"Nous ne cherchons pas la taille pour la taille"

Quatre mois après le rachat de son concurrent Rhodia par le belge Solvay, le patron du premier chimiste tricolore souligne sa volonté d'indépendance et détaille ses perspectives.
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Vous annoncez ce matin des résultats records. Comment s?expliquent-ils ?
Nous avons réalisé le meilleur trimestre de notre histoire. Notre Ebitda (excédent brut d?exploitation) a crû de 33% à 320 millions d?euros et notre marge d?Ebitda (18%) a atteint un plus haut historique. Cela nous place parmi les meilleurs du secteur alors que nous étions en queue de peloton lors de la création d?Arkema, en 2005. Il y a un effet de saisonnalité -le premier semestre représente traditionnellement 60 % de notre Ebitda- et la conjoncture est globalement favorable à la chimie. Mais surtout, nous récoltons les fruits du recentrage d?Arkema vers un portefeuille de chimie de spécialité. Ces produits de niche, sur lesquels nous pouvons vraiment nous différencier, représentent désormais les deux tiers de notre chiffre d?affaires. Il s?agit de l?aval acrylique (produits utilisés en peinture, pour les couches-culottes, le traitement de l?eau et l?exploration pétrolière), de la thiochimie (nutrition animale), des gaz fluorés (air conditionné) et des polymères techniques (photovoltaïque, plastiques techniques qui remplacent le métal dans l?automobile). Dans ces métiers, nous avons des positions de numéro un, deux ou trois et ils représentent 80 % de la progression de notre Ebitda. Les produits vinyliques (PVC), peu rentables, ne représentent plus que 18% des ventes.

Quelle est la rentabilité de la chimie verte ?
Nous parlons plutôt de chimie liée au développement durable (photovoltaïque, nouvelles énergies, matériaux innovants pour l?automobile...). Les marges sont équivalentes à celles des deux divisions où nous les classons, la chimie industrielle et les produits de performances, soit en moyenne 22 %. Mais c?est surtout dû à la forte croissance de ces activités. Nous allons dépasser notre objectif de 400 millions d?euros de chiffre d?affaires dans ce domaine en 2015.

Etes-vous parvenus à répercuter les hausses de matières premières ?
Nous avons augmenté les prix de toutes nos lignes de produits, de 16 % en moyenne, ce qui compense pleinement les hausses des matières premières et de l?énergie. Le chiffre d?affaires trimestriel ne progresse que de 10 % en raison d?un effet devises : la moitié de nos ventes s?effectue dans des monnaies alignées sur le dollar.

Comment vont évoluer les matières premières au second semestre ?
Je pense que les choses vont se calmer, c?est-à-dire qu?elles vont rester au niveau actuel, qui est déjà très élevé.

Envisagez-vous de nouvelles acquisitions ?
Nous avons finalisé au 1er juillet l?acquisition des résines de Total [annoncée en décembre 2010, ndlr] qui nous apporte 800 millions d?euros de ventes additionnelles. Cela nous permet de disposer d?une gamme complète sur le marché des revêtements, notamment des peintures, et d?avoir une taille comparable à Dow Chemical ou à BASF sur ce marché. Nous devrions ainsi dépasser très rapidement les 7 milliards d?euros de chiffre d?affaires. C?est le type d?acquisition qui nous intéresse. Mais pour l?heure, la priorité est d?intégrer ces activités. Il n?y aura pas de suppression de postes. Nous verrons ensuite selon les opportunités qui se présenteront.

En novembre dernier, vous avez annoncé viser une marge d?Ebitda de 14 % pour un chiffre d?affaires de 7,5 milliards d?euros en 2015. Allez-vous relever ces prévisions ?
Nous nous rapprochons très rapidement de ce plan 2015, certains diront que nous sommes en avance. Mais à l?époque, nos objectifs étaient considérés comme ambitieux... Nous aurons l?occasion d?en reparler plus tard dans l?année. Pour l?heure, nous sommes très confiants pour réaliser un excellent exercice 2011.

Le mariage de Rhodia et Solvay est-il une mauvaise nouvelle pour Arkema ?
Cela ne change rien à notre stratégie. Notre capitalisation boursière a été multipliée par 2,5 en cinq ans, elle atteint 4,2 milliards d?euros. Cela montre que notre stratégie -nous concentrer sur nos forces, recentrer notre portefeuille d?activités- fonctionne et que nous sommes capables de grossir significativement en chiffre d?affaires et en rentabilité. Toute stratégie est respectable, mais nous ne comptons pas modifier la nôtre.

Aviez-vous été approché par Solvay ?
Non.

Pourriez-vous réviser votre stratégie, si un jour vous étiez sollicités ?
Ce n?est pas à l?ordre du jour. Nous ne cherchons pas la taille pour la taille. Dans notre secteur, il faut être parmi les trois premiers mondiaux sur chacun de ses métiers et c?est notre cas. Arkema possède un esprit entrepreneurial. Ce que l?on gagne en taille, on peut aussi le perdre en réactivité ! Nous préférons pouvoir aller vite et saisir les opportunités.

Reste-t-il des engagements de retraite à votre charge ?
Ceux liés aux personnes ayant quitté le groupe ont été conservés par Total, c?était voulu lors du spin-off. Ceux liés à nos salariés étaient de 239 millions d?euros à fin 2010.

La chimie est souvent considérée comme un indicateur avancé de l?état de l?industrie. Comment voyez-vous l?évolution de votre secteur et l?industrie en général ?
Les chimistes bénéficient aujourd?hui de l?énorme travail d?assainissement de leurs bilans fait durant la crise de 2009, et la chimie est idéalement positionnée pour profiter des grandes tendances du développement durable. Cela permet à notre secteur, longtemps considéré comme peu moderne, de reprendre des couleurs !
Quand à l?industrie en général, si la volatilité macroéconomique demeure, je pense que les facteurs qui sous-tendent la croissance de l?économie réelle sont bons. La dynamique des pays émergents ne se dément pas et les nouvelles opportunités liées au développement durable vont être centrales dans les années à venir.

En matière d?émission de CO2, les difficultés internationales à définir une stratégie pour l?après-Kyoto vous inquiètent-elles ?
Nous demandons un traitement égal partout dans le monde. Si le niveau d?exigence est augmenté, cela doit être le cas dans l?ensemble des pays, de manière à avoir une concurrence à armes égales, ou au moins sans écart trop important. Nous sommes le premier chimiste français mais aussi un acteur global et international. L?Europe représente 48 % de nos ventes, elle ne pèsera plus que 40 % à terme. Dès lors, nous irons là où est l?intérêt de l?entreprise. Si on met des barrières trop importantes en Europe, cela ne fera qu?accélérer notre positionnement sur d?autres régions du monde, et c?est l?industrie européenne qui en pâtira.

La réglementation est-elle plus souple dans des pays comme la Chine?
La Chine est en retard sur les quotas de CO2 mais en avance sur d?autres sujets, comme le traitement des rejets dans l?eau ou la qualité des nouvelles installations.

Craignez-vous un renforcement de la concurrence, notamment en provenance du Moyen-Orient ou de la Chine ?
Par particulièrement, car nous sommes un acteur global. Le Moyen-Orient est d?abord une terre favorable pour les pétrochimistes, en amont souvent de nos activités. En Chine, il existe de grands acteurs comme Sinochem, mais nous sommes également très présents là-bas.

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