrique doit remplacer Zoé.
Luca de Meo a également confirmé que Dacia basculerait également dans le 100% électrique. L'exercice sera plus compliqué pour la filiale roumaine beaucoup plus contrainte en termes de coûts, si elle veut respecter son approche entrée de gamme. Pour commercialiser sa Spring, moins de 20.000 euros, Dacia a dû recourir à une production en Chine.
Un parc roulant de 400.000 voitures électriques
Luca de Meo estime que Renault dispose d'avantages concurrentiels majeurs en matière d'électromobilité: des brevets, des investissements déjà amortis, des retours d'expérience sur un parc roulant de 400.000 voitures ayant déjà parcourus 10 milliards de kilomètres, et une expertise dans les batteries dont il espère diviser le coût unitaire par deux dans les dix prochaines années.
Toutefois, Renault devra nécessairement s'appuyer sur son allié Nissan s'il veut gagner en compétitivité, notamment pour amortir les investissements sur les deux plateformes de voitures électriques CMF-BEV et CMF-EV. Il sera également utile pour étoffer la production d'Electricity, le projet de campus industriel monté par Luca de Meo dans les Hauts-de-France, doté de cinq usines d'où sortiront 400.000 voitures électriques par an (batteries incluses). Luca de Meo n'a pas donné de détails, mais il assure que les relations sont désormais apaisées avec le groupe japonais contrôlé par Renault à hauteur de 44% du capital. Il a annoncé un nouveau sommet le 27 janvier prochain pour approfondir les synergies.
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