Grève : pourquoi la colère sociale épargne (pour l’instant) Engie

Alors que le secteur de l’énergie devrait se trouver au cœur de la journée de mobilisation interprofessionnelle prévue ce mardi 18 octobre, le groupe Engie semble, pour l'heure, échapper aux mouvements sociaux en cours. En dehors de sa filiale GRDF, l’entreprise ne figure même pas parmi les sociétés mentionnées par la CGT Mines-Energie dans son tract d’appel à la grève. Et pour cause, à plusieurs égards, l’équation n’est pas tout à fait la même que pour TotalEnergies ou EDF.
Marine Godelier
De manière globale, les salariés d'Engie se mobilisent très peu.
De manière globale, les salariés d'Engie se mobilisent très peu. (Crédits : STEPHANE MAHE)

A l'origine du mouvement social en cours, le secteur de l'énergie se trouve en première ligne ce mardi 18 octobre pour la journée de grève interprofessionnelle organisée à l'appel de la CGT. Et pour cause, ces dernières semaines, les fortes mobilisations des salariés dans les raffineries de TotalEnergies ou d'ExxonMobil ont fait figure de détonateur : après la « solution réquisition » dégainée par l'exécutif, la grogne pourrait bien s'étendre à d'autres sites stratégiques pour l'approvisionnement en gaz, pétrole ou électricité du pays. « Élargissons le mouvement dans toutes les entreprises de l'énergie », enjoint ainsi la CGT mines-énergie dans un tract, avant de citer GRDF, Enedis, EDF et TotalEnergies. Plusieurs centrales nucléaires d'EDF se trouvent d'ailleurs d'ores et déjà confrontées à des blocages, malgré l'urgence de réouverture des réacteurs avant l'hiver.

Mais dans cet appel à la mobilisation qui se veut général, l'un des trois géants français de l'énergie fait figure de grand absent : nulle part dans le prospectus n'est directement mentionné le groupe Engie (en-dehors de sa filiale GRDF). Pourtant, l'entreprise a concentré les débats lors de la bataille estivale sur les superprofits, aux côtés de TotalEnergies ou CMA CGM. Avec des résultats exceptionnels de 5 milliards d'euros au premier semestre de 2022 (contre 2,3 milliards un an plus tôt) et un chiffre d'affaires en hausse de 72%, celle-ci a profité de la flambée des prix de marché liée notamment à la guerre en Ukraine. En témoigne le succès de sa business unit Global Energy Management (GEM), c'est-à-dire le portefeuille d'actifs du groupe en électricité, gaz naturel, produits environnementaux et autres matières premières, qui a contribué à hauteur d'1 milliard d'euros au résultat d'exploitation global, contre 200 millions l'année passée !

De quoi « tendre le climat social », alors que la direction « reste très frileuse par rapport à la revalorisation demandée des salaires », estime Arnauld Prigent, représentant de la CFTC chez Engie. « Le groupe se trouve dans une situation de bénéfices, certes moins forte que TotalEnergies, mais conséquente. Or, pour l'instant, toute réelle augmentation générale du fait de l'inflation est refusée », fait-il valoir. Comment se fait-il alors qu'aucun mouvement global de contestation ne semble, pour l'heure, émerger au sein de l'entreprise, contrairement à ce qu'il se passe dans plusieurs sites de TotalEnergies ou d'EDF ?

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Plusieurs branches syndicales

De manière globale, les salariés d'Engie se mobilisent très peu : 3,71% seulement d'entre eux ont répondu au dernier appel à la grève, le 6 octobre dernier, de la branche professionnelle des Industries électriques et gazières (IEG, qui concentre plus de 160 entreprises et 140.000 salariés). Ce chiffre s'élevait pourtant à 26% pour ce qui est de sa filiale GRDF, et de 20% chez GRTgaz. Et ceci, pour plusieurs raisons : d'abord, le groupe « rayonne sur trois fédérations CGT différentes, entre l'énergie, la construction et la métallurgie », explique Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la FNME-CGT.

