Alain Levy, la pub et les maths men...

Il est le PDG de Weborama, une entreprise française indépendante qui, avec ses « forts en maths » spécialisés dans le ciblage comportemental, est en train d'administrer la preuve que l'industrie de l'Internet n'est pas le domaine réservé de Google ou de Facebook.
Alain Levy, PDG de Weborama. DR

Un jour, nous recevrons sur nos écrans - téléphone mobile, tablette, ordinateur, télévision - des communications publicitaires individualisées, vantant les mérites de produits ou de marques au moment où nous avons envie de les acheter. Ce jour-là marquera une révolution totale du monde de la publicité.
C'est à cette métamorphose que se prépare Alain Levy. Certes, ce jour n'est pas encore arrivé. Mais il se profile à un horizon de temps plus court qu'on ne le croit. Entretenir une conversation individualisée avec les internautes suppose la mise en ?uvre de technologies très complexes, la mise au point de modèles mathématiques de plus en plus pointus, ainsi que de systèmes automatisés de gestion des espaces et des communications publicitaires, capables d'adresser simultanément à des millions d'internautes, en quelques fractions de seconde, des messages différents et qui tombent juste... De plus en plus, le monde de la publicité migre des Mad men (Mad pour Madison avenue, le temple de la publicité des années 1960-1970) vers les maths men. Et Weborama est l'une des entreprises européennes qui aspire à jouer un rôle de leader dans cette nouvelle « industrie », face aux géants Google ou Facebook.

Rachetée, Weborama entre en forte croissance

Pourtant, Alain Levy n'a pas toujours été dans la publicité. il s'est formé à l'école des ponts et Chaussées puis au Mit à Boston où il obtient un Master of Science en 1987, avant de débuter sa vie professionnelle dans le commerce des matières premières en Russie, où il a notamment lancé les activités de Nestlé dans le courant des années 1990. En 1999, il repasse par Boston, reste quelque temps au Mit, observe le mécanisme de la création d'entreprise, le rôle des venture-capitalistes et des universités. De retour en France, il crée Start-Up avenue, un incubateur d'entreprises, avec son ami Daniel Sfez, un camarade du cours préparatoire. C'est en 2000 que Start-Up avenue entre au capital de Weborama, avant de racheter la société en 2005. Depuis, l'entreprise enregistre une croissance constante, le chiffre d'affaires a atteint 22,4 millions d'euros en 2011, et celui du premier trimestre 2012 s'est élevé à 5,6 millions, en progression de 37 % sur la même période de 2011.
Alain Levy définit le chemin de Weborama de cette façon : « Imaginons que la maison dans laquelle nous voulons aller, c'est celle de la publicité individualisée. Cette maison est encore loin, mais en attendant, nous occupons des maisons provisoires qui nous permettent de nous rapprocher de notre but. » L'équation de l'entreprise n'est pourtant pas simple. Elle doit combiner l'excellence technologique, l'exploration permanente de nouveaux territoires, une rentabilité qui lui garantisse indépendance et liberté de man?uvre, une capacité d'adaptation qui lui permette de suivre les évolutions très rapides du marché, et notamment sa migration vers les terminaux mobiles, le tout sur une dimension internationale. « Pour y parvenir, il faut garder son calme, faire de la veille en permanence et s'adapter très vite, car parfois, il y a des choses que nous ne voyons pas immédiatement », dit Alain Levy.
Dans une industrie où foisonnent les start-up, la longévité de Weborama sur le marché (l'entreprise a été créée en 1998) lui a permis de se construire une sorte de colonne vertébrale autour des technologies, et plus précisément des bases de données. Prétendre adresser une publicité individualisée à un internaute suppose que soit réuni un nombre impressionnant d'informations. très tôt, les équipes de Weborama se sont lancées dans un travail de taxonomie (la science de décrire, de regrouper, de nommer et de classer les espèces) appliqué au langage, en étudiant l'ensemble des mots utilisés au cours d'une navigation internet, afin de mesurer la proximité ou la distance entre ces mots au moyen d'algorithmes savants, de les regrouper dans des « clusters » qui permettent ensuite d'établir des profils d'internaute, en fonction des mots qu'ils utilisent. C'est le domaine des mathématiques pures et dures, mais qui permettent de créer une science du ciblage comportemental, grâce au calcul des nuages de mots des internautes et au travail de modélisation dont ils sont l'objet. Autour de cette base scientifique, d'autres technologies ont été développées dans le domaine de la circulation des messages publicitaires et de leur insertion sur les sites, grâce à des technologies dites de rich media.

« Allons jusqu'au bout de notre ambition... »

« Nous sommes fidèles depuis le début à cette idée de l'importance stratégique des bases de données, et nous en avons fait le pivot de la société, c'est cela qui nous permet de passer de maison en maison. Nous sommes à l'intersection de tendances très fortes dans nos métiers qui feront le marché de demain, c'est-à-dire l'automatisation de la gestion des messages publicitaires et la compréhension de l'historique de consommation et de navigation de ceux avec lesquels nous voulons communiquer », explique Alain Levy.
Paradoxalement, dans ce monde de l'instantané et de la rapidité qu'est l'internet, la patience serait donc une vertu. Cavalier émérite, Alain Levy exerce déjà cette faculté sur les parcours d'obstacles. Dans l'industrie de l'internet, c'est une autre affaire. De nouvelles entreprises se créent chaque jour, parfois avec beaucoup d'argent en provenance des venture-capitalistes américains ou européens. Google et Facebook surveillent leur monde. Weborama, coté sur alternext (mais dont Start-Up avenue contrôle 60 % du capital), pourrait constituer une cible tentante. « Allons jusqu'au bout de notre ambition et tant que Daniel [Sfez, son ami et associé, ndlr] et moi aurons le sentiment d'avoir deux coups d'avance sur la concurrence, nous ne céderons rien... ». En avant, calme et droit...

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Repères
1987 : Déjà diplômé des Ponts et Chaussées, il obtient un Master of Science du MIT, à Boston.
Années 1990 : Premières expériences professionnelles dans le commerce des matières premières, en Russie.
1999 : Il crée Start-Up Avenue, un incubateur d'entreprises, avec son ami Daniel Sfez.
2000 : Start-Up Avenue entre au capital de Weborama, créée en 1998.
2005 : Start-Up Avenue rachète Weborama.
2011 : Le chiffre d'affaires de Weborama atteint 22,4 millions d'euros.

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