Faillite de WeWork aux Etats-Unis : effet domino sur le marché français du bureau flexible ?

Le leader mondial du bureau flexible a annoncé, dans la nuit du 6 au 7 novembre, son dépôt de bilan outre-Atlantique. Que s'est-il passé ? Ses rivaux lorgnent-ils la place de champion du monde ? La filiale française sera-t-elle la prochaine sur la liste ? Le marché français résiste-t-il mieux que le marché américain ? Eléments de réponse.
César Armand
Wework, leader mondial du bureau flexible a annoncé son dépôt de bilan outre-Atlantique.
Wework, leader mondial du bureau flexible a annoncé son dépôt de bilan outre-Atlantique. (Crédits : Reuters)

La nouvelle est tombée dans la nuit du 6 au 7 novembre : le leader mondial du bureau flexible a annoncé son dépôt de bilan outre-Atlantique. « WeWork et certaines de ses filiales ont entamé une procédure de mise sous protection du ''chapitre 11'' et ont l'intention de déposer une procédure de reconnaissance au Canada dans le cadre de la loi sur les accords entre entreprises et créanciers », a fait savoir le groupe dans une déclaration transmise à la presse.

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Pourtant, sur le papier, le modèle économique de la major américaine était simple et ingénieux. Elle loue des immeubles à des propriétaires qu'elle sous-loue ensuite à des clients qui ont besoin d'espaces flexibles - bureaux, salles de réunion... - pendant une période plus ou moins longue.

«Mais WeWork, c'est surtout l'histoire de deux petits génies qui ont sous-estimé tous les coûts (maintenance, marketing...) et surestimé tous les revenus, sauf qu'ils ont trouvé des argentiers pour les soutenir dans leur funeste aventure et même pour les pousser à aller toujours plus vite, à ouvrir toujours plus de site et à s'engager sur des loyers toujours plus chers », décrypte Vincent Pavanello, co-fondateur de l'association Real Estech, qui promeut la technologie dans l'immobilier.

Après trois ans et demi de montée en puissance de télétravail aux Etats-Unis et au Canada, le château de cartes est donc finalement tombé.

Un modèle économique critiqué même par les concurrents

Qu'en pensent alors ses rivaux qui lorgnent la place de champion du monde ? Prudent, son principal challenger IWG déclare à La Tribune « ne pas souhaiter commenter la situation de ses concurrents », tandis que les autres acteurs du bureau flexible se montrent beaucoup plus « cash ».

« Depuis le départ, la boîte a été gérée n'importe comment. Elle n'a pensé qu'à grandir sans réfléchir à son modèle économique en créant une culture de la croissance à tout prix. Cela renvoie une mauvaise image de notre industrie », pointe ainsi Clément Alteresco, CEO de Morning.

Pour le conseiller en immobilier d'entreprise Boris Capelle, à la tête de Savills France : « La fragilité du modèle WeWork vient de sa structure. Mais d'autres modèles sont nettement plus profitables ».

La filiale française sera peut-être la prochaine sur la liste

D'autant que l'histoire ne dit pas - encore - si la filiale hexagonale va être impactée. « Nos activités en France - 19 bâtiments pour un total de 150.000 mètres carrés à Paris et dans sa région - ne font pas partie de ce processus et se poursuivent comme à l'accoutumée », déclare une porte-parole du groupe à La Tribune.

Des acteurs de l'écosystème considèrent au contraire que « WeWork, c'est fini en France ». « Le modèle n'est plus adapté car trop ostentatoire et ne correspond plus vraiment aux problématiques financières des entreprises françaises », assène ainsi un chef d'entreprise.

Se fondant sur une récente étude du commercialisateur JLL, les mêmes patrons français considèrent en effet que le marché hexagonal est « résilient » grâce à la baisse du télétravail et le retour au bureau.

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Le grand concurrent IWG se targue, ainsi, d'avoir ouvert en France 13 nouveaux centres entre janvier et septembre 2023, et communique sur une vingtaine d'ouvertures supplémentaires sur les prochains mois. Selon nos informations, Comet, qui est déjà rentable contrairement à ses petits camarades, a, lui, reçu, en mars dernier, une nouvelle injection de 8,5 millions d'euros de la part d'Eurazeo.

Comparé aux Etats-Unis, le marché français résiste

D'autres comme le CEO d'Hiptown, Mathieu Sorin, témoigne d'« une croissance à trois chiffres fondée sur des contrats flexibles et de la prestation de services ».

De la même manière, Benjamin Teboul, co-fondateur de Deskeo, fait état de 70.000 m² entre Paris, la première couronne francilienne et Lyon, avec une croissance de 35% de chiffre d'affaires entre 2021 et 2022. « En 2023, nous aurons à nouveau une croissance supérieure à 30% avec un peu moins de 95.000 mètres carrés », assure ainsi le startuper. Ce dernier s'est également diversifié. Un quart de son chiffre d'affaires vient en effet du management contract. Sur le modèle de l'hôtellerie, il prend des immeubles à des propriétaires privés ou institutionnels et les transforme en espaces de bureaux flexibles. Clément Alteresco de chez Morning revendique, lui, d'être entré dans le top 10 parisien de l'aménagement intérieur des bureaux. 80 personnes de son équipe proposent des travaux, de la décoration ou du mobilier pour des grands utilisateurs, comme la Caisse des Dépôts ou L'Oréal.

Et les derniers chiffres de la conjoncture hexagonale ne démentent pas toutes ces parties prenantes. Selon le conseil en immobilier d'entreprise Savills France, le marché continue en effet de croître, soutenu par une demande solide et des taux d'occupation élevés de 80 à 85% à Paris.

« Les ouvertures de nouveaux sites se multiplient à Paris et en province, avec une offre qui ne cesse d'évoluer pour répondre aux besoins changeants des entreprises qui cherchent des alternatives flexibles et sur-mesure aux baux traditionnels 3/6/9 ans », relève ainsi Boris Capelle.

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 Autrement dit, si l'immobilier résidentiel est en crise, ce n'est pas le cas du bureau flexible... et ce même si les jeunes pousses qui se positionnent sur le sujet ne sont pas encore rentables.

César Armand

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Commentaires 3
à écrit le 08/11/2023 à 8:40
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"L'argent ha ! Maudite engeance ! Fléau des humains !" Sophocle

à écrit le 08/11/2023 à 8:33
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c'est le principe de la start up!! avec l'argent de gens cupides, tu presentes un business plan qui vaut ce qu'il vaut, et avec un peu de chance ca donne qqch, tres souvent ca va au tas

à écrit le 08/11/2023 à 7:56
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"Fake it until you make it" : Sauf que des fois, il n'y a que du fake. Sinon, le bureau flexible, c'est vraiment l'exploitation du travailleur, ça devrait être interdit

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