App Store, chargeurs… : comment Apple recule ses positions sous la pression de Bruxelles

Le tentaculaire nouveau règlement européen Digital Markets Act (DMA) ou encore la loi sur le chargeur unique votée cet été à Bruxelles forcent Apple à renoncer à des pratiques contestées mais extrêmement juteuses qui alimentaient sa position dominante dans le marché des smartphones. D'après Bloomberg, Apple se prépare ainsi à autoriser l'installation d'applications sur les iPhone par d'autres canaux que l'App Store.
François Manens
Apple va devoir changer sous la pression de l'Union européenne.

L'étau se resserre autour d'Apple et de son tout-puissant App Store, porte d'entrée incontournable pour tout développeur d'application. D'après Bloomberg, Apple se préparerait enfin à autoriser les utilisateurs d'iPhone et d'iPad à télécharger leurs applications depuis d'autres magasins que l'App Store. Pourtant, l'interdiction était défendue bec et ongles par le géant de la tech depuis des années, avec comme principal argument la sécurité des utilisateurs.

La menace du Digital Markets Act (DMA)

Mais Apple doit plier face à la pression des régulateurs. L'Union européenne a voté l'an dernier un nouveau règlement d'envergure, le Digital Markets Act (DMA), qui encadre les pratiques des géants du numérique afin d'éviter les abus de position dominante. Les entreprises ont jusqu'à 2024 pour se mettre en conformité avec ses nouvelles règles, sous peine de se voir infliger de très lourdes amendes.

Apple semble ainsi se plier assez en amont à cette obligation. Le constructeur va devoir aligner ses pratiques avec celles de son concurrent Android [propriété de Google, ndlr], qui laisse ses utilisateurs télécharger leurs applications directement chez les éditeurs ou par le biais de plusieurs magasins applicatifs, dont le sien, le Google Play Store. D'après Bloomberg, ce changement pourrait être effectif dès la prochaine mise à jour majeure du système d'exploitation des iPhone, iOS17, qui sera déployée l'an prochain. Dans un premier temps, il ne concernerait que les pays de l'UE, dont la France. Mais l'expérience du RGPD, le règlement sur les données personnelles entré en vigueur dans l'UE en 2018, montre que de nombreux pays dans le monde ont décidé d'harmoniser leur législation avec lui, et cela pourrait être aussi le cas avec le DMA.

Lire aussi"Il faut casser le duopole d'Apple et Google sur les app stores" Meghan DiMuzio, Coalition App for Fairness

L'App Store pèse 400 milliards de dollars pour Apple

Aujourd'hui, les développeurs sont obligés de faire passer leur application par l'App Store pour toucher les utilisateurs d'iPhone et iPad, car Apple ne tolère aucun autre magasin applicatif sur ses produits, afin de maîtriser entièrement la chaîne de valeur. Apple jouit ainsi d'une position dominante sur les appareils fonctionnant avec ses systèmes d'exploitation et il fait payer cher cette position de douanier. L'App Store prélève entre 15% et 30% de commission -deux tarifs en fonction de la taille de l'éditeur- sur toutes les transactions réalisées dans les applications, qu'il s'agisse de l'achat des apps elles-mêmes ou de l'achat de services en leur sein (in-app, dans le jargon). Les opposants de l'entreprise parlent de « taxe Apple » pour évoquer ce système.

L'App Store représente un business considérable pour la marque à la Pomme, car le groupe pèse plus de 20% du marché mondial des smartphones avec l'iPhone -et même 50% aux Etats-Unis-, ainsi que 37,5% du marché mondial des tablettes avec son iPad. Le magasin d'application génère ainsi environ 6% du chiffre d'affaires annuel mondial d'Apple, soit 24 des 400 milliards de dollars de chiffres d'affaires projetés pour 2022.

C'est pourquoi Apple combat depuis si longtemps pour préserver son écosystème fermé. Avec ce changement, l'entreprise pourrait perdre une partie non négligeable des commissions qu'il prélève. La décision relevée par Bloomberg n'est donc pas un choix stratégique de la part d'Apple, mais bien l'anticipation de la mise en conformité imposée par le Digital Markets Act (DMA).

En revanche,  si Apple est près à lâcher du lest sur l'installation des applications, il n'aurait pas encore décidé que faire sur les paiements in-app. Le DMA prévoit que les développeurs puissent utiliser le système de paiement de leur choix, et donc contourner à nouveau Apple s'ils le souhaitent, avec en conséquence un manque à gagner pour le géant de la tech.

Contourner la taxe Apple, un combat de longue date des développeurs

Grâce au DMA, les développeurs pourront donc contourner l'App Store, puisque les utilisateurs pourront télécharger des apps depuis des sources tierces : par exemple en direct depuis le site web de l'éditeur ou depuis un autre magasin d'application. De quoi éviter la « taxe Apple », pour agrandir ses marges ou améliorer l'attractivité de ses prix.

C'est une victoire non négligeable pour les développeurs d'applications, qui s'opposent de plus en plus ouvertement aux pratiques d'Apple. Ces dernières années, une guerre de communication a opposé l'entreprise à de gros éditeurs d'applications, justement sur la question des paiements in-app. Le service de streaming musical Spotify et l'éditeur de jeux vidéo Epic Games (créateur de Fortnite), entre autres, reprochent au géant de Cupertino de s'octroyer une rente injustifiée. Epic Games a même obtenu en justice un changement du système d'Apple, mais il n'a pas réussi à faire reconnaître l'abus de position dominante sur le montant de la taxe décidé par Apple. D'autres procédures sont en cours auprès de régulateurs partout dans le monde, y compris en France.

En réalité, Apple est cerné de toutes parts. Car la régulation européenne lui demande également d'ouvrir sa messagerie (iMessage), ses interfaces de programmation (API) ou encore l'accès à la puce NFC des iPhone (utilisée dans le cadre d'Apple Pay mais refusée aux autres services financiers) à des concurrents.

Apple est également attaqué sur le terrain du hardware [le matériel informatique, ndlr]. Cet été, l'UE a voté une loi pour imposer un connecteur unique, l'USB-C, à tous les chargeurs de smartphones. Or, Apple commercialise son propre chargeur pour ses iPhone, doté d'un autre standard, le Lightning Port, qu'il était le seul à commercialiser. Il se positionnait à contre-courant de l'industrie alors même que le Lightning Port affiche des performances moindres que l'USB-C (en termes de vitesse de transfert de données, notamment).

François Manens

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Commentaires 2
à écrit le 14/12/2022 à 22:47
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J’ ai si un smartphone Apple depuis 6 ans pourtant je n achete rien ni via l Apple Store ni via internet avec mon smartphone .. d ailleurs j achete rien sur le net …. Je dois être un mauvais client pour toute cette clique d écosystème gafam …

le 15/12/2022 à 9:21
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Vous n'utilisez que des applis gratuites ? Ou ne l'utilisez que pour téléphoner ? :-) (c'est pour ça que j'ai encore mon GSM (Doro) qui me suffit pour causer + SMS) Pas de cloud non plus ? Un client récalcitrant. :-)

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