Immobilier : l’Etat veut prendre dans la caisse d’Action Logement, la polémique enfle

Dans le cadre de la loi de finances 2023, le gouvernement s'apprête à ponctionner 350 millions d'euros au premier bailleur social et premier producteur de logements sociaux. Un montant qui est encore en débat mais qui suscite déjà de vives réactions des professionnels du BTP. Explications.
César Armand

La poule aux œufs d'or va-t-elle cesser de pondre ? Selon nos informations, confirmant celles des Echos, le gouvernement s'apprête à prélever 350 millions d'euros au groupe Action Logement pour nourrir le budget 2023. Depuis 1953, cet objet politico-économique hybride, ni établissement public, ni entreprise privée, en pleine négociation de sa Convention quinquennale 2022-2027 avec l'Etat, articule les besoins des entreprises et les demandes des salariés grâce à la participation à l'effort de construction - la PEEC - que chaque employeur doit verser.

L'exécutif défend son budget 2023

Si cela se confirme avant la présentation du projet de loi de finances en Conseil des ministres le 26 septembre prochain, ou même lors des débats au Parlement, le premier bailleur social (18% du parc) et premier producteur d'habitats sociaux et intermédiaires, devra flécher ces 350 millions d'euros au Fonds national d'aide à la pierre (FNAP).

Un montant qui fait déjà polémique, selon nos informations. Mais que l'exécutif entend bien défendre. Dès la première ponction en septembre 2020, le gouvernement Castex l'a justifié : « la trésorerie, les ressources, les réserves d'Action Logement se sont beaucoup accrues. »

Surtout, l'Etat veut flécher cette somme vers le FNAP. Cette instance administrée par la puissance publique, les bailleurs sociaux, des parlementaires et des élus locaux, fixe le montant des crédits attribués pour financer des opérations déjà engagées. Le FNAP détermine aussi le montant des nouvelles opérations. Autrement dit, le fonds sert à financer des bailleurs sociaux en difficulté économique.

Lors de la présentation de son plan d'investissement volontaire (PIV) de 9 milliards d'euros début 2019, Action Logement avait annoncé 900 millions d'euros pour le FNAP d'ici à fin 2022. La promesse a été tenue. Rien qu'en 2021, l'organisme paritaire administré par les syndicats et le patron lui a versé 350 millions d'euros.

Résultat, l'ex-1% Logement n'est pas censé donner d'argent supplémentaire au FNAP en 2023. « Ils ont eu trois ans pour se restructurer, mais ils n'ont rien foutu », lâche, à La Tribune, une source proche du dossier.

Une ponction anecdotique ?

Sur le papier, ces 350 millions d'euros de ponctions supplémentaires peuvent paraître anecdotiques pour un groupe qui a délivré +23% d'aides et de services aux salariés et obtenus +14,5% d'engagements à construire en 2021 par rapport à 2020. D'autant qu'entre les bailleurs sociaux qui redoutent de perdre 2 milliards d'euros suite au relèvement du taux de livret A à 2% et l'Etat qui cherche à faire des économies par tous les moyens, Action Logement apparaît comme le levier idéal pour trouver des financements.

Sauf que sous le quinquennat précédent, Action Logement, qui a fait l'objet de cinq rapports (Agence nationale de contrôle du logement social, Cour des Comptes deux fois, Inspection générale des Finances et Medef), a déjà subi deux prélèvements de l'Etat d'un total de 2,4 milliards d'euros dont 1 milliard pour le plan France Relance. « La situation est ultra-tendue. Ils vont chercher de l'emprunt sur les marchés pour pouvoir payer les 9 milliards d'euros », explique un fin connaisseur.

Pour les défenseurs, l'utilité sociale n'est plus à démontrer

D'autant que, pour les défenseurs de la cagnotte d'Action Logement, son utilité sociale n'est plus à démontrer. Avec 390 millions d'euros apportés en 2021, Action Logement est le principal financeur de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), présidée jusqu'à sa nomination au gouvernement par le ministre de la Ville et du Logement Olivier Klein. De la même façon qu'entre 2018 et fin 2022, l'institution a débloqué 1,5 milliard d'euros sur les 5 milliards du programme « Action Cœur de ville ». Ce dernier tourné vers la revitalisation économique et sociale des villes moyennes va même connaître un « acte II » 2022-2026, auquel devrait sans doute contribuer Action Logement.

