Sorti de la crise, Lufthansa poursuit son recentrage stratégique

Réorganisation et recentrage autour de l'activité aérienne, vente partielle de Lufthansa Technik, cession rapide du « catering », investissements massifs sur le long-courrier… le futur visage du groupe Lufthansa se dessine alors que la crise s'éloigne.
Léo Barnier
Tout juste reconduit pour cinq ans en compagnie de son directeur financier Remco Steenbergen, le patron du groupe Lufthansa Carsten Spohr poursuit son plan de transformation.
Tout juste reconduit pour cinq ans en compagnie de son directeur financier Remco Steenbergen, le patron du groupe Lufthansa Carsten Spohr poursuit son plan de transformation. (Crédits : Reuters)

Au sortir d'une « année extraordinaire » à en croire son directeur général Carsten Spohr, le groupe Lufthansa a laissé la crise derrière lui : il est en passe d'achever sa restructuration et peut désormais s'appuyer sur des résultats largement positifs et un bilan financier renforcé. Une position qui lui permet aujourd'hui d'accélérer son évolution stratégique engagée au plus fort de la crise sanitaire, avec un recentrage de son activité de transporteur aérien, et le développement de son offre internationale.

Pendant la crise, Lufthansa n'a pas hésité à trancher dans le vif pour réduire ses coûts. Sur un objectif de 3,5 milliards d'euros d'économies à atteindre d'ici 2024, le groupe allemand en est déjà à 3,2 milliards. Il a ainsi supprimé plusieurs dizaines de milliers d'emplois, passant de 137.000 salariés avant la crise à 105.000 en 2021. Peut-être est-il même aller un peu trop loin au vu des perturbations connues cet été, avec une reprise de la demande qui a excédé les capacités opérationnelles et l'a obligé à annuler des vols. De fait, Lufthansa réembauche massivement avec l'objectif de remonter à 115.000 salariés cette année, et va limiter ses capacités à un niveau compris entre 85 % et 90 % de celui de 2019.

Objectifs financiers confirmés

Cela n'a pas empêché Carsten Spohr - tout juste reconduit à son poste pour cinq ans - de confirmer ses objectifs financiers à fin 2024, lors de la présentation des résultats annuels vendredi dernier. Avec une offre qui doit revenir à 95 % de celle de 2019, Lufthansa vise une marge opérationnelle ajustée de 8 %, soit près du double de celle de 2022, et une rentabilité des capitaux investis d'au moins 10 %, soit une amélioration de trois points.

En parallèle, Lufthansa poursuit également sa transformation structurelle. Pour Remco Steenbergen, directeur financier du groupe lui aussi reconduit, « une chose est claire, nous voulons passer d'un groupe d'aviation à un groupe de compagnies aériennes ». Ce processus engagé en 2021 doit permettre de séparer Lufthansa en tant que compagnie aérienne et les fonctions centrales du groupe, pour obtenir une holding fonctionnelle chapeautant l'ensemble des compagnies (Lufthansa, Swiss, Austrian Airlines, Brussels Airlines, Eurowings, Lufthansa Cargo) et des services (Lufthansa Technik, AirPlus, LSGgroup).

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Lufthansa Technik bientôt vendue

Cette transformation s'accompagne d'un recentrage autour du cœur de métier du groupe, à savoir le transport de passagers et de marchandises. Si du mouvement était prévu dès 2022, rien n'a bougé jusque-là. Mais Remco Steenbergen a profité de la présentation des résultats annuels pour annoncer que le périmètre de l'activité pourrait évoluer prochainement. Et c'est Lufthansa Technik qui pourrait être la première concernée. Le groupe a engagé de premières discussions pour la cession partielle de sa filiale de maintenance.

« L'intérêt est très fort, mais il est trop tôt pour tirer des conclusions », a indiqué le directeur financier, qui n'a pas voulu préciser s'il s'agissait d'un investisseur financier ou d'un possible partenaire industriel. De même, Remco Steenbergen assure que plusieurs solutions sont étudiées : la recherche d'un partenaire avec une cession partielle du capital est privilégiée avec l'objectif d'aboutir cette année, mais en cas d'échec une entrée en bourse reste possible l'an prochain.

