La France se prépare à une hausse des températures de 4°C : un prétexte à l’inaction climatique ?

Adapter les bâtiments aux vagues de chaleur, transformer les systèmes agricoles, recomposer les littoraux face à la hausse du niveau de la mer… Pour définir une trajectoire nationale d’adaptation au réchauffement climatique, le gouvernement vient de lancer une consultation publique, basée sur un scénario catastrophe mais « réaliste » d’augmentation de 4°C des températures d’ici à 2100 par rapport à 1990. Le but : échanger avec les acteurs des territoires, afin de mettre au point un plan solide d’ici à la fin de l’année. Mais cette stratégie ne fait pas l’unanimité, alors que la France se montre par ailleurs incapable de respecter l’accord de Paris sur le climat.
Marine Godelier
Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique.
Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique. (Crédits : DR)

Aveu d'échec ou simple plan B ? Alors que le gouvernement planche sur les manières de préparer la France à un réchauffement de +4°C d'ici à la fin du siècle, contre environ +2°C maximum prévus jusqu'ici, une partie de l'opposition s'insurge. « L'adaptation sans la bifurcation est dramatique », a ainsi tweeté mardi la députée LFI Clémence Guetté, regrettant que le gouvernement ait « baissé les bras ».

Avant d'être contredite par le politologue belge François Gemenne, contributeur du groupe d'experts de l'ONU sur le climat (Giec) : « Les impacts du changement climatique dans un pays sont indépendants de son bilan carbone », a-t-il objecté. Côté exécutif, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, assume sa position, déjà connue depuis février : « Il faut sortir d'une forme de déni consistant à faire comme si le monde allait pleinement respecter l'accord de Paris [de limitation des températures à +1,5°C d'ici à 2100 par rapport à 1990] », a-t-il affirmé mardi matin. Signe de résignation face à l'ampleur de la tâche ?

Pas vraiment, si l'on en croit le Conseil national de la transition écologique (CNTE), un organe consultatif rassemblant ONG environnementales, syndicats, patronat, collectivités et parlementaires. Et pour cause, celui-ci vient d'approuver à l'unanimité la nouvelle stratégie du gouvernement en la matière. Laquelle consiste à lancer une consultation publique, mise en ligne ce mardi, pour définir quelle sera la trajectoire d'adaptation au réchauffement climatique, en se basant sur deux scénarios : l'un « optimiste », tablant sur +2°C en France en 2100, l'autre « réaliste » en l'état actuel des choses, à +4°C à la même échéance (soit environ +3°C à l'échelle planétaire), a précisé Christophe Béchu lors d'un point presse. De quoi satisfaire le sénateur écologiste Ronan Dantec, président de l'observatoire sur l'adaptation au CNTE :

« S'inscrire dans une telle perspective, c'est une avancée, afin de pouvoir appréhender les conséquences sur l'agriculture, les bâtiments, etc. Il faudrait même aller plus loin, en inscrivant les +4°C dans la loi de programmation sur l'énergie et le climat [qui définit la stratégie en matière de politique énergétique nationale face à l'urgence écologique, et sera votée d'ici au second semestre, ndlr] », précise-t-il à La Tribune.

Projections inquiétantes

Il faut dire que les projections mondiales restent sombres. Selon le dernier rapport de synthèse du Giec, publié il y a quelques semaines, la planète se réchauffera entre 2,8°C et 3,2°C environ d'ici à la fin du siècle en l'absence d'inflexion majeure. Avec, pour conséquences en France, une multiplication par 4 des sécheresses, une réduction par 3 de l'enneigement, une intensification des incendies et un étalement sur 1 ou 2 mois des vagues de chaleur pendant l'été, selon le ministère de la Transition écologique.

« Fort de cette réalité, le ministère a commandé fin 2022 une étude pour savoir comment les autres pays comptent s'adapter. [...] Il en est ressorti que plusieurs anticipent une évolution possible à +4°C, comme le Québec, l'Autriche et l'Allemagne », a clarifié mardi Christophe Béchu, alors qu'un un comité de pilotage ministériel est chargé de préparer le 3e Plan National d'Adaptation au Changement Climatique (PNACC3) pour fin 2023-début 2024.

D'autant que cette trajectoire ne dépend pas que de l'Hexagone, loin de là : « même si la France était au rendez-vous de la neutralité carbone en 2050, et ce n'est pas gagné, [...] cela ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas de dérèglement climatique », a poursuivi le ministre. Et pour cause, l'augmentation des températures en France dépendra des émissions mondiales de gaz à effet de serre, dont le niveau continue de monter en flèche.

Des efforts de décarbonation encore insuffisants

Reste que le pays n'est pas non plus dans les clous pour respecter les exigences de l'accord de Paris, et donc limiter les efforts d'adaptation. En effet, la réponse de la France au réchauffement climatique « progresse mais reste insuffisante », estimait le Haut Conseil pour le climat (HCC) le 29 juin dernier, appelant à un « sursaut » dans son rapport annuel remis à la Première ministre. Notamment dans les transports, qui restent de loin le secteur le plus polluant, avec 31% des émissions nationales.  « Au 1er trimestre 2023, 18% des immatriculations de voitures neuves sont des voitures ''zéro émission'', contre 13% sur la totalité de 2022 », s'est défendu mardi Christophe Béchu, concédant néanmoins que la baisse des émissions « n'a pas encore commencé » dans ce secteur.

