En pleine difficulté financière, et alors que l'entreprise a reçu deux offres reprises cette semaine, la maison mère de Casino, Rallye, doit passer en audition vendredi matin devant la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Cette dernière a ouvert une enquête à son endroit à l'automne 2018, selon un écrit affiché à l'entrée des locaux du gendarme des marchés, ce jeudi 6 juillet.
La commission des sanctions de l'AMF siège à partir de 9 heures dans une séance publique concernant « une procédure engagée à l'encontre de la société Rallye et M. Franck Hattab », devenu mi-juin son directeur général. L'audition peut durer plusieurs heures. Elle voit notamment le représentant du collège de l'AMF demander des sanctions comme des amendes, des avertissements ou des interdictions d'exercer, en fonction de la nature des griefs. La commission des sanctions rend ensuite sa décision plusieurs semaines plus tard.
Casino croule sous les dettes
Difficile d'en l'immédiat d'en savoir plus : l'AMF ne communique pas les griefs reprochés à une entreprise en amont de la séance. Sollicité par l'AFP, Rallye n'a pas souhaité faire de commentaire. Néanmoins, dans son document d'enregistrement universel 2022, Rallye prévenait qu'une « enquête de l'Autorité des Marchés Financiers » avait été « ouverte à l'automne 2018 ».
À la suite de celle-ci, Rallye « a fait l'objet d'un renvoi devant la commission des sanctions ». Toujours dans ce document, Rallye y avertit que « la sanction éventuelle » dans le cadre de la procédure en cours est « susceptible de remettre en cause sa continuité d'exploitation ». La procédure de sauvegarde concernant Rallye, décidée en 2020, pourrait être convertie « en redressement judiciaire, voire en liquidation judiciaire », selon le groupe.
Si l'issue de l'audition n'est pas encore connue, elle intervient dans un contexte déjà très mouvementé pour la société. Rallye est la holding par laquelle Jean-Charles Naouri contrôle le distributeur Casino, qui tente depuis plusieurs semaines de survivre à ses colossales dettes.
Deux offres sur la table
Les deux offres de reprise ont été présentées mercredi aux créanciers du distributeur en grande difficulté, sous l'égide des conciliateurs désignés par le tribunal de commerce de Paris pour assister le groupe dans la réduction de sa dette. Le groupe, qui emploie 200.000 personnes dont un gros quart en France, avait annoncé que les deux offres seraient présentées « aux créanciers dans le cadre d'une réunion organisée le 5 juillet sous l'égide des conciliateurs » et deux sources au fait du dossier ont indiqué à l'AFP que la réunion avait eu lieu mercredi matin. Sollicité par l'AFP, Casino n'a pas souhaité faire de commentaire.
Les équipes du duo de milliardaires Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière, et du trio Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari, ont fait part de leur projet aux créanciers du groupe. Les seconds avaient indiqué mardi prévoir d'investir « avec (des) partenaires financiers » 900 millions d'euros dans le groupe Casino. Cet apport se fera pour moitié sous forme de fonds propres et, pour l'autre moitié, d'une émission de dette, avait précisé Casino mardi soir. Ils revendiquent le « soutien d'un groupe important de créanciers » de Casino, et leur offre prévoit, selon le distributeur, le « maintien du niveau d'emplois » actuel.
En face, Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière ont fait une offre ferme. Ils prévoient d'apporter au total 1,35 milliard d'euros de fonds propres (dont environ 900 millions par leurs soins) et de convertir 5 milliards d'euros de dette brute en environ 500 millions d'euros de capital.
Casino aura le dernier mot
Face aux créanciers, leurs équipes ont notamment proposé de multiplier dans les hyper et supermarchés les partenariats avec des « leaders dans leurs métiers » à qui concéder de la surface commerciale, citant notamment les fruits et légumes, la boucherie, la boulangerie ou la high-tech, selon une source au fait des discussions. Selon cette même source, il a également été évoqué l'« étude de synergies aux achats » avec le groupe Metro, dont Daniel Kretinsky est un important actionnaire. Le milliardaire tchèque est également le premier actionnaire du groupe Fnac Darty.
Mardi soir, Casino a indiqué que leur offre ne faisait « pas de mention explicite du niveau de maintien de l'emploi ». Ces offres d'apport en fonds propres s'inscrivent dans le cadre de la procédure de conciliation entamée fin mai par le groupe. Casino tente de renégocier son important endettement - 6,4 milliards d'euros de dette nette - avec ses créanciers, mais a aussi besoin de fonds propres.
Il ne s'agit pas d'offres déposées à la barre d'un tribunal de commerce, comme dans le cas d'un redressement judiciaire par exemple. Dans le cadre d'une conciliation, c'est l'entreprise, en l'occurrence Casino, qui aura le fin mot quant aux solutions choisies.
Le distributeur a toutefois indiqué mardi que « quel que soit le plan de restructuration final, les actionnaires de Casino seraient massivement dilués », ce qui mettrait fin au contrôle de l'entreprise par son patron historique Jean-Charles Naouri. Le cours de l'action du distributeur a plongé de 32,94% à 3,07 euros mercredi à la clôture, évoluant à ses plus bas historiques.
Pour rappel, le distributeur Casino est visé par une enquête depuis le 5 février 2020 pour des faits de « manipulation de cours en bande organisée, corruption privée active et passive » et « délit d'initié commis courant 2018 et 2019 », avait indiqué en mars 2023 le Parquet national financier (PNF) à l'AFP. Le PNF avait précisé que l'enquête, qui fait suite à un signalement de l'Autorité des marchés financiers, a trait au cours de Bourse de la société « durant cette période ».
(Avec AFP)
Sujets les + commentés