« Ces dernières semaines, nous avons entamé les premières discussions avec des investisseurs dans le but de trouver un partenaire possédant l'expertise nécessaire à la création de valeur et à l'expansion de Lufthansa Technik », Remco Steenbergen, directeur financier du groupe Lufthansa.

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Une opération lucrative

Si Lufthansa entre dans un tel processus, c'est que sa filiale de maintenance vaut cher. C'est même l'une des vaches à lait du groupe, générant un chiffre d'affaires de l'ordre de 3,5 milliards d'euros pour un résultat opérationnel ajusté supérieur à 400 millions d'euros. Si l'effondrement de l'activité en 2020 a entrainé des pertes, l'activité est repassée dans le vert dès 2021 avant de décoller en 2022, bien aidée par la forte demande généralisée pour des capacités de maintenance avec la reprise du trafic. Elle a dépassé les 4 milliards de chiffre d'affaires pour un bénéfice opérationnel ajusté de plus de 500 millions d'euros.

A titre de comparaison, l'activité passagers a été la plus déficitaire avec un résultat d'exploitation (Ebit) ajusté de -300 millions d'euros, même si c'est dix fois mieux qu'en 2021, tandis que le cargo a continué de surperformer à 1.600 millions d'euros. Ce qui peut interroger sur le bien fondé de ce recentrage stratégique.

Carsten Spohr affirme d'ailleurs être « très content » de Lufthansa Technik et assure que cette opération n'est pas due à un besoin de liquidités, avec 10,4 milliards d'euros disponibles, soit plus que l'objectif fixé, et une dette divisée par deux depuis 2020. Avec moins de 9 milliards d'euros, elle est même largement inférieure aux 13 milliards d'avant la crise. De même pour le flux de trésorerie libre, qui a atteint le niveau record de 2,5 milliards d'euros en 2022. Il assure également qu'il n'y a aucune urgence à mener cette opération.

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Des investissements à assumer

Pourtant, le patron du groupe reconnait qu'il serait difficile de mener plusieurs grands investissements de front et qu'au vu des « grands investissements pour de nouveaux avions, il serait sans doute mieux pour Lufthansa Technik si quelqu'un était là avec une participation de 20 % » pour assurer son développement et lui permettre de se renforcer dans un marché actuellement en consolidation.

Deux autres activités pourraient être cédées prochainement, mais dans une optique différente. Il s'agit là de sortir deux branches en difficulté. Il s'agit tout d'abord LSG Group, spécialisé dans le « catering » (restauration) et la vente à bord, qui générait des marges limitées avant crise mais qui enchaîne les pertes depuis. Vient ensuite Airplus International, fournisseur de services de paiement et de facturation pour les voyages d'affaires, également déficitaire. « Nous avons l'intention de vendre les deux entreprises dès que nous pourrons en tirer toute la valeur. Le plus tôt sera le mieux », annonce sans détour Remco Steenbergen. Des discussions ont été engagées l'an dernier pour la cession de LSG Group et le directeur financier se montre confiant quant à une issue positive, mais prévient qu'un échec est toujours possible.

Lufthansa pourrait dégager quelques milliards d'euros de ces trois transactions, en particulier grâce au dynamisme de Lufthansa Technik. Cela devrait permettre de contribuer aux investissements sur la flotte, mentionnés par Carsten Spohr. Le groupe vient en effet de commander 22 nouveaux appareils long-courriers supplémentaire, à savoir 15 Airbus A350 et 7 Boeing 787, pour un montant estimé à 7,5 milliards de dollars selon les prix catalogue. Il doit désormais recevoir pas moins de 174 avions d'ici 2030, dont la moitié de long-courriers (avions cargo compris). Ils permettront d'assurer le renouvellement de la flotte mais aussi de la croissance, selon le patron de Lufthansa, en particulier à l'international.

Léo Barnier

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