Transport fluvial : face à un réseau vieillissant, VNF renforce encore ses investissements

Longtemps délaissé, comme le fret ferroviaire, le transport fluvial revient peu à peu sur le devant de la scène. Opérateur du réseau, Voies navigables de France (VNF) voit son budget d'investissements repartir sensiblement à la hausse depuis 2021 jusqu'à dépasser les 300 millions d'euros. Un effort qu'il espère voir pérennisé sur les prochaines années afin de garantir les capacités du réseau face au vieillissement des infrastructures, qui ont vu passer 50 millions de tonnes de marchandises en 2022, soit l’équivalent de 2,5 millions de camions.
Léo Barnier
Le réseau fluvial nécessite un effort de régénération.
Le réseau fluvial nécessite un effort de régénération. (Crédits : VNF)

Les problématiques de régénération et de modernisation ne sont pas l'apanage du transport ferroviaire. Autre mode de transport dit « lourd » dans la logistique, le transport fluvial connaît des défis similaires sur son réseau. L'opérateur national public de ce réseau, Voies navigables de France (VNF), poursuit donc sa trajectoire de renforcement des investissements avec un objectif de trois milliards d'euros sur 10 ans. Et là aussi tout comme dans le ferroviaire, l'objectif affiché est là aussi de rattraper un sous-investissement historique sur un réseau de 6.700 kilomètres qui compte 4.000 ouvrages (écluses, barrages, ouvrages de gestion hydraulique, ponts et tunnels-canaux).

Après avoir dépensé près de 320 millions d'euros en 2021 et 330 millions en l'an dernier, le budget d'investissements de VNF va atteindre 340 millions cette année. Ce n'était que 170 millions d'euros en 2019. Si la plupart de ce budget est apporté par l'Etat en dotation via l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (l'AFITF), des co-financements par les collectivités territoriales, les agences de l'eau ou encore l'Union Européenne sont aussi présents à hauteur de 22 % selon VNF qui veut y voir « le marqueur de l'intérêt croissant porté au réseau fluvial ». La forte hausse de ce budget s'explique également par l'apport du plan France relance, qui prévoyait de mobiliser 175 millions d'euros entre 2020 et 2023.

Quelques divergences apparaissent néanmoins entre les chiffres affichés d'une année sur l'autre. Pour 2022, un budget d'investissement de 345 millions d'euros avait été annoncé. Celui n'a donc pas été pleinement exécuté, même si la différence est inférieure à 5 %. De même, sur les fonds du plan de relance, VNF a annoncé avoir dépensé 100 millions en 2021 et 87 millions en 2022, soit plus que le total prévu.

Maintenir l'effort

Au-delà de l'affichage, l'enjeu pour VNF est désormais de maintenir ce niveau d'investissement aux alentours des 300 millions d'euros. Thierry Guimbaud, directeur général de Voies navigables de France, s'est montré confiant ce vendredi en conférence de presse. Il s'appuie pour cela sur le dernier rapport, paru il y a quelques semaines, du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) et plus particulièrement sur le scénario dit de « planification écologique ». « On a parlé des 100 milliards de la SNCF mais il y a aussi des milliards pour Voies navigables de France », déclare-t-il. Ce scénario comprend une dimension forte sur les infrastructures pour les gestionnaires des modes lourds, la logistique ferroviaire et la logistique fluviale, avec « une priorité à la régénération et la modernisation ». Le COI préconise ainsi de continuer à faire croître la dotation de l'Etat pour les investissements de régénération jusqu'à atteindre 215 millions d'euros par an en 2031 (contre 180 millions d'euros prévus dans la Loi d'orientation des mobilités de 2018), plus 33 millions d'euros par an jusqu'en 2030 pour la modernisation.

Encore faut-il que ces orientations soient reprises au niveau gouvernemental, mais là aussi Thierry Guimbaud se veut confiant : « Ce qui a été proposé par le COI a été repris par la Première ministre lorsqu'elle l'a évoqué il y a deux semaines maintenant ». Il espère ainsi pérenniser un niveau d'engagement autour de 3 milliards d'euros sur 10 ans, ce qui est « à ce stade en cours de déclinaison suite aux orientations données par la Première ministre ».

Le maintien des investissements à un niveau important et stable doit permettre à VNF de rattraper le retard accumulé depuis dans années. Dans son rapport, le COI mentionnait ainsi que le dernier inventaire du patrimoine avait « mis en évidence [...] un état moyen à mauvais pour les barrages et écluses exploitées par VNF ». Une remise en état apparaît donc comme nécessaire pour atteindre l'objectif posé en 2021 par la loi dite « Climat et résilience » sur la logistique lourde, à savoir « l'augmentation de moitié du trafic fluvial dans le transport intérieur de marchandises d'ici 2030 » en parallèle du doublement de la part modale du fret ferroviaire. Il n'y a en revanche pas de problème de capacités, le réseau pouvant prendre en compte quatre fois plus de trafic qu'actuellement.

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50 % pour la régénération

En attendant, sur les 340 millions d'euros prévus cette année, plus de la moitié sera consacrée à la régénération du réseau, comme l'explique Thierry Guimbaud qui veut garantir le maintien des capacités sur les 30 à 50 ans à venir. C'est pour lui seul moyen pour que des logisticiens s'engagent dans le transport fluvial. Il mentionne ainsi des chantiers de grande ampleur comme l'écluse de Méricourt sur la Seine, qui nécessitent des investissements de plus de 100 millions d'euros et plusieurs années de travaux sans interrompre la navigation. Cela peut aussi porter sur les ouvrages de gestion hydraulique, avec 50 barrages de retenue d'eau, qui disposent d'un potentiel de 165 millions de m3 d'eau. Celui-ci pourrait être porté à 190 millions en investissant dans les infrastructures existantes, sans nouveaux ouvrages.

Vient ensuite la modernisation, qui devrait mobiliser plus de 40 millions d'euros à travers divers études et travaux. La mise en place d'un poste de téléconduite pour gérer les écluses à distance dans les Hauts-de-France est actuellement en cours, avec un budget total de 36 millions d'euros. Il doit être progressivement raccordé à divers ouvrages cette année ou l'an prochain, jusqu'à piloter une vingtaine d'écluses d'ici 2026 puis d'intégrer le canal Seine-Nord Europe en 2030.

Risque de sécheresse

Thierry Guimbaud mentionne également la mise en place de capteurs sur le réseau pour améliorer les connaissances et permettre une gestion fine de l'eau. Ce qui pourrait s'avérer nécessaire au vu des épisodes de sécheresse rencontrés l'été dernier et cet hiver. Si la navigation a pu être maintenue sur 85% du réseau au global et 99% du réseau à grand gabarit à l'été 2022, et que le niveau d'activité logistique n'a pas été affecté, le directeur général de VNF concède qu'une première réunion de crise s'est tenue en février, ce qu'il qualifie « d'historique ».

S'il n'y a pas encore eu besoin de puiser dans les réserves d'eau, celles-ci sont inférieures de 10 % au niveau habituel. « Nous sommes en vigilance. Nous avons des moyens de gestion, qui ne seront peut-être pas à la hauteur. Nous verrons. », glisse-t-il ainsi. Au-delà des perturbations pour le domaine logistique ou encore touristique, avec un engouement actuellement pour les croisières fluviales qui dépasse le niveau d'avant crise, un assèchement des voies navigables pourrait avoir des conséquences bien plus importantes. Ne serait-ce que pour les centrales nucléaires qui s'appuient sur les cours d'eau pour leur refroidissement.

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Léo Barnier

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