Ciment bas carbone : le plan d'Hoffmann Green Cement Technologies pour séduire les majors du BTP

Concepteur et fabricant d’un ciment cinq fois moins impactant pour la planète, le vendéen Hoffmann Green Cement Technologies veut contribuer à la réduction de l’empreinte carbone du secteur de la construction. Il s’apprête à lancer le chantier d’une troisième usine en région parisienne et à dupliquer son modèle d’économie circulaire à l’international.
D'une capacité de 250.000 tonnes par an, l'usine H2, construite à Bournezeau, à proximité de l'usine pilote H1 et du centre de R&D d'Hoffmann Green Cement Technologies, préfigure de la physionomie de la future usine H3 bâtie en région parisienne en 2023-2024.
D'une capacité de 250.000 tonnes par an, l'usine H2, construite à Bournezeau, à proximité de l'usine pilote H1 et du centre de R&D d'Hoffmann Green Cement Technologies, préfigure de la physionomie de la future usine H3 bâtie en région parisienne en 2023-2024. (Crédits : DR)

Comme un symbole des ambitions d'Hoffmann Green Cement Technologies, sa nouvelle usine de ciment culmine à soixante-cinq mètres dans le ciel vendéen. A ses pieds, à Bournezeau (85), le deuxième site production de la startup sera opérationnel en début d'année 2023. Et d'ici là, les contours d'une troisième usine, d'une capacité de 250.000 tonnes par an, prévue dans le Nord de la région parisienne, devraient être précisés.

« On va là où se concentrent les principaux opérateurs du BTP », justifie Julien Blanchard, co-fondateur de la startup qui, en moins de sept ans, a accouché du premier ciment sans clinker au monde. Sans clinker, c'est-à-dire sans calcaire, utilisé pour la fabrication d'un béton traditionnel dit « Portland », dont le process nécessite d'être chauffé durant dix-huit heures à 1450°. Le plus émissif disponible sur le marché français, le Portland CEM I, dégage ainsi 866 kilogrammes de Co2 à la tonne de ciment produit.

C'est sur cette problématique que l'équipe de R&D d'Hoffmann Green Cement Technologies a planché pour mettre au point ses ciments bas carbone et fait évoluer une recette qui n'avait pas changé depuis deux cents ans. Le plus avancé, le ciment H-UKR, est constitué à 80% de laitier, un déchet composé d'impuretés du minerai de fer issu de l'industrie sidérurgique, et utilisé depuis des décennies par l'industrie cimentière. Résultat : une empreinte CO2 divisée par cinq à six, en prenant en compte l'ensemble du cycle de vie, garantit Julien Blanchard, avec un taux de carbone de 188kg/tonne pour le H-UKR et 142 kg /tonne pour le H-Iona.

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Une garantie d'un siècle

Après quatre années d'essais physiques, chimiques et mécaniques, et de nombreuses homologations, le ciment H-UKR a été validé, par la référence du métier, le Centre supérieur et technique du Bâtiment (CSTB) dans le cadre d'une Appréciation Technique d'expérimentation. Ces évaluations lui ouvrent les portes d'un très grand nombre d'ouvrages, de la maison individuelle jusqu'à l'immeuble de Grande Hauteur pour des applications de structures (planchers, voiles, poutres, poteaux, etc.), avec une durée d'utilisation garantie d'un siècle.

« Elles traduisent la sécurité, la durabilité et les performances du béton à base de ciment H-UKR qui sera considéré dorénavant comme une technique courante par les assureurs et les contrôleurs techniques pour les applications de la superstructure », se félicite Stéphanie Bondoux, directrice de la certification et de l'homologation d'Hoffmann Green Cement Technologies.

De 10.000 tonnes en 2021, la production devrait atteindre 20.000 à 30.000 tonnes cette année. « Déjà, nous avons un carnet de commandes de 200.000 tonnes », précise Julien Blanchard, qui vise une production de 550.000 tonnes d'ici 2024 avec l'ambition de conquérir 3% du marché du ciment français en 2026.

Julien Blanchard -Président Hoffmann Green Cement technologies

Julien Blanchard, président du Directoire d'Hoffmann Green Cement Technologies

Naissance d'une aventure industrielle

Protégée par douze brevets français, européens et américains, l'innovation promet de révolutionner le marché du bâtiment, réputé pour être l'un des plus dévastateurs pour la couche d'ozone.

