Fiscalité du logement : les propriétaires immobiliers dans le viseur de la Cour des Comptes

La Cour des Comptes publie ce lundi un rapport intitulé « Pour une fiscalité du logement plus cohérente ». Les magistrats financiers prêchent notamment pour une réforme « majeure » de l'assiette de la taxe foncière. Décryptage.
Selon les « Sages » de la rue Cambon, si le logement est « un bien particulier » qui « fait l'objet d'une taxation particulière », il est aussi « confronté aujourd'hui à des défis nouveaux ou centraux qui ne sont pas sans incidence sur les dispositifs fiscaux ».
Selon les « Sages » de la rue Cambon, si le logement est « un bien particulier » qui « fait l'objet d'une taxation particulière », il est aussi « confronté aujourd'hui à des défis nouveaux ou centraux qui ne sont pas sans incidence sur les dispositifs fiscaux ». (Crédits : Reuters)

Elles ne décolèrent pas. Après le coup de gueule, le 14 décembre, du président de la Fédération française du bâtiment (FFB) redoutant une chute d'activité de 5,5% en 2024, voire la récession, les fédérations professionnelles de la fabrique urbaine dénoncent un « abandon incompréhensible du gouvernement ». A commencer par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), pourtant en lien avec le gouvernement pour faire baisser les prix de sortie des logements neufs, comme l'a confié le ministre Vergriete à La Tribune.

Lire aussiCrise du logement: le ministre Vergriete annonce vouloir faire baisser les prix de l'immobilier neuf

Il n'empêche : le manifeste a été cosigné par le pôle Habitat de la FFB, l'Union sociale pour l'habitat (USH), qui fédère les bailleurs sociaux, la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) qui représente les agents, le constructeur, bailleur et promoteur Procivis, l'Union des syndicats de l'immobilier (Unis), l'Union nationale des notaires employeurs (Unne), l'Union des architectes (Unsa) et l'Union nationale des économistes de la construction (Untec).

« Blocage des parcours résidentiels, freins à la mobilité professionnelle et à la réindustrialisation, difficulté d'acquérir son logement pour ceux qui souhaitent être propriétaires, réduction de l'offre locative sociale et privée, nombre d'agréments Hlm au plus bas et de demandeurs au plus haut, étudiants qui renoncent à des études faute de logement, complexification de MaPrimeRénov', ... : telles sont les situations douloureuses que les Français vivent au quotidien », pointent les décideurs économiques.

La Cour des Comptes pour une une fiscalité « plus cohérente »

C'est à la lumière de cette situation qu'il faut lire le dernier rapport de la Cour des Comptes intitulé « Pour une fiscalité du logement plus cohérente ». Selon les « Sages » de la rue Cambon, si le logement est « un bien particulier » qui « fait l'objet d'une taxation particulière », il est aussi « confronté aujourd'hui à des défis nouveaux ou centraux qui ne sont pas sans incidence sur les dispositifs fiscaux ».

« La conjoncture économique actuelle marquée par une hausse des taux d'intérêt et la contraction corrélative des emprunts accentue les difficultés rencontrées par les ménages et le secteur de la construction neuve », relèvent ainsi les magistrats financiers.

Leur thèse : la fiscalité est « peu préparée aux défis actuels et doit gagner en cohérence pour trouver un meilleur équilibre entre les dispositifs d'incitation et une plus large neutralité ». Elle est même « déconnectée de la valeur économique des biens ».

Pour une réforme « majeure » de l'assiette de la taxe foncière

Aussi la Cour des Comptes pousse-t-elle une réforme « majeure » : une révision de l'assiette de la taxe foncière, dont s'acquittent uniquement les propriétaires, pour établir un lien direct avec la valeur de marché ou la valeur vénale des logements.

« La fiscalité du logement, malgré des dispositifs incitatifs coûteux, rigidifie le marché et n'est pas adaptée aux nouveaux enjeux environnementaux du bâti en France », assène-t-elle encore.

