"Il est probable que l'urbanisme change" Nicolas Mangon, Autodesk

LE MONDE D'APRÈS. Pour Nicolas Mangon, vice-président marketing et stratégie architecture, ingénierie et construction d’Autodesk, société créatrice de la maquette numérique (BIM), le coronavirus va accélérer la décentralisation des activités en dehors des grandes villes. Ce partenaire de la ville de Paris pour le réaménagement du site de la tour Eiffel est déjà très sollicité sur... les trottoirs.
César Armand
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Depuis le début du confinement, les salariés ne vont plus au bureau, mais se disent prêts à y retourner si les espaces de travail changent. Est-ce quelque chose que vous entendez aussi ?

NICOLAS MANGON - Certains de nos clients nous demandent en effet de les aider à réagencer leurs espaces de travail, tant pour faciliter les déplacements que pour respecter la fameuse distanciation sociale. Je note d'ailleurs que l'on parle de distance sociale alors que l'on devrait parler de distanciation physique, étant donné que nous aurons toujours besoin d'interactions sociales.

Cette question se pose quelle que soit la nature de l'actif : aéroport, hôtel, supermarché... Nous avons ainsi lancé une nouvelle version des outils pour permettre aux ordinateurs de gérer les espaces en fonction de ces contraintes. Un partenaire par exemple nous l'a déjà demandé pour ses propres espaces ainsi que pour ses clients.

Des grandes banques new-yorkaises veulent, elles, recourir à des drones intérieurs qui vont balayer l'ensemble de leurs immeubles en trente minutes et éliminer toutes les traces grâce à des ultraviolets. Dans cet esprit, nous avons, dans notre incubateur, la startup
Hacka Biorisk qui travaille à la création d'une poignée de porte, équipée de capteurs de proximité, dont le barillet tourne sur lui-même et se désinfecte automatiquement avec un laser après chaque passage.

Avec une autonomie entre six mois et deux ans, elle pourrait équiper tous les établissements recevant du public pour 200 euros l'unité. Les fondateurs de la startup sont en outre en discussion avec French Fab pour installer les sites de production en France et ainsi la distribuer dans toute l'Europe. Outre le ralentissement de la transmission du Covid-19, cette poignée pourrait créer des milliers d'emplois.

Vous êtes généralement parmi les premiers à défendre une ville dense, ne serait-ce que pour répondre à une demande croissante de la population. Or, la densité a contribué à la propagation du virus dans les métropoles. Comment résoudre l'équation demain ?
Dans le domaine du génie civil, et plus généralement sur la ville de demain, nous sommes très sollicités sur... les trottoirs. De nombreuses interrogations nous parviennent : faut-il un sens ? Des lignes de démarcation ? Les élargir ? Les préparer aux transitions environnementales et numériques ? Comment opère-t-on lorsqu'il n'y en a qu'un à sens unique dans la même direction que les voitures ? Comment le nettoie-t-on ? Le désinfecte-t-on ?

L'autre question, c'est de savoir si les petites villes et villes moyennes vont prendre leur revanche. Ici à Boston, l'industrie pharmaceutique et les biotechnologies dépendent extrêmement de la Chine. Depuis janvier, elles travaillent à leur recentrage national pour produire davantage à l'échelle locale.

Si nous assistons à une décentralisation des activités en dehors des grandes villes, il est probable que l'urbanisme change. Nous l'entendons déjà au Canada : les gens veulent rester à l'extérieur des métropoles. Nous aurons sûrement une explosion massive en ce sens. Reste à identifier les zones en question et les connecter sans les isoler.

Je pense notamment au projet Hyperloop de Virgin que nous accompagnons. Richard Branson prône un système qui abolit jusqu'à 400 voire 500 kilomètres de distance entre le domicile et le travail. Il réinvente la route, la voiture, la signalisation, les limites de vitesse, tout en apportant l'opportunité de créer un système plus sécurisé. Cela peut jouer en faveur du désencombrement des villes.

Et de la transition écologique ? Rien que la maquette numérique détient une forte empreinte carbone...
Je l'espère ! Des usines se sont arrêtées et des ciels se sont éclaircis. Sans doute allons-nous parvenir à désengluer la Chine de leur production massive pour la répartir dans d'autres endroits respectueux des consignes. Aux États-Unis, j'observe déjà un mouvement de fond. Tous ceux qui le peuvent se préparent un potager et une basse-cour en allant acheter des graines de tomates ou en achetant des poulets, ayant peur d'aller dans les magasins.

Parallèlement, la dématérialisation du télétravail s'accélère. Tous les salariés et managers qui résistaient vont devoir s'y adapter, car cela va devenir la norme. L'industrie du BTP a elle aussi déjà entrepris sa transition numérique. Certes l'empreinte carbone du cloud demeure importante, mais les événements physiques deviennent virtuels. Plus de cloud, c'est aussi moins d'avions et moins de voitures en ville.

Profitons donc de ce temps pour apprendre à nous servir de tous ces outils numériques et ainsi nous préparer à mieux aborder la sortie de crise.

Lire aussi : Comment Autodesk et Paris travaillent ensemble sur l'aménagement du site de la tour Eiffel

César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 30/04/2020 à 10:46
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Vu le foncier disponible intra muros, il est probable qu'on construise des petits logements pas fonctionnels, mais chers pour le commun des mortels et équipés tout fibre numérique. Ce qu'on sait faire depuis 60 ans...

à écrit le 30/04/2020 à 10:34
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Formidable les villes sans voitures, plus de pollution , le calme et la tranquillité. On peut espérer que le vélo prendra le relais des 4X4.

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