Carburants verts dans l'aviation : l'Europe adopte (enfin) une réglementation

RefuelEU Aviation est enfin adopté. Présenté en 2021, il aura eux besoin de deux procédures de concertations entre les institutions européennes, de négociations entre lobbies aériens et environnementaux, et surtout d'un compromis entre la France et l'Allemagne sur fond de nucléaire pour être définitivement validé. De fait, à partir de 2025, les avions au départ de l'Europe devront embarquer une part de carburants d'aviation durables, les fameux SAF.
Léo Barnier
Le Parlement européen a définitivement validé le texte RefuelEU Aviation, sur les carburants d'aviation durables.
Le Parlement européen a définitivement validé le texte RefuelEU Aviation, sur les carburants d'aviation durables. (Crédits : YVES HERMAN)

C'est un véritable feuilleton qui s'achève. Après deux années faites de travail, mais aussi de beaucoup de négociations et de tergiversations, le règlement européen RefuelEU Aviation a enfin été définitivement adopté par les institutions européennes. Mercredi, le Parlement a donné son feu vert final à ce texte - le dernier encore à adopter dans le cadre de Fit for 55, le Pacte vert européen - qui fixe des mandats d'incorporation de carburants d'aviation durables (SAF) pour les vols au départ des aéroports européens.

En dépit des débats suscités tout au long du processus législatif, avec notamment l'échec fin 2022 d'un trilogue (procédure de négociations entre la Commission, le Conseil de l'UE et le Parlement européen pour trouver un consensus sur un texte de loi), RefuelEU a été largement adopté par les eurodéputés en session plénière à Strasbourg : 518 voix pour, 97 contre et 8 abstentions.

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Une montée en puissance progressive

Conformément à l'accord trouvé en avril, à l'issue d'un second trilogue, ce texte instaure à partir de 2025 l'obligation d'incorporer en moyenne 2 % de SAF dans le kérosène des vols en Europe et au départ de l'Europe, puis 6 % en 2030 avant une accélération : 20% en 2035, 34% en 2040 et 42% en 2045 pour un objectif final de 70% d'incorporation en 2050.

Ce volume de SAF sera essentiellement composé de biocarburants (obtenus à partir de matières organiques) dans un premier temps. Mais à partir de 2030, il devra aussi comprendre une partie de de carburants synthétiques (ou e-fuels).  Elle sera de 1,2% en 2030, puis 5% en 2035, avant, là aussi, une accélération pour arriver à 35% en 2050. Si cette trajectoire est respectée, ces carburants synthétiques, produits à partir de CO2 et d'hydrogène, représenteront alors la moitié des carburants durables en Europe.

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Ce sont ces carburants synthétiques qui ont constitué le principal point de friction dans les négociations, en particulier sous la pression des Etats français et allemand. L'Allemagne souhaitait obtenir des mandats élevés, tandis que la France mettait comme condition la possibilité d'utiliser de l'électricité d'origine nucléaire pour la production d'hydrogène bas carbone au même titre que les énergies renouvelables. Une contrepartie obtenue de haute lutte par Paris, et sans limitation à 50% de la production, comme souhaitait l'imposer Berlin.

Les SAF doivent ainsi constituer le principal vecteur de décarbonation du transport aérien européen dans le cas présent, mais aussi mondial. Ils devraient représenter près des deux tiers de l'effort pour atteindre l'objectif que s'est fixé le secteur - au niveau des compagnies aériennes avec l'Association internationale du transport aérien (IATA) et au niveau des Etats avec l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) - à savoir atteindre le zéro émission nette en 2050. Le transport aérien représente aujourd'hui environ 4 % des émissions de CO2 dans le monde.

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Réactions partagées

L'alliance Destination 2050, qui représente les cinq principales associations professionnelles du transport aérien européen - dont Airlines for Europe (compagnies) et l'ACI Europe (aéroports) - se sont félicités de cette adoption, qui « marque une étape importante et opportune dans la réalisation des objectifs ambitieux de décarbonisation définis dans la feuille de route Destination 2050 ».

Elle estime que « les investisseurs et les partenaires industriels de l'UE ont désormais reçu un signal clair pour libérer leurs investissements, l'UE doit veiller à ce que l'augmentation requise de la consommation de SAF stimule l'industrie européenne des SAF ». L'Alliance demande désormais que les SAF soient inclus dans le Net Zero Industry Act (NZIA) afin que l'Europe puisse réellement se lancer dans la course à la production, notamment face aux Etats-Unis qui avancent à grandes enjambées avec les incitations de l'Inflation reduction act (IRA).

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A contrario, Matteo Mirolo, responsable de la politique d'aviation durable au sein de l'ONG Transport & Environment, a mis en garde contre les limites des SAF, à commencer par la faiblesse de la production.

« C'est une technologie qui a fait ses preuves sur le plan climatique. Mais compte tenu des prévisions de croissance du secteur, il n'est pas réaliste d'imaginer produire suffisamment de carburants verts pour tous ces vols », a-t-il déclaré à l'AFP.

La production est encore balbutiante avec seulement 1 % de SAF utilisé dans le monde l'an dernier quand les avions peuvent en emporter jusqu'à 50 % aujourd'hui. Outre la disponibilité, le prix - 2 à 4 fois plus élevé que celui du kérosène - constitue également un frein. L'ONG appelle ainsi à limiter la croissance du trafic, afin d'éviter que le carbone issu du transport aérien ne continue de s'accumuler jusqu'en 2050.

Léo Barnier

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