« Notre raison d'être, c'est avant tout d'agir sur le climat et l'environnement, en fournissant un béton éco-responsable pour réduire l'empreinte carbone du secteur de la construction et créer des villes durables », stipulent Julien Blanchard, président du directoire et David Hoffmann, directeur général et scientifique de la startup, créée en 2014 et entrée en Bourse en 2019.

Les deux hommes se sont rencontrés il y a huit ans. L'un, officiait à la tête de deux entreprises vendéennes (Argilus et la briqueterie Gillaizeau) qui produisaient des briques en argile, l'autre, ingénieur-chimiste, diplômé du Conservatoire National des Arts et Métiers, opérait dans le laboratoire du groupe Séché. Très vite, le duo a donné de la consistance à cette aventure industrielle.

100 millions d'euros de levées de fonds

Soutenue dès 2016 par le Programme d'Investissements d'Avenir, qui lui a permis de lancer la construction de son centre de R&D et de la première usine-pilote (H1) à Bournezeau, Hoffmann Green Cement Technologies décide en 2019 de se financer sur le marché boursier EuroNext Growth. Une démarche rarissime pour une startup industrielle dont les deux fondateurs ont réussi à conserver la majorité du capital (55% à 60%). « Sans cette démarche, il était impossible à une jeune startup industrielle de lever 75 millions d'euros pour accompagner ses projets de développement », explique Julien Blanchard.

En l'occurrence, la construction des deux usines H2 et H3, et de deux silos de stockage sur le port de la Rochelle. Ce chantier devrait démarrer en juillet. Ces deux unités permettront de stocker les co-produits (laitier issu des hauts fourneaux de la sidérurgie et de la métallurgie, argile flashée et gypse provenant des déblais de chantiers...) entrant dans le secret de fabrication du ciment bas carbone à la place du fameux clinker et favorisant l'économie circulaire.

La technologie mise en œuvre par Hoffmann Green Cement Technologies a été déclinée sous quatre types de ciments (H-UKR, H-EVA, H-P2A et H-Iona) destinées à différents marchés de la construction. « D'autres sont à venir », promet le co-dirigeant d'Hoffmann Green Cement Technologies, qui, en novembre dernier, a effectué une deuxième levée de fonds, de 22 millions d'euros cette fois, pour accompagner son développement à l'international.

Faire évoluer les habitudes du maçon

« L'objectif est de dupliquer notre modèle à l'international en s'appuyant sur des partenaires européens, acteurs de la construction », dit-il. C'est l'un des enjeux d'Hoffmann Green Cement Technologies, qui profite pour l'instant d'un marché relativement vierge où ni les Américains ni les Chinois ne se sont positionnés. « Pour l'instant, le leader des matériaux décarbonés, c'est nous ! », estime Julien Blanchard.

Commercialement, le prix d'un ciment bas carbone serait une fois et demie à deux fois plus élevé qu'un ciment traditionnel. « Mais dilué dans l'ensemble de la construction, cela représente un surcoût de 3% à 4% », plaide le cimentier.

L'autre enjeu, et non des moindres auquel il doit faire, ce sont les habitudes d'un secteur conservateur. « Convaincre un maçon de remplacer le ciment qu'il utilise depuis vingt ans n'est pas toujours simple... », reconnaît-il ayant dans un premier temps privilégié les majors du BTP (Bouygues, Eiffage, Edycem, GCC...) pour faire évoluer les mentalités.

C'est d'ailleurs pourquoi la startup envisage de renforcer son effectif de cinquante personnes avec le recrutement dix à quinze personnes pour étoffer son équipe commerciale, dès cette année. De 3 millions d'euros en 2021, le chiffre d'affaires d'Hoffmann Green Cement Technologies devrait atteindre 6 à 7 millions d'euros cette année.

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Commentaire 1
à écrit le 28/04/2022 à 22:47
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Vraie technologie. Technologie réelle. Vraie “FrenchTech”. Ce sont ces types des “startups” dont on a besoin, pas ces stupides sociétés de la “numérique”. Excellentes nouvelles.

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