Ryanair joue à quitte ou double avec le Boeing 737 MAX

La compagnie low-cost irlandaise a commandé ce jeudi 75 nouveaux 737 MAX. Avec les 135 exemplaires déjà commandés, le carnet de commandes de Ryanair s'élève à 210 appareils qui seront livrés d'ici à 2026. Les rabais énormes dont la compagnie a dû bénéficier vont lui donner un avantage compétitif pour creuser l'écart dans le ciel européen. A condition bien entendu que les passagers ne boycottent pas l'avion. Cette commande est-elle donc le coup du siècle pour la compagnie ou marque-t-elle le début de sa chute? Analyse.
Fabrice Gliszczynski
(Crédits : Jason Cairnduff)

Faut-il y voir un coup de maître qui permettra à Ryanair d'accroître sa suprématie dans le ciel européen, ou bien la décision qui se transformera demain en cauchemar ? C'est l'une des questions qui se pose après l'annonce fracassante de la compagnie low-cost irlandaise de commander en pleine crise davantage de Boeing 737 MAX, cet avion cloué au sol depuis près de 21 mois pour des raisons de sécurité à la suite de deux accidents mortels ayant fait 346 victimes.

Deux semaines à peine après le feu vert américain de remettre l'appareil en service -ce qui sera effectif fin décembre- la compagnie low-cost a en effet converti ce jeudi en commandes fermes 75 options d'achat de cet appareil, lesquelles, s'ajoutant aux 135 exemplaires déjà commandés, portent ainsi la commande de MAX de Ryanair à 210 exemplaires. Une simple conversion d'options qui pourrait donner suite à une autre grosse commande de MAX au cours des 18 prochains mois, a indiqué à Reuters le directeur général du groupe, Michael O'Leary.

Même si ce dernier n'a jamais caché son intention de passer commande dès que l'avion serait autorisé à revoler, l'annonce d'aujourd'hui n'en est pas moins retentissante puisqu'elle signe la première grosse commande de MAX depuis son interdiction, mais aussi la première grosse commande d'avions depuis le début de la crise du Covid-19. Surtout, elle s'apparente à un énorme coup de poker. Car cette commande peut permettre à Ryanair de distancer ses concurrents, comme elle peut provoquer sa chute.

Une flotte de 600 avions en 2026

En effet, une telle commande s'accompagne évidemment d'un énorme rabais. Déjà en temps normal, des compagnies aussi puissantes que Ryanair peuvent obtenir des rabais de plus de 50% par rapport au prix catalogue. Selon certains experts, le discount arraché par Ryanair peut, en incluant les indemnisations pour les retards de livraisons, dépasser 70%, soit un prix inférieur à 30 millions de dollars pièce, contre 125 millions de dollars inscrits dans le catalogue des ventes. Autrement dit, en achetant ces avions pour une bouchée de pain, le transporteur irlandais va ainsi disposer d'un avantage compétitif considérable sur ses concurrents qui renforceront son modèle low-cost et sa capacité à afficher des prix attractifs. D'autant plus que les performances de cet avion permettent de baisser fortement la consommation de carburant (16% selon Ryanair) et les coûts d'exploitation. Avec ces 210 nouveaux avions qui entreront dans la flotte d'ici à 2026, Ryanair compte exploiter à cet horizon 600 appareils, contre 453 l'an dernier, pour transporter 200 millions de passagers, contre 149 millions en 2019. De quoi augmenter les parts de marché de Ryanair à l'heure où la quasi-totalité des compagnies aériennes réduisent la voilure.

L'avion sera-t-il boycotté?

Ce contrat serait donc à l'évidence le coup du siècle, s'il ne s'agissait pas du Boeing 737 MAX avec tous les doutes qui entourent l'acceptation des passagers à monter à bord. L'avion sera-t-il boycotté ? Ou bien les passagers oublieront très vite les déboires de cet appareil si les mois qui suivent la remise en service se déroule bien ? C'est la grande question. Les exemples du passé ont montré que les passagers avaient la mémoire courte. D'autant plus quand les prix sont attractifs comme le sont ceux de Ryanair...

"Dans l"éventualité où des passagers préfèrent attendre plusieurs mois avant de remonter à bord, la faiblesse actuelle du trafic limite l'impact négatif pour les compagnies", explique Yan Derocles, analyste chez Oddo BHF.

Les premiers des 50 exemplaires attendus en 2021 par Ryanair devant arriver en avril, la compagnie irlandaise sera dépendante en partie du retour d'expérience des compagnies américaines, dont certaines vont faire revoler l'avion dès fin décembre. Si tout s'est passé sans encombre Outre-Atlantique, les passagers européens auront moins de réticences à embarquer dans les MAX. Reste donc à voir si ce sera le cas. Car jamais un problème d'avion n'a été aussi médiatisé que ceux rencontrés par le B737 MAX. Notamment aux Etats-Unis où cette affaire au retentissement énorme a jeté le discrédit sur Boeing et la direction fédérale de l'aviation civile américaine, la FAA.

Un avion qui n'a pas le droit à l'erreur

A tel point qu'à l'heure des réseaux sociaux, l'avion va se retrouver sous les feux des projecteurs dès sa remise en service, avec le risque que le moindre pépin technique, comme cela est courant dans l'aéronautique, prenne des proportions irrationnelles. Le risque pour tous les clients de l'avion: que de tels incidents se multiplient et dissuadent les passagers de voler sur le MAX, à un point tel que Boeing soit obligé de lancer un nouvel appareil. Un cauchemar pour tous les opérateurs du MAX qui verrait la valeur résiduelle de leur flotte 737 MAX, mais aussi celle de tous les 737 NG, réduite à néant.

"Avec un tel scénario, de gros acteurs peuvent vaciller", indique Yan Derocles.

Un scénario qui semblerait inéluctable en cas de nouvel accident, même si la responsabilité de l'avion n'était pas en cause. Le B737 MAX n'a pas le droit à l'erreur.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 6
à écrit le 05/12/2020 à 12:34
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Comme vous pouvez être négatifs les journalistes en France c'est terrible de vous lire ou vous écouter....des qu'on cité Raynair

à écrit le 04/12/2020 à 19:26
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le moindre incident va etre hypermediatise,surement pas une bonne pub,mais les tarifs ont du etre tres attractifs

à écrit le 04/12/2020 à 11:03
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Pourquoi le consommateur européen, français en particulier devrait soutenir des cies dt la cupidité n'est plus à démontrer ( dt Boeing indirectement...), sachant que l'offre low cost est pléthorique ds le ciel européen, que l'on connait par le net, ...

à écrit le 04/12/2020 à 8:32
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Les passagers ne boycotterons pas l'avion tant qu'il n'y en a pas un autre qui tombera, comme vous dites c'est un énorme pari, bel et bien un quitte ou double.

à écrit le 04/12/2020 à 6:55
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Pas dit que ce soit le bon choix.

à écrit le 03/12/2020 à 23:16
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Très bonne affaire ! Ne doutons pas que les accrocs au voyage en avion "à pas cher" vont se précipiter en masse pour faire du tourisme de masse...comme quoi le Monde est vraiment "à la masse" avant de finir en un court circuit géant qui fera sauter l...

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