Les « Sages » de la rue Cambon jugent même les effets sur la solvabilisation des ménages du prêt à taux zéro « incertains ». Et ce alors que la Fédération française du bâtiment vient de plaider pour un redéploiement du PTZ à 40% sur tout le territoire et de revaloriser ses barèmes pour « relancer rapidement le marché, répondre à une demande bien présente, permettre la sortie du parc locatif, mais aussi dégager des ressources budgétaires ».

Lire aussiImmobilier : les députés se divisent sur le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ), même rehaussé


Vers une généralisation de la taxe sur les logements vacants ?

Les mêmes magistrats financiers estiment que la taxe sur les logements vacants (TLV) pourrait être « généralisée » pour limiter l'artificialisation des sols (ZAN). Une piste qui fait écho à celle de l'association des maires de France (AMF) visant à « réorienter certains dispositifs fiscaux pour financer les surcoûts et libérer le foncier ». La liste des communes qui peuvent assujettir les contribuables à la TLV a toutefois déjà été rallongée de 2.000 communes de moins de 50.000 habitants le 27 août dernier par décret paru au Journal officiel.

A rebours des demandes régulières des acteurs privés, la Cour des Comptes considère dans le même temps que le taux réduit de TVA à 5,5% pour la rénovation énergétique « ne permet pas de répondre aux enjeux de ciblage et d'efficience » et défend un alignement sur le taux intermédiaire de 10% «  pourrait être recherché ».

« La logique globale qui doit motiver toute réforme de la fiscalité du logement est un rééquilibrage vers plus de neutralité », affirme-t-elle.

Ou une taxation de la détention immobilière ?

Plus polémique, elle appelle ainsi « à chercher à taxer plus la détention que l'acquisition » et « à envisager une bascule des droits de mutation à titre onéreux vers la taxe foncière », sans perte pour les collectivités locales qui perçoivent ces frais de notaire, dont s'acquittent tous les acheteurs lors d'une vente immobilière.

Les propriétaires sont décidément dans le viseur des « Sages » de la rue Cambon, puisque ces derniers suggèrent de « remettre en cause » la distinction « historique et unique dans le monde » entre la location vide et la location meublée. Comment ? En supprimant les conditions « favorables » pour les meublés touristiques classés et en « unifiant progressivement » le droit fiscal autour des deux régimes.

De quoi donner du grain à moudre au gouvernement. Mi-novembre, la Première ministre Elisabeth Borne a officiellement missionné les députées Annaig Le Meur (Finistère, Renaissance) et Marina Ferrari (Savoie, MoDem) sur la fiscalité locative afin de « favoriser les locations de longue durée ».

Du grain à moudre pour le gouvernement

Selon nos informations, il s'agit d'examiner les dispositifs fiscaux existants comme l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), la fiscalité de cession et de succession, mais aussi de regarder les avantages fiscaux liés au logement abordable pour les faciliter et les consolider.

A l'époque, le ministre du Logement confiait à La Tribune vouloir ne pas seulement traiter le cas des meublés touristiques, mais aussi réussir à faire venir plus d'investisseurs particuliers et institutionnels dans le logement comme résidence principale.

« Nous voulons faire en sorte que les propriétaires, qui détiennent 4-5 logements voire plus, se tournent encore plus vers le locatif de longue durée. C'est donc l'ensemble de la fiscalité locative que ces députées vont étudier et pas uniquement la question de l'abattement fiscal des contribuables qui optent pour le régime fiscal "simplifié" », expliquait, fin novembre, Patrice Vergriete.

Procéder à une évaluation systématique

Les conclusions sont attendues pour la mi-mars. En attendant, la Cour des Comptes persiste et signe : il faut mettre en cohérence les dispositifs fiscaux avec la valeur économique des logements. A commencer par borner dans le temps les dépenses fiscales et procéder à leur évaluation systématique.