Or, même à +1,5°C à l'échelle mondiale, les canicules, inondations et autres événements extrêmes vont augmenter de manière « sans précédent » en termes d'ampleur, de fréquence, d'époque de l'année où elles frapperont et de zones touchées, souligne régulièrement le Giec. Et si cette hausse du mercure est inévitable, son niveau sera déterminant : chaque 0,5°C supplémentaire provoquera des augmentations « clairement perceptibles » de l'« intensité et de la fréquence » des événements extrêmes - vagues de chaleur, précipitations et sécheresses, peut-on lire dans l'un des derniers rapports.

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Des dommages difficilement mesurables

Surtout, de nombreuses incertitudes demeurent sur les conséquences en cascade d'un dérèglement du climat. S'il est certain qu'une France à +4°C en 2100 connaîtrait bien davantage de catastrophes naturelles, ainsi qu'une érosion de la biodiversité, la quantification des dommages engendrés « demande encore à être affinée », note ainsi l'économiste Jean Pisani-Ferry dans une note commandée par Elisabeth Borne et publiée lundi. Pour rappel, il y a à peine six mois, Emmanuel Macron affirmait lors de ses vœux que personne n'aurait pu prévoir l'intensité des incendies qui ont ravagé une partie du Sud-Ouest l'été dernier.

Interrogé sur les principaux risques pesant sur l'économie française, Christophe Béchu a, quant à lui, botté en touche ce mardi. « Je ne peux pas y répondre maintenant », a lâché le ministre. Et d'évoquer brièvement le « 1/3 des stations de ski françaises qui se retrouveraient sans enneigement garanti », les « impacts agricoles, qu'on ne modélise pas encore totalement », ou encore les « enjeux autour de l'adaptation des centrales nucléaires ».

« C'est l'enjeu de la consultation. [...] Il faut que les acteurs fassent remonter les sujets pour lesquels ils s'inquiètent, afin de s'assurer qu'il n'y ait pas d'angle mort ! », a-t-il précisé.

Il n'empêche, au-delà de cette politique volontariste, un chiffre fait tache : ces dernières années, les moyens accordés au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Céréma), l'établissement public chargé d'accompagner les territoires français dans l'adaptation au changement climatique, ont « fortement reculé », glisse un porte-parole à La Tribune. Selon l'Institute for Climate Economics (I4CE), 633 ETP travaillés ont ainsi disparu entre 2014 et 2021, même si le dernier projet de loi de finances (PLF) a acté un maintien à niveau. De quoi fragiliser considérablement le discours du gouvernement.

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Marine Godelier

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Commentaires 13
à écrit le 24/05/2023 à 17:05
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Cela prépare des "réformes" rémunératrices pour certain mais pas d'adaptation ! ;-)

à écrit le 24/05/2023 à 13:06
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Si vous avez l'impression d'être manipulé par ces discours écologiques apocalyptique, lisez le livre "Fin du monde et petits fours" de Edouard Morena, vous y trouverez des éléments de réponse.

à écrit le 24/05/2023 à 13:01
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Bonjour, Ils me semble avoir lu que la France est responsable de 1 % du réchauffement, faut ils conduire a la ruine notre pays pour une situation perdu d'avance.. Car ne pas oublié que la France fait déjà des efforts importants...

à écrit le 24/05/2023 à 8:00
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Cela semble tellement évident venant de ce gouvernement à la botte des financiers.

à écrit le 23/05/2023 à 22:15
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Des prévisions climatiques à 80 ans ? ? ? ? Un peu de sérieux SVP. Il est vrai que l’argent public, donc nos impôts, sont OpenBar pour les évangélistes climatiques. La crédibilité de la presse subventionnée est en chute libre, hormis quelques q...

à écrit le 23/05/2023 à 21:59
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Reprenez les prévisions du giec depuis sa création ...Aucune ne s'est réalisée Ce minustricule ne cherche qu'à faire le beuz pour exister .. c'est juste pitoyable comme le reste de la macronie

à écrit le 23/05/2023 à 21:37
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On nous conditionne pour mieux nous taxer. Y a t il en France un seul problème qu'un impôt ne puisse résoudre ? C'est d'ailleurs le seul pays au monde qui a ce reflexe de Pavlov. C'est le médicament universel. On se croirait dans une pièce de Molière...

à écrit le 23/05/2023 à 21:34
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Il y a 2 000 ans, les Gaulois voyaient leurs chefs passer leur temps à se battre entre eux, et avaient très peur que le ciel leur tombe sur la tête. On a vachement progressé, depuis. Que de temps perdu et d'agitation auto-entretenue : on ne se rend...

à écrit le 23/05/2023 à 21:30
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Le réchauffement climatique fait partie de l'histoire de l'humanité, et rien ni personne ne pourra l'empêcher. Partant de là, il serait bon d'arrêter de tenir des propos moralistes comme quoi il faudrait lutter contre le réchauffement, quand personne...

le 24/05/2023 à 9:08
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La France ne représente qu'un faible pourcentage des émissions de CO2. Quoiqu'elle fasse, la température va monter irrémédiablement. Ne pouvant lutter contre les nations polluantes, il est judicieux de se préparer au pire. Le COVID nous a montré notr...

à écrit le 23/05/2023 à 20:41
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Nous savons que rien n'enrayera la hausse des températures, le dérèglement climatique et que ce ne sont pas les COP et initiatives gouvernementales qui régleront le problème. Conclusion, à chacun de trouver des moyens pour s'adapter au mieux à la n...

le 23/05/2023 à 21:02
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Tout a fait c’est foutu

à écrit le 23/05/2023 à 20:22
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Si la Covid n'aura pas suffit à vous plomber le moral, que le conflit géopolitique en Ukraine non plus (sans compter toutes les urgences quotidiennes), alors pourquoi ne pas surfer sur la vague de la "stratégie du choc" climatique. Un juteux business...

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