Exploitation de lithium dans l'Allier : pourquoi le leader mondial Imerys temporise

Le groupe français, qui a multiplié par 8 son résultat net en 2021, se montre prudent quant à l'exploitation du lithium sur le territoire national, un métal devenu stratégique avec la transition énergétique et le boom des batteries pour véhicules électriques. Pourtant, il est devenu nécessaire pour la France et l'Europe de moins dépendre des importations de métaux, un marché dominé par la Chine, plaide Philippe Varin, auteur d'un rapport sur le sujet.
Robert Jules
En 11 mois, du 26 février 2021 au 3 février 2022, le prix du minerai de lithium a flambé de 303.3 %, passant de 9.100 dollars la tonne à 36.700 dollars, selon l'index Benchmark Mineral Intelligence.
En 11 mois, du 26 février 2021 au 3 février 2022, le prix du minerai de lithium a flambé de 303.3 %, passant de 9.100 dollars la tonne à 36.700 dollars, selon l'index Benchmark Mineral Intelligence. (Crédits : Reuters)

A l'occasion de la présentation de ses résultats annuels, le leader mondial des minéraux industriels Imerys s'est montré extrêmement prudent quant à la possibilité d'exploiter rapidement son gisement minier de lithium situé à Beauvoir dans l'Allier.

"Nous avons un projet en phase exploratoire minière et technique et, en 2022, nous avons l'intention de travailler sur le projet pour voir s'il peut avoir un sens économique et environnemental", a expliqué Sébastien Rouge, le directeur financier du groupe lors de la présentation des résultats 2021, cité par l'AFP, tout en précisant : "mais il n'y aura pas d'activité commerciale du lithium en 2022, nous devrons d'abord valider scientifiquement la présence et la quantité de lithium dans le gisement de kaolin."

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Le groupe s'est vu accordé par le gouvernement en 2021 une première prolongation jusqu'au 23 mai 2025 du permis exclusif de recherches de mines de lithium, étain, tantale, niobium, tungstène et béryllium dans le cadre du "Permis de Beauvoir". Il a par ailleurs reçu l'année dernière "quelques centaines de milliers d'euros" de subventions publiques dans le cadre du plan de France Relance pour l'aider à exploiter ce gisement.

La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a d'ailleurs confirmé cette orientation gouvernementale en déclarant ce jour dans Les Echos que "lorsque nous avons du lithium sur place, il faut assumer de pouvoir l'extraire sur notre territoire parce qu'on va le faire dans de bonnes conditions."

Une demande qui va quadrupler

Le lithium est en effet devenu un métal critique dont la demande et les prix s'envolent déjà. En 11 mois, du 26 février 2021 au 3 février 2022, le prix moyen mondial du lithium a flambé de 303.3 %, passant de 9.100 dollars la tonne à 36.700 dollars, selon l'index Benchmark Mineral Intelligence. Et d'ici à 2030, la demande va être quasiment multipliée par 4 en raison notamment des besoins pour la production de batteries pour les véhicules électriques, indiquait Philippe Varin lors d'une audition mercredi au Sénat. L'ancien président du directoire du groupe PSA Peugeot Citroën a rédigé à la demande du gouvernement le rapport "Sécuriser l'approvisionnement de l'industrie en matières premières minérales".

Durant la pandémie, la perturbation des chaînes d'approvisionnement a fait prendre conscience au gouvernement de la nécessité de réduire la dépendance de la France (et de l'Europe) aux importations de métaux stratégiques, un marché dominé en particulier par la Chine. Il fixe un objectif de 20% de l'offre européenne de lithium, de nickel, de cobalt d'ici 2030 pour permettre aux filières batteries pour véhicules électriques et aimants intelligents pour les éoliennes off shore de développer la production localement.

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Or comme le confie à l'AFP une source interne chez Imerys, "ce gisement est connu depuis les années 1970, s'il avait été facile et simple, le projet aurait été de l'avant". L'une des difficultés de se lancer dans un projet minier risqué est notamment l'opposition de l'opinion publique à une activité perçue comme polluante et dommageable à l'environnement. Un exemple récent l'illustre : la suspension d'un projet d'exploitation du lithium en Serbie confié au géant minier Rio Tinto d'un montant de 2,5 milliards d'euros après des manifestations à travers tout le pays, projet pourtant déjà bien avancé.

La nécessité d'accélérer la réforme du code minier

Conscient de la nécessité de faire de la pédagogie auprès du grand public, Philippe Varin a plaidé pour un statut de "mine responsable" à l'échelle européenne qui pourrait s'inspirait du rapport sur le code minier présenté en 2017 par la députée Marie-Noëlle Battistel.

