Loi « restauration de la nature » : le Parlement donne son feu vert

Le Parlement européen a voté aujourd’hui en faveur de la loi « Restauration de la nature ». L’objectif de ce texte est d’ « enrayer la perte de biodiversité et de remettre la nature en bonne santé ». Ses propositions étaient pourtant loin de faire l’unanimité. Les députés du PPE avaient déposé une motion de rejet visant le texte. Si cette procédure n’a pas abouti, le texte effectivement adopté par le Parlement est considéré par ses partisans comme moins complet et efficace que la proposition initiale de Bruxelles.
Le Parlement a approuvé une version de la loi lors d'une session plénière ce mercredi 12 juillet.
Le Parlement a approuvé une version de la loi lors d'une session plénière ce mercredi 12 juillet. (Crédits : YVES HERMAN)

Feu vert pour la « Restauration de la nature ». Ce mercredi 12 juillet, les députés européens se sont prononcés sur le sort de la loi « Restauration de la nature », loi visant à réparer et à protéger les écosystèmes. La gauche européenne étant pour, la droite contre et le centre divisé, le vote s'annonçait serré. Les eurodéputés ont voté en faveur du projet au cours d'une séance plénière. Cette position a recueilli 336 voix pour, 300 contre et 13 abstentions. Le texte, proposé par la Commission européenne mi-2022, vise à enrayer le déclin de la biodiversité et à mieux contrer le changement climatique en imposant de réparer les écosystèmes abîmés. Les eurodéputés vont désormais devoir en négocier le contenu avec les Etats membres.

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« Le Parlement européen a voté en faveur d'objectifs juridiquement contraignants visant à restaurer les zones naturelles dégradées », s'est réjoui Greenpeace, saluant « le premier texte législatif depuis 30 ans pour protéger la biodiversité dans l'UE ».

Réparer les écosystèmes et stopper la dégradation

La loi de restauration de la nature s'inscrit dans le Pacte vert pour l'Europe, un ensemble d'initiatives politiques proposées par la Commission européenne visant à engager l'UE sur la voie de la transition écologique. L'objectif de ce pacte est de rendre l'Europe climatiquement neutre d'ici 2050. D'après Bruxelles, plus de 80% des habitats naturels dans l'UE sont dans un état de conservation « mauvais ou médiocre » (tourbières, dunes et prairies tout particulièrement), et jusqu'à 70% des sols sont en mauvaise santé.

Dans les grandes lignes, la loi « Restauration de la nature » prévoit d'instaurer d'ici 2030 des mesures de restauration sur 20% des terres et espaces marins à l'échelle de l'UE, puis d'ici 2050 sur l'ensemble des zones qui le nécessitent. Plusieurs types d'habitats sont concernés, pour lesquels chaque Etat serait tenu d'adopter des mesures de restauration d'ici 2030 sur au moins 30% des habitats abîmés, puis sur 60% d'ici 2040. Par ailleurs, le Parlement souhaitait imposer un objectif de non-détérioration (maintien en bon état) sur de vastes zones.

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Un texte « vidé de sa substance »

A la suite du vote du Parlement, le rapporteur du texte, l'eurodéputé espagnol César Luena (S&D, gauche) a salué une « victoire collective » et « une bonne nouvelle pour la nature, les États membres et l'UE elle-même ». Toutefois, l'ambition du texte a été revue à la baisse. L'eurodéputée écologiste Caroline Roose a reconnu une « victoire au goût amer » et déploré « l'obstruction de la droite » aboutissant à l'adoption d'une version « largement édulcorée ».

La position du Parlement est proche de celle adoptée le 20 juin par les Etats membres, qui offrait plus de flexibilité que la proposition initiale de Bruxelles, dont les objectifs étaient jugés trop contraignants. De nombreux assouplissements avaient été ménagés sur les obligations spécifiques à chaque type d'écosystème (espaces verts en ville, réhumidification des tourbières, forêts, éléments à haute biodiversité sur les terres agricoles...), et les Etats avaient ajouté une dérogation pour l'installation de projets d'énergies renouvelables ou d'infrastructures de Défense.

La droite, vent debout contre le projet

Ce vote est un échec pour les députés du PPE (Parti populaire européen), première force de l'hémicycle, qui avait déposé une motion de rejet. L'inquiétude des députés de ce parti de droite concerne l'impact sur l'agriculture, la pêche ou les énergies renouvelables. Elle remet notamment en cause l'objectif de « particularités topographiques à haute diversité » (haies, fossés, zones humides...) sur 10% des surfaces agricoles d'ici à 2030.

« Restaurer la nature ne doit pas signer l'arrêt de mort de toute production économique, industrielle, forestière et agricole en Europe », a déclaré l'élue française Anne Sander (PPE)rapporteure du texte en commission Agriculture. Bruxelles « estime que geler purement et simplement 10% de nos terres agricoles ne représente pas un danger pour notre sécurité alimentaire », estime-t-elle. « Nous diminuerons peut-être nos émissions mais il faudra importer notre nourriture des quatre coins du monde, où les standards de production sont bien éloignés des nôtres ».

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Des manifestations devant le Parlement

Ce mardi, à la veille du vote, plus de 300 personnes se sont rassemblées devant le Parlement. Deux camps se sont faits face : les militants et opposants au projet. Du côté des opposants, le rassemblement était organisé par le Comité des organisations professionnelles agricoles (COPA). 200 agriculteurs ont fait le déplacement avec quelques tracteurs afin d'exprimer leur désaccord vis-à-vis de la loi.

Selon eux, ce texte engendrera une perte des surfaces agricoles. Il y a « déjà des surfaces qui sont restituées à la nature » et les agriculteurs ont déjà enregistré « beaucoup de pertes » avec la nouvelle Politique agricole commune (PAC), confie à l'AFP Florian Lossel, exploitant près de Strasbourg. « Au bout d'un moment (...), ça n'est plus possible ».

« Oui, à la restauration de la nature, non à la loi sur la restauration de la nature », clament les agriculteurs, menés par Christiane Lambert, ex-dirigeante du syndicat agricole majoritaire français, la FNSEA.

Parmi la centaine de militants pour le climat se trouvait Greta Thunberg. L'activiste suédoise est venue jusqu'à Strasbourg pour inciter les eurodéputés à « voter la loi de restauration de la nature la plus forte possible ». « Pour atténuer crise climatique et perte de biodiversité, nous devons restaurer davantage la nature. La science l'a prouvé », a-t-elle déclaré, espérant un vote « le plus large possible » en faveur du texte.

Le financement du projet

Environ 100 milliards d'euros du budget pluriannuel européen seront disponibles pour la biodiversité, notamment les plans de restauration. Selon le Parlement, chaque euro investi rapporterait entre 8 et 38 euros, au travers des avantages d'écosystèmes sains (santé humaine, pollinisation et qualité des sols, moins d'inondations, atténuation climatique en capturant le CO2, populations de poissons préservées...).

(Avec AFP)

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