Lire aussiImmobilier: pourquoi le recentrage du PTZ et la suppression du Pinel font débat

De même qu'elle appelle à préférer les aides budgétaires ciblées en substitution aux incitations fiscales. En cela, elle recommande de confirmer la non-reconduction du dispositif Pinel et l'absence de dispositif équivalent de remplacement. Une idée, là encore, qui ne va pas faire plaisir à tous les responsables du secteur.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 26
à écrit le 19/12/2023 à 10:26
Signaler
Cette histoire me fait penser au monde des entreprises privées (quel hasard : comme en France notre « élite », microscope parisien, vit dans quelques kilomètres carrés, et d´ailleurs étaient dans les mêmes écoles) : en bon père de famille autrefois, ...

à écrit le 19/12/2023 à 8:16
Signaler
La cours des comptes a le même rôle que l'assemblée européenne, à savoir faire penser qu'une alternative à la dictature financière serait possible mais voilà, ni la cours des comptes, ni le parlement européens ne sont écoutés par nos dirigeants, alor...

à écrit le 18/12/2023 à 23:43
Signaler
Depuis cinq ans, après un retour de l'étranger où j'y ai fait toutes mes études, bâti une riche carrière pluridisciplinaire, fait construire une résidence principale et fondé une famille, je n'ai malheureusement plus retrouvé mon pays - la France - e...

le 28/12/2023 à 0:20
Signaler
Un qui a tout compris, maintenant la France c'est la débâcle..................

à écrit le 18/12/2023 à 17:30
Signaler
Lire ce billet n'est pas amusant si l'on ne lit pas celui publié sur latribune le 07.12.2021 et intitulé [L’immobilier, ce parasite de la croissance] by M.S (macroéconomiste et ancien conseiller de banques centrales)

à écrit le 18/12/2023 à 17:04
Signaler
Faire basculer les DTMO sur la taxe foncière revient à doubler cette dernière (l'une et les autres étant voisins de 15 milliards d'euros par an). Ce seront donc les propriétaires "installés" qui subventionneront les "nouveaux" propriétaires dans l'an...

à écrit le 18/12/2023 à 16:36
Signaler
On pensait que la lutte contre l´immobilier était une idée fixe de Macron, lui l´homme de la grande finance qui veut favoriser la bourse, mais on apprend que notre élite politico-économique-administrative parisienne a les mêmes idées, dont remettre e...

à écrit le 18/12/2023 à 16:10
Signaler
Je ne comprends pas bien la Cour des comptes. En effet elle est sûrement informée que les Vieilles (taxes sur l'habitation) dont principalement la Taxe Foncière sera revisée au niveau des bases d'imposition en 2026. Donc attendons de voir les résulta...

à écrit le 18/12/2023 à 14:42
Signaler
Pourquoi vouloir jouer à se faire peur ? Si la cours des comptes propose ce qui fait partie de ses missions c'est le gouvernement qui décide .Pour le reste l'immobilier est quand même un très bon moyen de s'enrichir sans forcer , exemple 1.800.000 eu...

le 18/12/2023 à 16:27
Signaler
@Idx. Tiens, ça me rappelle étrangement un de mes fervents détracteurs - héritier en immobilier - qui s'insurge régulièrement contre la financiarisation (et mes prises de position) et qui en parallèle - en compte propre - fait usage du crédit comme u...

le 18/12/2023 à 17:07
Signaler
Vous nous l'avez déjà fait. C'est ce genre de plus value indue qu'il faut taxer. Et cesser d'appeler investissement ce qui n'est que pure spéculation.

à écrit le 18/12/2023 à 14:26
Signaler
La suite du "pré-bunking" pour assurer les bilans des banques: https://www.strategie.gouv.fr/espace-presse/assurer-resorption-dettes-publiques-zone-euro "L’INSTAURATION D’UN IMPÔT EXCEPTIONNEL SUR LE CAPITAL IMMOBILIER RÉSIDENTIEL Sans aide exté...

le 18/12/2023 à 19:09
Signaler
et partant de ca, les plus fortunés iront un peu plus dans des pays non taxés demander la nationalité, et n'investiraient plus en Fr... A trop vouloir tirer sur la corde ... un mouvement gilet jaune de 57% de propriétaires fr en approche ?