Concrètement, sur les 44.000 salariés français, 20.000 ne relèvent pas du statut des IEG, et ne sont donc pas concernés par les appels à la grève de cette branche. Mais même pour le reste, « beaucoup de métiers différents coexistent, dont la plupart appartiennent à l'industrie du service, avec une culture syndicale et une pénibilité moins fortes qu'en raffinerie, par exemple », note Arnauld Prigent.

« Culturellement, ce sont donc plutôt les salariés de Storengy [qui gèrent les réserves souterraines de gaz naturel, ndlr], du distributeur de gaz GRDF ou du gestionnaire de réseau de transport de gaz GRTgaz qui se mobilisent », poursuit Fabrice Coudour.

Mais même chez Storengy, le mouvement embarque finalement assez peu de salariés : environ 15 à 17% pour le dernier appel à la grève des IEG, contre une moyenne de 20 à 25% dans la branche. « Malheureusement, la dynamique n'est pas tout à fait la même », concède Fabrice Coudour. Et pour cause, plusieurs conflits ont déjà eu lieu au début de l'été, avec de longs blocages dans les sites de stockage de Storengy. Lesquels ont abouti le 22 juillet à un accord spécifique, prévoyant une revalorisation des salaires compensant partiellement l'inflation. Celui-ci accorde notamment 4,6% d'augmentation pour 133 salariés de Storengy, et 2,3% pour les 380 autres, sur les 680 salariés au 1er juillet. « Après avoir remporté cette bataille, c'est forcément un peu plus difficile pour eux d'arriver à se mobiliser dans cette période », estime Sébastien Raya, délégué CGT à GRDF.

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Négociations à venir

Par ailleurs, une prime de pouvoir d'achat de 400 euros a été versée à tous les salariés autour du 1er octobre, en vertu d'un mécanisme voté à la rentrée dans le cadre de la loi sur le pouvoir d'achat.

« Celui-ci permet aux entreprises de mettre en place immédiatement des primes défiscalisées. [...] Comme beaucoup d'entreprises, nous avons donc utilisé ce véhicule », explique-t-on au sein de la direction, qui assure avoir « assez tôt, vite, et en profondeur, fait attention aux questions de pouvoir d'achat ».

Surtout, selon un accord négocié au niveau de la branche IEG, et que la CGT et la CFDT ont signé le 17 octobre, le salaire national de base (SNB) devrait augmenter de 3,3% pour tout le monde dès le début de l'année prochaine. S'y ajouteront des revalorisations discutées directement au sein des entreprises, « qui seront d'au minimum 1% supplémentaire », assure-t-on chez Engie.

Autant d'avancées qui ont pu calmer la colère, au moins pour un temps. « Globalement, les salariés sont très responsables, et ont compris que le sujet de l'inflation n'est pas facile à maîtriser », glisse une source interne haut placée. Il n'empêche que ces réponses restent « insuffisantes », si l'on en croit les différents syndicats. « Des augmentations de 3,5% sont bienvenues, mais elles retent en-dessous de l'inflation [autour de 6% en France, ndlr] », souligne Arnauld Prigent. Sans aucun doute, le sujet des revalorisations sera au menu des négociations annuelles obligatoires (NAO), qui se tiendront entre décembre et janvier. Reste à voir si Engie se joindra mardi à la mobilisation générale, avant la tenue de ce rendez-vous crucial.

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Marine Godelier

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Commentaires 3
à écrit le 18/10/2022 à 13:26
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Faux , il n'y a pas d'augmentation de 3.3% Il y a une augmentation de 1000€ du salaire annuel brut pour chaque salarié. Pour un salaire de 2800€ brut, ça fait seulement 2.7% c'est très loin de l'inflation.

à écrit le 18/10/2022 à 13:25
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Faux , il n'y a pas d'augmentation de 3.3% Il y a une augmentation de 1000€ du salaire annuel brut pour chaque salarié. Pour un salaire de 2800€ brut, ça fait seulement 2.7% c'est très loin de l'inflation.

à écrit le 18/10/2022 à 12:26
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peut etre que chez Engie il y a d'autres preoccupations ....

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