
LA TRIBUNE - Comment évaluez-vous le volume actuel des réservations ?
JEAN-PIERRE MAS - Au cours des quatre premiers mois de 2021, le niveau de réservations représentait entre 10% et 20% de celui observé au cours de la même période de 2019. Du 1er au 15 mai, il a atteint 50%. Et depuis le 19 mai, il est au même niveau. La reprise est donc récente et se maintient bien.
Quelles sont les destinations les plus prisées ?
Tout simplement celles qui sont ouvertes. Ainsi, les réservations sont essentiellement orientées pour l'été vers les pays du sud de l'Union européenne : Espagne, Italie, Grèce, Portugal et Croatie. Depuis quelques jours, nous enregistrons également des réservations vers des pays hors Union européenne comme la Tunisie qui est une importante destination d'été, ou encore des destinations plus lointaines comme la République dominicaine, le Mexique, les Seychelles ou les Maldives et les Etats-Unis.
Justement, comment avoir plus de visibilité sur le long courrier ?
Cela dépend des autorisations données par le gouvernement français d'aller dans ces pays et d'en revenir, ainsi que de la volonté de ces destinations d'accueillir les voyageurs français. Aujourd'hui, sous réserve de fournir un test PCR ou une preuve de vaccination, la circulation est libre en l'Europe et vers sept pays dits « verts » : Singapour, le Royaume-Uni, la Corée du Sud, Israël, le Japon, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, qui ne sont pas très touristiques pour les vacances d'été. Nous espérons un élargissement de cette liste dans les prochains jours.
Comment se porte l'offre des opérateurs de voyage ?
Actuellement l'offre est supérieure à la demande. Globalement, il y a du stock, on peut réserver, on peut voyager. Ensuite, les opérateurs de voyage, qui ont été échaudés l'an dernier, voient l'avenir avec prudence et circonspection, même si, pour la première fois les signaux sont au vert.
Vont-ils se positionner davantage sur la France ?
Oui, sans aucun doute. Ils ont commencé l'an dernier à se positionner sur ce créneau qui sera encore privilégié par les Français cet été. Mais les vacances en France ne sont pas naturellement "intermédiées". Quand vous partez en vacances dans votre famille, chez des amis, quand vous louez une chambre d'hôte ou un gîte, l'intervention d'un professionnel entre le voyageur et le lieu de vacances ne se justifie pas.
L'offre aérienne est-elle au rendez-vous ?
Les avions et le personnel sont disponibles. En matière d'offre il n'y a pas de difficulté. Mais les compagnies, qui ont été secouées par la crise, maîtrisent leur offre afin d'appliquer une politique tarifaire soutenue et ne pas dégrader leur recette. Mais cela ne durera pas longtemps. Avec le temps, la concurrence va se remettre à jouer, ce qui amènera les compagnies à réduire les prix. Globalement, en 2021 les vacances à l'étranger ne seront pas plus chères qu'en 2019.
Le pass sanitaire européen aura-t-il un effet favorable sur les voyages cet été?
Le pass sanitaire sera prêt fin juin. Il va conduire à une harmonisation des règles européennes, sauf situation pandémique exceptionnelle dans un pays de l'Union Européenne. Il facilitera et fluidifiera la circulation à l'intérieur de l'espace européen. La France qui exige encore un test PCR négatif pour les voyageurs vaccinés devrait adopter la politique globale de l'Europe : test ou vaccin. Il en va de la compétitivité du pays par rapport à ses concurrents européens. Il est également probable que le QR Code qui fournira les informations sur la situation de son détenteur permette prochainement de voyager vers des destinations non-européennes. Même si les technologies adoptées par l'Europe et les Etats-Unis sont différentes, la lecture devrait être possible.
Quelles sont les conditions actuelles de réservation des voyages depuis la France ?
Afin de se protéger, le voyageur a intérêt à réserver un « forfait » incluant le vol et d'autres prestations auprès d'une agence de voyage, physique ou en ligne. Ainsi, si la destination n'est pas accessible pour raison sanitaire ou autre, il sera remboursé immédiatement de l'intégralité de leur forfait. Rappelons que si le voyageur réserve un billet d'avion seul, que le pays n'est pas accessible pour des raisons sanitaires, mais que la compagnie continue d'assurer les vols, elle n'a aucune obligation de rembourser. Le passager ne sera donc remboursé que si, comme Air France, la compagnie s'est engagée commercialement à le faire.
Les réservations vont-elles continuer à augmenter dans les prochaines semaines ?
Oui, les Français anticipent peu leurs vacances et ont réduit le délai entre la réservation et le départ. Ils réservent à la dernière minute car ils ne veulent pas prendre de risque de ne pas pouvoir partir en raison d'une dégradation de la situation sanitaire. On sent qu'ils sont partagés entre attentisme et désir de retrouver le goût de l'évasion. Les Français voyageront cet été.
Quand pensez-vous que l'activité retrouvera son niveau de 2019 ?
Tout dépend de l'évolution des conditions sanitaires, non seulement en France mais aussi dans le monde. Ce sont des données que nous ne maîtrisons pas. Si l'on s'en tient à la situation actuelle, on peut dire qu'il y a une volonté de voyager. D'ailleurs les Français le déclarent : 74% d'entre eux disent vouloir consacrer à leurs vacances un budget égal ou supérieur à celui de 2019. Mais cette volonté est tout même plus orientée vers la France car il y a une crainte d'un revirement politique avec la fermeture des frontières ou des voyageurs pris en otage... Alors que plus de 20% des Français prennent leurs vacances à l'étranger d'habitude, cette année nous ne constatons que 14% de déclarations d'intention de le faire. Pourtant notre secteur est tributaire des voyages à l'étranger : il y a donc un optimisme relatif et mesuré.
Identifiez-vous des freins à la reprise du tourisme cet été ?
La question sanitaire constitue le premier frein, le second c'est la médiatisation, et le frein qui disparaît progressivement est la crainte de s'éloigner de son domicile.
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