Certes, les dispositions légales prises par le gouvernement en août 2021 pour inclure un volet environnemental vont dans ce sens, comme le souligne Barbara Pompili dans Les Echos en considérant que "le nouveau code minier [...] est protecteur pour l'environnement, et [...] pour les conditions sociales dans lesquelles on extrait ce matériau".

Mais aujourd'hui, il faut aller plus loin. L'ancien président de France Industrie plaide en faveur de l'établissement d'un label d'une mine durable qui a vocation à devenir une référence internationale en intégrant les contraintes des émissions de CO2, le stress hydraulique ou encore l'impact sur la biodiversité.

Pour cela, les mines doivent être incluses dans la nouvelle taxonomie européenne verte, qui liste les activités économiques ayant un impact favorable sur l'environnement et, surtout, pouvant faire l'objet de financements publics. "Sans financement, il n'y aura pas de développement du secteur minier", a répondu Philippe Varin aux membres de la Commission économique du Sénat. Ce mois-ci, après d'âpres débats, le nucléaire et le gaz naturel ont intégré cette liste.

La prudence d'Imerys sur l'exploitation de lithium à Beauvoir est donc logique en attendant cet éclaircissement sur le code minier. Le producteur de minéraux industriels, déjà confronté à une moindre acceptabilité des projets de carrières, se projette d'ailleurs dans "l'après-mines". Dans cette optique, il a lancé l'année dernière la construction d'une extension de son centre de recherche lyonnais consacrée aux minéraux synthétiques.

Un chiffre d'affaires en hausse de 15,4%

Le groupe a d'ailleurs le vent en poupe. Il a annoncé un résultat net qui a été multiplié par huit l'année dernière, à 240 millions d'euros contre 30 millions d'euros en 2020. Le chiffre d'affaires a progressé de 15,4% à 4,38 milliards d'euros, le résultat d'exploitation courant a bondi de 51,5% à 452 millions d'euros. Un dividende de 1,55 euro par action a été proposé par le conseil d'administration, soit une majoration de 35% par rapport à celui de 2020. L'excédent brut d'exploitation (Ebitda) s'est affiché à 761 millions d'euros, un résultat supérieur aux prévisions qui prévoyaient au mieux 755 millions d'euros, et en hausse par rapport aux 631 millions d'euros d'Ebitda obtenus en 2020.

Pour 2022, l'entreprise table sur "le maintien d'une demande soutenue pour les solutions minérales de spécialité du groupe", a indiqué son directeur général Alessandro Dazza, dans un communiqué.

 > Retrouvez notre dossier spécial : Métaux stratégiques, la bataille que ne doit pas perdre l'Occident.

Une métaux ES

Robert Jules

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Commentaires 8
à écrit le 27/10/2022 à 13:18
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Franchement. On.ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. La contemplation de beau paysage préservé ne va pas vous nourrir et vous garantir la sécurité en cas de crise économique et social... on a pas vraiment le choix, sans énergie, sa...

à écrit le 27/10/2022 à 13:17
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Franchement. On.ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. La contemplation de beau paysage préservé ne va pas vous nourrir et vous garantir la sécurité en cas de crise économique et social... on a pas vraiment le choix, sans énergie, sa...

à écrit le 21/02/2022 à 18:23
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J'aime bien la notion de l'argent dans ce pays.. chez les scandinaves, bataves, germains on serait un tantinet moins dilettante : .... " Il a par ailleurs reçu l'année dernière "quelques centaines de milliers d'euros" de subventions publiques dans l...

à écrit le 19/02/2022 à 5:51
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Pompili prête à défigurer nos paysages pour extraire du lithium....elle n'est plus à une contradiction près. Moi je refuse !

à écrit le 18/02/2022 à 23:37
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la "transition écologique" va être une nouvelle catastrophe de pollution... c'est pour cela qu'ils ciblent délibérément sur "le climat" et les énergies carbonées... afin de faire oublier que leur transition électrique et informatique sera un désastre...

le 19/02/2022 à 11:03
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Et pomper du pétrole puis le brûler n'est pas un désastre environnemental ?

à écrit le 18/02/2022 à 19:06
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Le Lithium est présent en grande quantité dans l'écorce terrestre, et peut être extrait via des méthodes plus respectueuses dans l'environnement (extraction de lithium géothermal notamment). Les métaux qui vont réellement manquer pour produire des ...

le 19/02/2022 à 11:04
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LFP lithium fer phophate. Ni nickel ni cobalt.

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