à écrit le 18/12/2023 à 14:01
Signaler
Je doute qu'il y ait la moindre réforme. La rente immobilière c'est sacré, en France. On parlera dans les médias de petits propriétaires larmoyants qui ne peuvent plus joindre les deux bouts, tout en sachant en réalité que l'essentiel du parc à forte...

à écrit le 18/12/2023 à 13:36
Signaler
Il y a trop de réglementations et trop de personnes qui ne peuvent pas se loger décemment. Une grande réforme s'impose qui nécessite de tout effacer et de repartir sur d'autres bases. Les locataires doivent pouvoir payer un loyer qui n'engloutit pa...

à écrit le 18/12/2023 à 13:00
Signaler
Encore une grosse erreur de politique en matière de logement. Taper sur lés PROPRIOS un bon moyen de créer une crise sociale

à écrit le 18/12/2023 à 12:55
Signaler
ce n'est pas la fiscalité qui rigidifié le marché, c'est l'ensemble croissant de lois et des coûts " annexes" qui rendent de moins en moins rentable la location d'un bien tout en assurant son maintien en bon état. La fiscalité , elle, cherche a rem...

à écrit le 18/12/2023 à 12:28
Signaler
On arrive à une situation délirante par empilement de taxes, impôts, aides, primes, subventions, réglementations, normes, ... variables suivant que l'on est propriétaire occupant ou bailleur. Plus personne ne s'y retrouve, mais le marché se grippe in...

à écrit le 18/12/2023 à 11:39
Signaler
Taxer les biens, c'est un déni du droit de propriété, donc d'une liberté individuelle défendu par les droits de l'homme. Pourquoi ne pas non plus mettre un impôt sur les vêtements qu'on porte ? Non seulement on taxe les revenus des moins riches, mais...

à écrit le 18/12/2023 à 10:58
Signaler
En matière d'immobilier, ce sont les aides multiples cumulatives et subventions qui nourrissent l'enchérissement démesuré et inexplicable des locations et ventes de logements ; pour faire baisser justement les prix des loyers et des ventes, LA SOLUTI...

à écrit le 18/12/2023 à 10:42
Signaler
Ce serait bien que la Cour des Comptes s'intéresse EXCLUSIVEMENT aux comptes de la Nation. Le fait que son Premier Président actuel soit un énarque (ancien Grand Argentier) explique le "verrouillage" permanent depuis cinquante ans du déficit du budge...

à écrit le 18/12/2023 à 10:39
Signaler
Il y a un peu plus de 30 piges, avant de me tirer definitivement de ce pays de zinzins, j'ai pense que le mieux etait de tout couper pour be pas avoir la moindre raison un jour de faire marche arriere. J'ai donc mis en vente mon petit appart a Cannes...

à écrit le 18/12/2023 à 10:31
Signaler
Pour inciter les propriétaires qui ont 4 ou 5 biens à les louer nus à long terme, il faudrait exonérer d'IFI les biens loués nus. Il s'agit d'une activité très prenante qui pourrait être assimilée à une activité professionnelle exonérée.

le 18/12/2023 à 14:50
Signaler
Et quoi plus ? J'ai plusieurs appart. en location et je remarque que les locataires potentiels et solvables sont regardant sur tout, dpe, état des peintures et tapisserie , équipements ; cuisine et divers , si vous avez un bien en état moyen vous hér...

le 18/12/2023 à 17:03
Signaler
@Idx [Entretenir son patrimoine le valorise et assure des revenus réguliers, on a rien sans rien] Assurément comme investisseur financier dans l'immobilier, d'où la nécessaire distinction entre un propriétaire en logement propre, un propriétaire avec...

à écrit le 18/12/2023 à 10:22
Signaler
Ainsi au bout de 40 ans de réformes successives, on arrive ainsi à une situation illisible. La situation est même inextricable. Empilement de couches réglementaires et fiscales, inflation galopante, pression démographique, immobilier en première l...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.