La fracture territoriale persiste dans la tech. Epicentre de la French Tech, Paris et l'Ile-de-France regroupent un tiers des startups du pays et 70% des montants levés en capital-risque en 2019, d'après le cabinet de conseil EY. Logiquement, cette domination se traduit dans les salaires : alors que les métiers tech sont sous tension et que les startups comme les grands groupes s'arrachent les talents à la fois techniques (développeurs, data scientists...), commerciaux et de marketing digital, les emplois pourvus à Paris sont significativement mieux payés que partout ailleurs en France.
D'après une étude de cabinet de recrutement Urban Linker, un même poste dans la tech sera payé en moyenne entre 20% et 30% plus cher à Paris que dans les autres métropoles régionales. La différence peut être plus importante encore dans les écosystèmes régionaux plus petits, donc moins concurrentiels, comme Strasbourg, Saint-Etienne ou Dijon, et ainsi "dépasser les 30%", d'après Florent Muller, le principal éditeur de l'étude chez Urban Linker.
La taille de l'écosystème compte
Cet écart se retrouve quelque soit le métier, comme l'illustre le tableau ci-dessous qui prend l'exemple des développeurs PHP, qui est le langage de programmation le plus communément choisi par les entreprises, et qui regroupe donc la communauté de développeurs la plus large en France. On y remarque un écart d'au moins 5000 euros annuel pour le même poste, dans la fourchette basse.
Le cabinet de recrutement explique cette différence par plusieurs facteurs. "Le coût de la vie en Ile-de-France joue évidemment sur les salaires, mais la taille et la maturité de l'écosystème et la guerre des talents qui va avec sont les principaux facteurs", estime Florent Muller.
On peut y voir un effet direct de la puissance financière de l'Ile-de-France, où se concentrent la plupart des investisseurs et où de nombreuses startups avec de grandes ambitions en terme de levées de fonds s'installent. L'Ile-de-France présente aussi un écosystème de startups plus matures, comme le montre la domination de la région dans le French Tech 120 (84 startups franciliennes sur 123 places).
Lyon, Bordeaux, Nantes et Lille sont les villes les plus attractives
Ainsi, l'étude d'Urban Linker souligne que 95% des recrutements sont effectués dans des villes de plus de 200.000 habitants, contre 4% dans les villes entre 130.000 et 200.000 habitants, et seulement 1% pour celles dont la population est inférieure à 130.000 habitants.
En région, les métropoles les plus attractives sont aussi, logiquement, celles dont l'écosystème tech est le plus développé. C'est pourquoi les salaires sont plus importants à Lyon (la deuxième région la plus dynamique en terme de levées de fonds), Bordeaux (où de plus en plus de startups en hyper-croissance, comme ManoMano, installent des bureaux pour profiter de la qualité de vie), Nantes (doté d'un écosystème d'innovation très dynamique) et Lille (qui abrite Euratechnologies et plusieurs champions de la French Tech comme la licorne OVH), qu'à Strasbourg, Saint-Etienne, Dijon et même Montpellier, où les salaires sont parmi les plus bas. Rennes, Toulouse, Nice, Grenoble, Marseille et Aix-en-Provence sont dans la médiane.
Un mouvement "Paris vers régions" de plus en plus important
Mais les écarts de salaires n'atteignent pas l'attractivité des métropoles régionales, bien au contraire.
"Nous avons observé un vrai phénomène de migration des régions vers Paris, mais désormais on remarque de plus en plus de profils, notamment des travailleurs confirmés ou seniors, qui font le mouvement inverse "Paris vers régions", observe Florent Muller.
Leurs motivations sont "soit pour se rapprocher de leur région natale, soit pour gagner en qualité de vie, quitte à perdre en salaire", ajoute-t-il. Cette mobilité est d'autant plus importante au fur et à mesure que les écosystèmes régionaux gagnent en maturité et permettent à leurs startups d'accéder à des financements conséquents, même si la plupart des fonds d'investissement gardent une approche très centralisée.
La tendance, au sein des startups plus matures, de créer des divisions régionales hors de Paris, contribue à renforcer l'attractivité des métropoles régionales. "Les salariés sont moins chers, bénéficient d'une bonne qualité de vie et sont en général plus fidèles qu'à Paris, où les meilleures startups se battent pour attirer et conserver les meilleurs profils avec les Gafa et les grands groupes", précise Florent Muller.
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