En parallèle, Action Logement a répondu à l'appel de l'ancienne ministre du Logement Emmanuelle Wargon de construire 250.000 logements sociaux d'ici à fin 2022. Un objectif qui est devenu un échec, selon une étude de la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts) parue le 6 septembre, puisque moins de 180.000 logements devraient sortir de terre avant la fin de l'année. Mais là encore, en 2021, Action Logement a conforté sa place de leader en réalisant 34% de la production totale.

Outre ces réalisations, Action Logement est très attendue par l'exécutif sur l'élargissement de la caution publique à tous les locataires pour lutter contre les discriminations, tel que promis par le président-candidat Macron. Depuis 2016, elle déploie en effet le dispositif « Visale » (Visa pour le logement et l'emploi, Ndlr) qui garantit le versement du loyer et des charges locatives au propriétaire en cas de défaut de paiement du locataire. Plus de 700.000 travailleurs de moins de 30 ans ont en bénéficié. Aller vers un système universel risque de ne pas être soutenable financièrement pour le groupe.

Dans le cas où la ponction de 350 millions d'euros serait validée par le chef de l'Etat et la Première ministre, « toute la machine à produire serait bloquée », prévient un grand patron. Pas plus tard que le 13 septembre, le président de la Fédération française du bâtiment, Olivier Salleron, a « mis en garde » l'exécutif sur ce sujet.

César Armand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 8
à écrit le 16/09/2022 à 10:34
Signaler
2009 : Le 22 octobre, les administrateurs de l'autorité de contrôle du 1 % logement, l'Anpeec*, ont eu un choc en prenant connaissance d'un rapport confidentiel sur les salaires en vigueur chez les collecteurs, ces organismes chargés de récolter l...

à écrit le 16/09/2022 à 10:29
Signaler
2008 : "Le 1% logement, géré paritairement par le patronat et les syndicats, va verser une contribution supplémentaire de 850 millions d'euros pendant 3 ans à l’état pour l'aider à contribuer à résoudre la crise du logement", a annoncé vendredi la...

à écrit le 16/09/2022 à 10:21
Signaler
C'est pas nouveau : Septembre 2020 : Le gouvernement compte prélever 1 milliard d’euros dans les caisses d’Action Logement (ex 1 % Logement) pour boucler son budget 2021. Il souhaite aussi engager une réforme du fonctionnement de cet organisme qu...

à écrit le 15/09/2022 à 18:34
Signaler
Il faut confisquer les superprofits de tous ces organismes profiteurs...ha ben non la gauche est contre, ça va dans les poches des copains alors pas d'indignation et pas de taxe dur les amis

le 16/09/2022 à 8:53
Signaler
c'est ce que la macronie vas realiser avec sa réforme des retraites la ponction generalise et legale dans les caisses et la prochaine réforme sera les comptes bancaires immobiles et oui pour financer la gestion desasteuse de la macronie il faut d...

à écrit le 15/09/2022 à 14:45
Signaler
L'aide du " 1% " logement: avance à la caution et garantie impayé ( 6 mois ) n'ont pas attendu Macron pour exister ( il n'a fait que reprendre ce qui existait ). Ça fait plus 20 ans que c'est d'actualité.. Macron venait à peine de " découvrir " Brig...

à écrit le 15/09/2022 à 14:45
Signaler
L'aide du " 1% " logement: avance à la caution et garantie impayé ( 6 mois ) n'ont pas attendu Macron pour exister ( il n'a fait que reprendre ce qui existait ). Ça fait plus 20 ans que c'est d'actualité.. Macron venait à peine de " découvrir " Brig...

à écrit le 15/09/2022 à 14:26
Signaler
La grande spoliation par l'état (caisses de logement, caisses retraite du privé, ...) doit cesser !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.